Interview passionnant d’un « passeur de sciences » sous le titre « Le journaliste, le politique et le savant : un trio infernal ».

 

Ci-dessous un passionnant interview de Pierre Barthélémy, publié par La Nouvelle République sous le titre « Le journaliste, le politique et le savant : un trio infernal ».

 

Le journal précise que  ce journaliste du Monde  « s’est battu pendant des années pour que le grand quotidien du soir accorde à la planète sa juste valeur », et que Pierre Barthélémy « poursuit aujourd’hui cette lutte de la vulgarisation des découvertes scientifiques sur le Web ».

 

Ainsi, ce journaliste aujourd’hui indépendant anime Passeur de sciences, un des blogs scientifiques les plus fréquentés en France avec en moyenne 700.000 visites mensuelles.

 

Cet « ouvrier de la prise de conscience climatique » dresse un constat inquiétant : le nombre de ceux qui comprennent – et anticipent – les grands sujets scientifiques, tant dans les médias que dans les ministères, est une peau de chagrin. Lecture !

 

Plus de cent biologistes viennent de signer un texte pour dénoncer l’hypermédiatisation de l’étude de Séralini et demander un débat raisonné sur les OGM.

 

Les polémiques sur les découvertes ont-elles pris le dessus sur les découvertes elles-mêmes?

 

Pierre Barthélémy: « Tout d’abord, les conditions de la publication de cette enquête étaient tout simplement inacceptables.

 

Signer une clause de confidentialité, c’est vous livrer pieds et poings liés au scientifique car vous renoncez à ce qui fait l’essence du métier de journaliste: croiser les sources, confronter les expertises.

 

Plus largement, cette espèce de désamour entre la presse et la science se solde par une perte d’expertise et de réflexes essentiels. Les médias sont de moins en moins armés pour décrypter les découvertes scientifiques. »

 

Et les pouvoirs publics?

 

« C’est à peu près la même chose: la classe politique n’a en général aucune formation en sciences.

 

Dès lors, sa réaction est médiatique: la peur que la polémique ouverte par les médias leur tombe sur la tête les pousse à trouver une parade.

 

Bref, tout le monde se refile la patate chaude. »

 

Alors que ce sont des sujets qui préoccupent les Français…

 

« Oui! Que ce soit les OGM, les nanotechnologies, le réchauffement climatique, ce sont des secteurs qui bougent énormément et qui peuvent impacter la vie de tout un chacun à un moment donné.

 

Il est bien normal d’attendre des réponses politiques aux questions qui se posent sur le nucléaire ou l’industrie agroalimentaire.

 

Face à de telles préoccupations, quand on a une responsabilité, on devrait s’entourer au mieux pour ne pas réagir à chaud.

 

Se préparer, en amont, pour anticiper ces sujets, détecter ce qu’on appelle les signaux faibles dans la littérature scientifique.

 

Cela devrait faire partie de l’agenda politique prioritaire.

 

On ne peut pas parler de la politique énergétique à long terme que le jour où les prix des carburants augmentent. »

 

Pourquoi ce décalage?

 

« Ce sont des questions à temporalité longue qui dépassent très largement le mandat de la femme ou de l’homme politique qui se fixe sur la prochaine élection.

 

Regardez les États Unis: Barack Obama était arrivé avec énormément d’ambition sur le plan environnemental.

 

Finalement, il a fait très peu.

Comme tous ses prédécesseurs, c’est l’agenda de sa réélection qui l’a emporté.

 

Expliquer aux gens que les carburants vont augmenter, qu’il va falloir payer une taxe carbone, devoir changer de mode de vie, ça n’est pas très populaire. »

 

Et pourtant c’est essentiel…

 

« Oui. Nous ne vivons pas avec un agenda à trois ou quatre ans.

On sait que nous allons vivre jusqu’à 70 ou 80 ans, voire davantage.

 

Qu’est-ce qui va nous arriver d’ici la fin de notre vie?

Comment nos enfants vont vivre?

 

Quelle planète va-t-on leur laisser?

Qu’est-ce qu’ils pourront nous reprocher, dans cinquante ans, si nous n’avons rien fait?

 

Ce sont les questions essentielles.

 

Et on ne peut y répondre correctement en navigant à vue en fonction des sujets qui font polémique dans les médias. »

 

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