Courrier de lecteur – Après la curée, la débâcle…

 

   Intéressante analyse de Raymond Mollard. Lecture !

Massivement mobilisés, enseignants, élèves et étudiants ont montré vendredi, à Saint-Denis comme à Saint-Pierre, leur ferme volonté de s’opposer à la politique de casse engagée par le gouvernement contre le service public d’éducation et de formation.


Si le pouvoir reste sourd à leurs inquiétudes et à leurs revendications, s’il s’obstine à mettre en oeuvre des mesures qui conduisent inexorablement le système éducatif à l’asphyxie, alors il faudra relancer le combat, descendre à nouveau dans la rue, crier plus haut et plus fort, engager des actions assez retentissantes pour parvenir aux oreilles des sourds et des muets qui se terrent au Ministère, à la Préfecture et au Rectorat.

 

Quant à la Région, son attitude est simplement lamentable.

Interrogé dimanche sur Antenne Réunion dans l’émission “Face à l’Info”, Didier Robert s’est adonné à sa double spécialité : langue de bois et art de l’esquive, en prenant la voix de son maître mais sans jamais prononcer son nom (sondages catastrophiques obligent).


Interpellé par le jeune Alexis Chaussalet sur sa position face aux suppressions de postes dans l’Education nationale et à la répression contre les dirigeants lycéens, le représentant local de Sarkozy a qualifié de « stratégie électoraliste » ce genre de questionnement, et assuré qu’il mettait toute son énergie à alerter le gouvernement sur la situation catastrophique du système éducatif réunionnais.

 

On ne fait pas plus faux-cul : il s’affirme totalement solidaire de la politique nationale conduite par l’UMP (dont il est, rappelons-le, un dirigeant national), et assure dans le même temps qu’il se bat pour ouvrir les yeux de ses camarades de parti sur les besoins spécifiques de l’Ecole à La Réunion.


Il ne sort décidément pas de la stratégie « gros doigts » de la chauve-souris, chère à La Fontaine : face à l’électeur réunionnais, ses envolées lui font jurer : « je suis oiseau, voici mes ailes ».

Et sitôt revenu parmi les rongeurs de l’UMP : « Je suis souris, vivent les Rats ! ».

 

Et il n’y a bien sûr absolument rien d’ « électoraliste » dans ce mélange permanent d’arrogance et de cynisme où nier l’évidence tient lieu de profession de foi, ou pour toute politique on fait tonner la grosse Bertha du matraquage publicitaire.

C’est à la vérité, face à la population réunionnaise, une bien périlleuse voltige : faute d’y exceller, on passe aisément pour un sot, sinon pour une canaille…


Juste avant son interview, le Journal d’Antenne-Réunion consacrait une séquence à un événement de la plus haute importance survenu à Saint-Benoît : une statue de la Vierge pleurait des larmes de sang !

Et l’on voyait nos compatriotes, interrogés par les reporters, se partager bien naturellement entre croyants et sceptiques sur la nature de ces pleurs.

 

Sûr que si on leur avait d’abord fait écouter Didier Robert, ils se seraient rapidement mis d’accord : c’est sans doute le constat de l’incommensurable médiocrité politique de notre Sarko péi qui rendait la statue inconsolable…


Question médiocrité, nous n’avons pas eu à nous plaindre.

Sarkozy le vrai nous en a déversé un tombereau dimanche soir, prenant un ton de professeur pour faire oublier qu’il pataugeait allègrement dans l’incapacité, les reniements et le grotesque, pour finalement nous pondre en direct un remaniement ministériel qui ne ressemble à rien d’autre qu’une gigantesque fausse-couche politique.

 

Que voit-on en effet ? Une ministre incompétente et affairiste remplacée au Quai d’Orsay par un ex-condamné pour emplois fictifs, qui avait de surcroît solennellement affirmé qu’il se cantonnerait au seul mandat de maire de Bordeaux.

Un ancien facho créateur et militant actif du mouvement d’extrême-droite “Occident” (ceux qui comme moi ont été étudiants dans les années 60 savent ce qu’il en était) devenir ministre de la Défense.


Un ministre de l’Intérieur, récemment condamné pour propos racistes, passer de la place Bauveau à l’Elysée en qualité de conseiller présidentiel.

Un éminent historien qui avait écrit et fait dire au Président de la République que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » devenir ministre de l’Intérieur.

 

Un fan politique de Kadhafi et de son régime, qui s’appliquait depuis des années à faire la promotion du dictateur en France et en Europe, être confirmé à son poste de ministre des Relations avec le Parlement.

Arrêtons là, car le ballet médiatico-politique tourne carrément à la farce honteuse, à mi-chemin entre la “Journée des Dupes” et le “Dîner de Cons”.


Bien entendu, aucun de nos éminents commentateurs nationaux, exclusivement captivés par la valse des grosses têtes, ne s’est seulement demandé si, au-delà du changement de personnes opéré dans l’urgence, ce ne serait pas d’un changement complet et radical de politique qu’il faudrait gratifier le pays.

 

Certes, une diplomatie en miettes, un débat sur l’islam qui touche aux bas-fonds, des banlieues atomisées, une crédibilité internationale fissurée, justifient des ravalements précipités.

Mais comment oublier une jeunesse passée aux profits et pertes, un système éducatif sinistré, un chômage au plus haut niveau, un Outre-mer maintenu en état d’apnée prolongée ?

 

Comment oublier que notre tonitruant président du G20 a obtenu en 2010 un lamentable taux de croissance de 1,49% en France, alors que « Maâme Merkel » (comme il dit si élégamment…) faisait 3,60% de l’autre côté du Rhin, et que la Belgique, même privée de gouvernement depuis sept mois, obtient 2% ?


Voilà les vraies questions que se posent le pays, ses régions, ses entreprises, ses salariés et ses familles.

Voilà les domaines dans lesquels le calamiteux naufrage du clan UMP aurait dû justifier un traitement de choc.

 

Nous en sommes malheureusement très loin.

Le jeu de chaises musicales orchestré par Sarkozy, le cirque médiatique en quoi consiste toute sa capacité d’initiative, si pittoresques que soient ses contorsionnistes et si amusants que soient ses clowns, n’a d’autre parfum que celui d’une débâcle de fin de règne, où la troupe affamée des rongeurs que nous évoquions ci-dessus se rue frénétiquement sur les derniers morceaux de fromage encore disponibles.


« Bon appétit, Messieurs ! » redirait le père Hugo.

Et bon vent à un régime qui entrera la bouche pleine dans les poubelles de l’Histoire.

 

Raymond Mollard                                                                                                                                                                                               

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