Environnement et déchets ménagers : la conscience citoyenne en débat »

La Réunion coeur du Monde La demande d’autorisation d’exploiter relative à la modification des conditions d’exploitation de l’Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND), située à Sainte-Suzanne et présentée par la société STAR, est le symbole du refus permanent de prendre des décisions courageuses en faveur d’une politique de gestion des déchets à la Réunion.
En effet, installée depuis 1992, cette décharge devait cesser d’être exploitée, car nous en sommes déjà à la deuxième phase autorisée par un arrêté préfectoral de 2007.

Déchets Décharge Bel Air Ste Suzanne « Vous en reprendrez bien pour… 11 ans ? »

Mais aujourd’hui, la STAR demande une nouvelle prolongation de 11 ans. Seront alors créés 3 nouveaux casiers représentant un volume de plus de 1 millions (1 025 000 exactement) de mètres cubes de déchet supplémentaires.

Certes, des contreparties à cette demande existent. Largement insuffisantes, elles tentent de masquer l’ampleur du projet : une modification du plan de circulation est envisagée, ainsi que de la zone d’accueil, le doublement des capacités de pré traitement des lixiviats (jus de déchets), la redéfinition des points de rejet, et la collecte des eaux pluviales.

Parallèlement à cette prolongation, et pour enfoncer le clou, une autre société de projet, INOVEST, sera implantée sur la même parcelle. En fait, cette société aura en charge un centre de valorisation des déchets non dangereux (CVDND) qui sera une usine de Tri-Mécano-Biologique (avis de l’autorité environnementale du 23 mai 2014).

incinérateur de déchets environnement  Le spectre de la solution de l’incinération

Suscitant l’hostilité légitime d’une partie de la population informée, une association, « Respire Bel Air », préconise la création d’un incinérateur.

Le conseil général, devant l’urgence de la situation, et surtout le manque d’initiative des communautés d’agglomérations directement concernés, ne ferme pas la voix à cette solution, contenue comme option possible dans le plan départemental d’élimination des déchets ménagers et assimilés. Même une élue EELV n’est plus aussi contre, et pour ne pas la citer madame Yvette Duchemann, c’est vous dire.

Pourtant le projet de Plan révisé d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PDEDMA) du département de La Réunion, en date de juin 2011, indiquait déjà que l’on aboutirai pour le Département de la Réunion à une situation d’urgence à l’horizon 2014 (au plus tard) avec la saturation des 2 Centres d’Enfouissement des déchets ultimes existants.

Trois ans pratiquement se sont écoulées depuis la présentation de ce document. Et l’on peut alors s’exclamer légitimement : « Tout ça pour ça » ?

Et bien oui !

image La fausse bonne solution du tri mécano biologique

D’abord, tout ce que l’on nous propose face à la gravité de la situation, c’est un prolongement de 11 ans d’une décharge parmi les plus importantes de la Réunion, avant sans doute d’autres demandes de prolongations d’autres sites à l’avenir) comme solution à court terme et comme solutions à moyen terme.

Ensuite, on ne ferme plus désormais la porte à l’installation d’usines de « Tri-Mecano-Biologique » (TMB), et même à la solution incinération. Ces deux dernières solutions ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité en métropole, tant en matière de cout de fonctionnement que d’impacts sur l’environnement.

Juste une information : prenons le cas d’un incinérateur. Le futur four d’un incinérateur sera alimenté en combustible, comme par exemple du gaz et/ou du fioul, pour maintenir en permanence la combustion, car les différentes sortes de déchets n’ont pas la même capacité à brûler, ce qui est déjà un mauvais point pour une île qui proclame vouloir atteindre l’autonomie énergétique.

image La condition aggravée de notre île

A cela il faut rajouter qu’à la Réunion, du fait de notre climat, le taux d’humidité de ces déchets serait certainement aussi important que le taux de 35 % au niveau national ( cf recommandations du Comité de la prévention et de la précaution Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable sur les Incinérateurs – Paris – Octobre 2004). Cela demanderai donc une dépense énergétique plus importante encore pour bruler ces déchets.

Que faire aussi des mâchefers provenant du reste de la combustion des déchets, hautement polluants ? Pour 1000 kg de déchets brulés, on recense 300 kg de mâchefers. Rien de plus simple : ils seront entreposés en décharge.

On peut dire alors que la boucle est bouclée avec la prolongation des décharges existantes.

image Le Centre national d’informations indépendante sur les déchets

Je vous invite à consulter le site de la CNIID (centre national d’informations indépendante sur les déchets – http://www.cniid.org), devenu Zéro Waste France.

Le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid), créé en 1997, est une association à but non lucratif (dite « Loi 1901 ») agréée pour la protection de l’environnement.

Organisation non gouvernementale (ONG) spécialisée dans la problématique des déchets municipaux, elle mène campagne en faveur d’une gestion écologique de ces derniers notamment grâce à leur réduction à la source (en quantité et en toxicité) et à leur détournement de l’incinération et de la mise en décharge.

Améliorer le recyclage, développer la méthanisation et le compostage collectif sont des choix qui permettent de réduire les impacts environnementaux et sanitaires du traitement des déchets.

image Du compost pollué inutilisable ?

Mais quelque chose de plus pernicieux nous attend avec l’installation d’usines de Tri-Mécano-Biologique. Ce « machin » n’a de biologique que le nom, nouveau concept imaginé face à l’hostilité importante des populations vis-à-vis des incinérateurs.

Ce procédé de tri-mécano biologique est vendu comme la nouvelle solution « écologique » pour continuer à traiter les déchets ménagers que l’on refuse de trier, en valorisant la fraction fermentescible des ordures ménagères (FFOM) en compost.

Or ces « composts » issus de ces usines n’atteignent pas la norme sur les amendements organiques (NFU 44051) à respecter depuis le 1er mars 2009.

Trop pollués, ces « composts » ne peuvent donc pas être utilisés par nos agriculteurs !

Certes, certains constructeurs de ce type d’usines vont nous dire qu’elles atteignent ces normes… omettant de préciser que c’est en les agglomérant à des déchets verts qu’Ils tentent d’atteindre cette norme. C’est la solution utilisée par exemple pour l’usine de Launay-Lantic, située en Bretagne dans les Côtes d’Armor).

image La prudence avisée de nos agriculteurs

La tentation sera grande de faire la même chose à la Réunion, afin notamment de faire passer la pilule aux agriculteurs.

Quand je vois la prudence avisée des agriculteurs devant l’invitation qui leur est faite d’utiliser les boues d’épuration de l’usine du Grand Prado de la CINOR, cela m’étonnerai que ces agriculteurs acceptent de déverser ce pseudo compost contenant des polluants sur leurs terrains.

S’ils le font, ne risquent-ils pas de devoir faire face à une mévente de leur production ?

Et le danger n’existe-t-il pas pour la population même, car par effet de ravinement, ne pourrait-il pas y avoir des risques pour nos nappes phréatiques dans lesquelles nous puisons la majorité de notre eau ?

3d human with a red question mark Des questions pertinentes

Au vu ce rapide panorama et des connaissances des dégâts occasionnés, on peut légitimement se poser les questions suivantes :

1°- Pourquoi ces solutions serait-elles adaptées au contexte réunionnais, très particulier du fait notamment de son insularité, alors que ce n’est pas le cas en monopole?

2°- Quid de l’avenir de la politique de tri des déchets déjà existante et préconisée à la Réunion, si un incinérateur ou une usine de TMB est installé… ou les deux à la fois ?

3°- Ne risque t-on pas une incompréhension, puis une démotivation induisant une baisse des effort de la population réunionnaise en terme de tri ?

En effet, la population se dira pourquoi trier puisque l’usine de TMB va le faire, ou pire, pourquoi trier puisque cela va être brulé dans l’incinérateur.

La « paresse politique » entraîne la « paresse citoyenne » : nous avons de nombreux exemples de l’indiscipline de certains réunionnais autour de nous (cf site http://www.bandcochon.re).

image S’inspirer des expériences novatrices et citoyennes

Pourtant, des solutions alternatives viables, économiques et pourvoyeuses d’emplois, menées par des collectivités métropolitaines, existent. Elles ont prouvées leur efficacité.

Certaines de ces collectivités se sont regroupées en un réseau : « le réseau compost plus ».

Ce réseau a constaté qu’en prônant une collecte séparée des bio-déchets, cela dynamisait les autres filières de tri.

En fait plus on demande au citoyen de trier, en lui donnant bien sûr les moyens et en lui expliquant comment faire, plus il va se mettre à trier.

Le rapport de 2011 sur le projet de Plan révisé d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés du département de La Réunion estimait que ces bio-déchets représentaient 28% de nos déchets en 2006 et que c’était déjà à l’époque un gisement de recyclage organique très important pour la Réunion.

Ce plan préconisait d’une part la réduction des tonnages de déchets alimentaires par le biais de programmes de gestion à domicile ou à l’échelle du quartier (bacs de compost) ainsi qu’auprès des gros producteurs publics et privés, et d’autre part la généralisation les collectes au porte à porte des bio déchets auprès des gros producteurs.

image Le réseau Compost Plus

A t-on mesuré les bénéfices issues du choix de telles voies ? Est-ce que ces voies ont été retenues et mises en application sur le terrain? L’on parle d’un expérience de collecte de bio-déchets qui a tournée court à Ste Rose.

Le réseau « compost plus » (http://www.compostplus.org/index.php?lng=fr) bénéficie de plus d’expérience en la matière. Il peut proposer des solutions pérennes dans la collecte de bio-déchets, sachant que celle-ci engendre un accroissement du tri de la part des ménages en France continentale. Pourquoi cela ne serait-il pas le cas à la Réunion ?

Notre Île, en mutualisant les efforts financiers de l’ensemble de ces collectivités au sein d’une structure unique, chargé de ce dossier prioritaire à la Réunion, ne pourrait-elle pas adhérer à un tel réseau ?

En effet, jusqu’à ce jour, la politique de la gestion des déchets a toujours été caractérisée par le « on veut bien installer un machin, mais pas dans mon arrière-cour », ou par le « on veut bien installer un machin, mais pas pendant mon mandat », quand ce n’est pas « on veut bien installer un machin, mais on n’en parle pas pendant la campagne électorale ».

Et en « laissant le temps au temps », devant la gravité et l’urgence de la situation, on nous propose des usines TMB , un ou des incinérateurs.

La Réunion coeur du Monde Faire de La Réunion « l’Île de l’économie circulaire »

Pourquoi ne pas faire de la Réunion « l’Île de l’économie circulaire » ?

Imagine-t-on l’impact médiatique d’une telle mesure au niveau mondial et les retombées touristiques qui en découleraient dans une certaine mesure.

A la Réunion, cette nouvelle politique de gestion des déchets, pas seulement ménagers, devrait être les prémices voire le fondement de cette économie circulaire.

Cette démarche aurait des conséquences positives en terme d’emplois qui ne seraient pas délocalisables.

La montée en puissance d’une collecte plus sélective des déchets engendrerait la multiplication de plateformes de compostage réparties sur l’ensemble du territoire réunionnais, et mieux acceptées par les populations environnantes, surtout si elles sont sources d’emplois.

Parallèlement une « police environnementale », intervenant sur tout le territoire régional, pourrait être crée. Son action pourrait être tant préventive, au titre de l’information et de l’éducation citoyenne, que répressive, avec la possibilité d’amendes lourdes, voire de signalisation aux autorités compétentes en cas d’infractions correctionnelles.

Il faudra aussi agir vis-à-vis des entreprises et des mesures d’accompagnements à définir doivent être mises en œuvre à leur niveau.

Un référent « déchet » dans les moyennes et grosses entreprises pourrait être nommée.
Bien sûr, tout cela ne se fera que progressivement.

Pour autant, il faut se donner des objectifs chiffrés, réalistes et mesurables, basés sur l’expérience d’autres collectivités de l’Hexagone avec des échéances proches.

Un enjeu pour les générations futures… et pour les prochaines échéances électorales ?

L’essentiel est de comprendre que ce qui doit être enfoui en décharge c’est ce que l’on pas pu absolument recycler : le tri et le recyclage devrait être la règle, le recyclage et l’incinération… l’éventuelle exception.

En ce sens, tous les partis politiques devraient s’engager définitivement pour l’interdiction d’incinérateurs et d’usines de Tri-Mécano-Biologique, solutions complètement dépassées financièrement et écologiquement.

Il vaut mieux encore malheureusement être réaliste et comme solution à court terme prolonger l’existence des décharges existantes, mais pas dans les mêmes conditions que les exploitants le demandent.

Prenons le cas de celle de ste Suzanne : un casier sur trois pourrait seulement être construit et une diminution des années d’exploitation de 6 ans cela représente 703 000 tonnes de déchets à économiser sur 11 ans !

Car il faudra bien mettre en route cette nouvelle politique de gestion des déchets et ne pas relâcher les efforts.

Les prochaines échéances électorales et la suppression « déguisée » du département vont-elles conduire au renvoi « aux calendes grecques » cette problématique des déchets à la Réunion ? Ou au contraire, cette problématique des déchets dans notre île va-t-elle s’inviter dans le débat aux prochaines régionales ?

A celles et ceux qui s’interrogent sur ce que nos générations vont laisser aux générations futures d’inciter au débat environnemental.

Car quelle que soit la collectivité engendrée par la prochaine réforme territoriale, quelle que soit le regard porté ailleurs par les responsables des territoires d’agglomérations, ce sont les Réunionnaises et les Réunionnais qui auront à soigner ce « bébé ». Et quel bébé !

Article vu 4 214 fois
1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (Pas encore de votes)
Loading...

1 Commentaire sur

Environnement et déchets ménagers : la conscience citoyenne en débat »

  • CAZINNo Gravatar |

    je confirme que TMB et Incinérateur sont aujourd’hui des propositions totalement dépassées économiquement et écologiquement. Le tri sélectif des fermentescibles permet de réaliser un produit fertilisant de très bonne qualité, pour un coût élevé certes, mais en réponse pour une part à notre dépendance pour l’importation d’engrais chimiques. Les motivations citoyenne et politique sont à conquérir pour ce projet.

Vous avez une opinion ? Laissez un commentaire :

Nom *
E-Mail *
Site Web