Au pays des illusions perdues : Obama ou l’éloquence du velléitaire

 

 <a href= »http://www.publicdomainpictures.net/view-image.php?image=6479&picture=barack-obama »>Barack Obama</a> par Petr Kratochvil

Au moment où, à propos d’une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies relative à la répression en Syrie, les États Unis laissent éclater leur mécontentement devant le droit de veto exercé par la Chine et la Russie, je voudrais vous faire partager un article du chroniqueur algérien Akram Belkaïd, paru dans Le Quotidien d’Oran, et repris dans SlateAfrique sous le titre suivant : « Obama ou l’éloquence du velléitaire ».

 

Akram Belkaïd est journaliste indépendant.

Il travaille avec Le Quotidien d’Oran, Afrique Magazine, Géo et Le Monde Diplomatique.

 

Il prépare un ouvrage sur le pétrole de l’Alberta (Carnets Nord).

Son dernier livre paru est : Un regard Calme sur l’Algérie, Seuil, 2005.

 

Cet article nous permet de mesurer combien le chemin sera encore long pour le peuple palestinien, alors que l’accession de Barack Obama à la magistrature suprême au pays de l’Oncle Sam avait suscité de grands espoirs. Lecture !                                                                                                                                                                                                               

 

« C’était il y a un an à peine. S’adressant à la tribune des Nations unies, Barack Obama avait déclaré que le monde était «prêt à un accord qui conduira à la création d’un nouvel Etat palestinien, l’année prochaine».

 

Comme tant d’autres de ses interventions, ce discours avait été marqué par la puissance du verbe. 

 

Douze mois plus tard, le même homme s’est de nouveau exprimé sur le sujet, avec éloquence mais pour exprimer son refus de la reconnaissance officielle d’un Etat palestinien par l’Onu, qualifiant cette démarche de «raccourci illusoire ».

 

Dans la foulée, le locataire de la Maison Blanche a fait porter aux seuls Palestiniens la responsabilité de l’échec d’un pseudo processus de paix qui, en réalité, ne sert qu’à permettre à Israël de gagner du temps et à engranger les faits accomplis ou, selon une autre expression, à multiplier les «facteurs d’irrévocabilité » en ce qui concerne notamment le maintien et l’expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 

 

En novembre 2008, nous avons été des millions à travers le monde à nous réjouir de l’élection du premier président afro-américain de l’histoire des Etats-Unis. 

 

«Le changement est arrivé», avions-nous répété en reprenant le slogan de sa campagne lequel faisait allusion à un vieux chant des descendants d’esclaves.

 

Bien sûr, nous n’étions pas naïfs quant à sa marge de manœuvre.

 

Le président de l’Amérique n’est pas un magicien et ses pouvoirs sont limités à dessein, les Pères fondateurs du pays ayant eu en tête de ne jamais le soumettre à une nouvelle tyrannie après celles des rois anglais.

  

Il n’empêche, après huit années de présidence bushienne, il était temps qu’un peu d’air frais nous parvienne de Washington. 

Aujourd’hui, l’échec d’Obama est patent. Rien n’a vraiment changé dans la situation des Etats-Unis ni même dans leur manière d’appréhender le monde.

 

Bien sûr, nous avons eu de beaux discours comme celui du Caire au printemps 2009.

 

Obama et le complexe identitaire

 

Citons aussi celui du 14 février 2011 à Washington, le jour même de la chute de Hosni Moubarak.

Là aussi, ce furent des propos à la fois aériens et inspirés, profonds et émouvants.

 

Mais il s’agissait de mots et rien d’autre.

Et soudain, reviennent en mémoire les mises en garde de l’écrivain Cornel West (lequel a tout de même fini par se rallier à sa candidature).  

 

Obama ? Trop bavard, pas assez courageux, trop velléitaire, trop soucieux de plaire aux puissants, avait ainsi jugé cet activiste et critique impitoyable des inégalités raciales aux Etats-Unis. 



 

Obama parle, fait des discours, emprunte des accents messianiques quand il s’agit de revigorer ses troupes mais, finalement, il n’agit guère. 

Et cela ne concerne pas que les pauvres Palestiniens.

 

Ainsi, le camp de Guantanamo, «une honte pour l’Amérique» de l’aveu même de Colin Powell, l’ancien chef de la diplomatie américaine sous Bush, fonctionne-t-il encore et sa fermeture ne semble plus être à l’ordre du jour.

 

À la Maison Blanche et au Capitole, les lobbyistes de tous poils ont leurs entrées alors que le candidat Obama avait promis de les chasser ou, du moins, de limiter leur pouvoir.

 

De même, les gens de Wall Street font-ils encore la loi, empêchant les Etats-Unis de remettre au goût du jour des législations imaginées par l’administration Roosevelt, dans sa lutte contre la Grande Dépression. 

 

Même l’assurance-maladie s’avère être finalement un fiasco pour le président américain, son texte initial ayant été détricoté au fur et à mesure de ses compromis passés avec le camp républicain. 

  

Obama et l’obsession de plaire

 

Et c’est là qu’apparaît ce qui est peut-être la grande faiblesse d’Obama.

 

D’aucuns disent qu’il est faible, incapable de prendre la moindre initiative risquée et, qu’en somme, il manquerait de courage à la différence d’un Clinton toujours partant pour croiser le fer avec ses ennemis.

  

Il y a sûrement de cela mais on peut aussi penser qu’il y a une autre raison.

 

Obama, de par ses origines et le complexe identitaire qui l’a longtemps tourmenté (comme lorsqu’il se faisait appeler Barry), est dévoré par l’obsession de plaire.

 

À force de vouloir être apprécié, y compris par ses adversaires politiques, il en oublie ce pour quoi il a été élu.

C’est d’ailleurs un comportement très fréquent chez les représentants de ce que l’on appelle les minorités visibles.

 

C’est le cas en France à l’image des fameux «beurgeois» qui, pour reprendre une expression bien algérienne, n’en finissent plus de «s’excuser de demander pardon» et qui n’ont qu’une seule envie : prouver qu’ils sont sages, raisonnables et donc dignes de confiance. 



 

Le discours prononcé en fin de semaine dernière par Obama devant les Nations unies est, en cela, un bel exemple.

 

Ce n’est pas aux chefs d’Etats et de gouvernements présents qu’il s’adressait ni même à Benyamin Netanyahu flanqué de son raciste de ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman.

  

En réalité, Obama devançait les exigences d’un Congrès américain dominé par les républicains et nettement en faveur d’Israël.

 

En faisant cela, le président étasunien a feint au passage d’oublier que le gouvernement israélien lui a infligé moult humiliations comme lorsqu’il a annoncé le lancement de nouveaux chantiers de colonisation alors même que le vice-président Joe Biden était en visite officielle en Israël. 



 

S’aligner sur la position de ses adversaires pour se les concilier et surtout, pour éviter l’humiliation d’une défaite électorale au Congrès : mais quelle stratégie de gagne-petit!

 

Quelle preuve d’impuissance aussi.

On peut penser qu’Obama est désormais entièrement tourné vers l’échéance électorale de novembre 2012.

 

Le problème pour lui, c’est que toutes ses concessions et tous ses reniements ne risquent guère de lui servir.

En effet, il y a de fortes chances pour qu’il ne soit pas réélu comme l’a si bien compris la pléthore de candidats aux primaires républicaines.

 

Battu après avoir tant parlé mais si peu osé: la belle légende d’Obama, risque fort de se terminer en triste déroute. » 

 

Akram Belkaïd

                                                                                                                                                                                           

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4 Commentaires sur

Au pays des illusions perdues : Obama ou l’éloquence du velléitaire

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    « le changement est arrivé » : peut être certains d’entre nous l’ont pensé ; car il s’agissait d’un événement important, que l’élection du premier président noir des USA;
    bouleversement sociologique, peut être, sociétal, probablement, mais pas politique
    ne nous leurrons pas, même s’il n’avait pas été vélleitaire, comme l’auteur le pense, aurait-il pu bouleverser le système USA? le pouvoir économique et financier prédomine, et lamine tout. quelle que soit l’appartenance ethnique du président. il n’a peut être pas fait le poids (bon, ca c’est assez vrai) mais il n’a probablement pas été soutenu comme il se doit, parce que justement, il est le premier afro américain à accéder à ce poste. c’est peut être son échec, mais c’est surtout la preuve qu’un système comme celui des USA est d’une telle puissance qu’il est difficile de le faire bouger
    quant aux compromis / compromissions… l’auteur a probablement raison, mais même s’il avait été ferme, aurait-il pu changer la mentalité capitalisme et impérialiste américaine?

  • ùXBäNo Gravatar |

    cette analyse cruelle,sans doute assez vraie est un peu trop compliquée pour mon esprit simple!
    je vois les choses plus terre à terre.
    le lobby de la finance américain qui soutient israel assez aveuglément règne en maître sur le financement des campagnes et donc de la politique.
    obama est donc juste victime de réalisme.

  • TwiggyNo Gravatar |

    Obama pense aux prochaines élections : être du côté d’Israël est plus porteur de voix qu’être du côté des Palestiniens. En général, il se range plutôt facilement du côté du plus fort. Peut-être effectivement pour montrer qu’il est un bon élève « malgré » sa peau noire…

  • SophieNo Gravatar |

    Pourquoi est-ce qu’on est aussi déçu ? Parce que le fait d’être le premier président noir des Etats-Unis le revêtait d’un manteau de vertu ? Parce qu’on s’aperçoit qu’au final ça ne change pas grand-chose ? Ca me fait penser aussi à ceux qui veulent élire une femme uniquement parce que c’est une femme. Je suis pour la parité en politique, mais pas pour que le genre, ou la couleur de peau passe avant le reste.

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