À toutes et à tous : bon 20 Décembre 2010 !

 

 

         Auguste de Lacaussade                                  Évariste de Parny  

Que de chemins parcourus depuis les temps « officiels » de négation de notre Histoire, surtout de celle qui doit faire une part importante à une période où l’esclavage, crime contre l’Humanité, a façonné notre relation entre êtres humains, aux pratiques religieuses, à la nature, aux paysages montagneux et de marronage.

 

Aujourd’hui, le 20 décembre est célébré dans de nombreuses communes, dans de nombreux quartiers.

 

Pour autant, il ne faut jamais oublier qu’il faut lui donner une dimension historique, pour mesurer ce que nos ancêtres ont pu endurer.

 

C’est un devoir de mémoire, mais aussi un appel à continuer à nous battre pour que les valeurs de liberté, d’égalité, ET de fraternité prennent tout leur sens.

 

Je voudrais partager avec vous deux écrits de l’époque.

D’abord un poème de Auguste Lacaussade, fils d’un avocat de grande famille bordelaise et d’une métisse, inhumé dans cette île qu’il a tant aimé, au point d’être meurtri par l’inhumanité de l’esclavage.

Ce poème s’intitule « Les travailleurs ».  Lecture :

  

Mais entends-tu la cloche aux lointains volés ?

Sous la main du planteur elle annonce le jour.

Sa voix lente, roulant dans les creux des vallées,

Remonte, appelant l’homme aux travaux du labour.

 

Les Noirs, à son appel, quittent les toits de chaume,

Secouant à leur front un reste de sommeil.

Le firmament sourit et la savane embaume ;

Mais pour l’esclave est-il des fleurs et du soleil ?

 

Ils viennent, on les compte, et le Maître gourmande ;

La glèbe aride attend leurs fécondes sueurs.

Ils s’éloignent, suivis du Chef qui les commande,

Et la plaine a reçu l’essaim des travailleurs.

 

Vois-tu ce Commandeur, hélas ! comme eux, esclave,

Du fouet armé, debout sous l’arbre du chemin ? 

Un chien est à ses pieds ; lui, sur un bloc de lave,

Il surveille pensif son noir bétail humain.

 

Le fer creuse et gémit ; la bande aux bras d’athlètes

Fouille le sol brûlant sous l’astre ardent et clair ;

Parmi les blonds roseaux luisent les noires têtes ;

L’oiseau libre et joyeux passe en chantant dans l’air !

  

O dure servitude ! ô sort ! ô lois cruelles !

Au joug de l’homme ainsi l’homme se voit plier !

Ah ! loin de ces tableaux navrants ouvrons nos ailes !

Fuyons, doux bengali ! Fuyons pour oublier ! 

 

Ensuite une lettre de Évariste de Parny, poète Réunionnais,  au poète Réunionnais Antoine Bertin, pour faire part à ce dernier de son opposition au régime ignoble de l’esclavage. Lecture :

 

« Je te sais bon gré, mon ami, de ne pas oublier les nègres dans les instructions que tu me demandes ; ils sont hommes, ils sont malheureux ; c’est avoir bien des droits sur une âme sensible.

 

Non, je ne saurais me plaire dans un pays où mes regards ne peuvent tomber que sur le spectacle de la servitude, où le bruit des fouets et des chaînes étourdit mon oreille et retentit dans mon cœur.

 

Je ne vois que des tyrans et des esclaves et je ne vois pas mon semblable. On troque tous les jours un homme contre un cheval : il est impossible que je m’accoutume à une bizarrerie si révoltante.

 

Il faut avouer que les nègres sont moins maltraités ici que dans nos autres colonies ; ils sont vêtus ; leur nourriture est saine et assez abondante : mais ils ont la pioche à la main depuis quatre heures du matin jusqu’au coucher du soleil ; mais leur maître en revenant d’examiner leur ouvrage répète tous les soirs : « Ces gueux-là ne travaillent point ».

 

Mais ils sont esclaves mon ami ; cette idée doit bien empoisonner le maïs qu’ils dévorent et qu’ils détrempent de leur sueur. Leur patrie est à deux cents lieues d’ici ; ils s’imaginent cependant entendre le chant des coqs et reconnaître la fumée des pipes de leurs camarades.

 

Ils s’échappent quelquefois au nombre de douze ou quinze, enlèvent une pirogue et s’abandonnent sur les flots. Ils y laissent presque toujours la vie ; et c’est peu de choses lorsqu’on a perdu la liberté. »

 

(Lettre à Bertin, de l’île Bourbon, janvier 1775). 

  

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1 Commentaire sur

À toutes et à tous : bon 20 Décembre 2010 !

  • Françoise RNo Gravatar |

    Que de chemin parcouru oui…
    1848 : les prémices du début…d’un commencement de changement dans les rapports économiques et sociaux, mais un « épisode » de notre histoire (collective, avec la France, n’en déplaise à certains), un passé enfoui pendant longtemps, mais transmis malgré ( et peut-être et surtout par) les non-dits et le silence, et dont nos sociétés portent encore les « héritages »….
    Mais que de chemin à parcourir encore, quand on voit les résistances localement à La Réunion, et également en France : des « raisonnements » courants comme « l’esclavage a toujours existé etc.. » de la part de personnes plutôt cultivées, refusant de reconnaître la singularité de CET esclavage LA qui se situe dans le cadre de la première mondialisation, avec notamment la traite, et de la colonisation esclavagiste organisée comme système, et surtout racialisée.
    Chemin Grand Bois…a ti pas, ti pas…

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