Agriculture : la guerre du sucre aura-t-elle lieu ?

 

   L’information est « tombée » mardi : Le groupe coopératif Cristal Union s’allie à la société Groupe Vermandoise.

But de l’opération : devenir le numéro 5  du sucre au niveau européen et le numéro 2 français.  

 

La guerre du sucre aura-t-elle lieu ? Et quelles conséquences pour les planteurs réunionnais ?

 

En Europe, les sucriers français sont devancés par les deux allemands Südzucker et Nordzucker et le britannique British Sugar.

 

En France,  le premier groupe est Tereos et l’objectif du nouveau groupe est de passer avant Saint-Louis Sucre, propriété de l’allemand Südzucker.

 

C’est dans ce contexte que le groupe coopératif Cristal Union, qui commercialise les produits estampillés Daddy, va acquérir le Groupe Vermandoise pour la « modique » somme d’un milliard d’euros.

 

L’opération est intégralement financée par le Crédit Agricole Nord Est et Crédit Agricole Corporate and Investment Bank.

 

Il faut préciser que le groupe Cristal Union est en pleine santé financière : il a terminé l’année 2010 sur un chiffre d’affaire consolidé de 1,12 milliard d’euros, avec une baisse de plus de 7% en partie due à l’impact de l’OCM sucre.

 

En revanche, le bénéfice net a atteint 40 millions d’euros. Un niveau historique !

Si le principe d’une fusion est acté entre les deux sociétés, encore faut-il que l’opération reçoive l’aval des  autorités de la concurrence en France et en Allemagne.

 

Toujours est-il que ce « mariage » permettra de dégager  un chiffre d’affaires avoisinant 1,2 milliards d’euros et d’engranger un excédent brut d’exploitation d’environ 225 millions d’euros.

 

Il offrira également « de réelles complémentarités géographiques et industrielles », mais surtout permettra « d’avoir des avantages de régularité de production agricole et de commercialisation des  produits ».

 

Autre objectif à atteindre avec cette fusion : avoir « une production qui lui permettra de s’engager plus avant dans la chimie verte et dans les bioénergies ».

 

Le nouveau groupe proposera aux planteurs de devenir co-actionnaires, Cristal Union ouvrant cette possibilité comme il l’a fait pour quelques  5.350 agriculteurs, qui représentent environ 20% des planteurs français et détiennent ainsi un quart de la surface betteravière française. 

 

Cristal Union produit 900.000 tonnes de sucre et 4,5 millions d’hectolitres d’alcool, à destination de la carburation et de l’industrie, de la parfumerie aux spiritueux.

Le groupe s’est également développé dans les extraits végétaux comme les polyphénols et la stévia.

 

Le groupe Vermandoise , lui,  affiche une production annuelle d’environ 550.000 tonnes de sucre et de 600.000 hectolitres d’alcool et exploite 4 sucreries, dont une sucrerie distillerie.

 

Une production européenne en pleine forme mais…

 

Selon FranceAgrimer,

 

« La production européenne de sucre dépasserait 18 millions de tonnes, soit un niveau suffisant pour couvrir l’intégralité des besoins intérieurs, y compris la production d’éthanol.

Le potentiel élevé des cultures betteravières, lié à la précocité et aux excellentes conditions de semis, a été préservé, malgré la sécheresse du printemps, dans la plupart des pays européens », dont l’Allemagne, la France ou le Royaume Uni.

 

Néanmoins, le marché intérieur de l’Union européenne du sucre alimentaire serait déficitaire de 0,4 à 0,6 million de tonnes.

 

« La production de sucre hors quota, estimée à 5,1 millions de tonnes, sera suffisante pour combler ce déficit, sous réserve d’adopter une mesure de reconversion similaire à celle décidée en 2009/2010 », met en garde FranceAgriMer.

 

Et de souligner :

 

« Sur le plan mondial, la perspective d’un excédent de production, la hausse du dollar et le désengagement des investisseurs financiers sur les matières premières entraînent un repli des cours ».

  

Et si la production au Brésil est ralentie, celles en Thaïlande et en Inde augmentent.

  

Chute du cours mondial du sucre 

 

Il y a une dizaine de jours, les prix des matières premières alimentaires ont plongé, atteints par le vent de panique lié aux craintes de récession dans les pays développés. 

La valeur du sucre a fondu de 25% en un mois.

 

En effet, le sucre a été atteint de plein fouet par le plongeon des matières premières alimentaires : le prix de la tonne de sucre blanc à Londres a chuté de plus de 13% en une semaine, perdant ainsi près du quart de sa valeur en un mois.

 

À New York, les cours du sucre brut se sont effondrés de plus de 15% en une semaine.

 

La récente mise sur le marché par la Chine (2e  plus gros pays consommateur de sucre) de 200.000 tonnes issus des stocks étatiques a contribué à peser sur les cours.

 

Et ce n’est peut-être pas fini.

« Même si nous estimons que la chute des prix est en partie exagérée, la poursuite des incertitudes sur l’économie mondiale va sûrement continuer de peser », a prévenu un analyste travaillant chez Commerzbank.

 

Même si, pour le sucre, les cours ont sans doute désormais atteint un plancher car ils correspondent aux données fondamentales du marché, en intégrant le surplus attendu à l’échelle mondiale, rétorque un autre analyste d’une société concurrente.

 

Rajoutons à cela que les Ukrainiens entament une opération de lobbying au niveau européen, mettant en avant leur potentiel agricole, notamment la région de Vinnytsia qui fournissait 10% du sucre consommé dans l’ancienne Union soviétique.

 

Aujourd’hui, les nouvelles technologies permettent aux entreprises de produire le sucre le moins cher d’Europe. Un atout que les Ukrainiens entendent bien mettre en avant.

 

Et voilà Tereos qui souhaiterait se désengager d’europe 

 

Et pour terminer ce tour d’horizon, cette déclaration des dirigeants de Tereos, reprise par le site « La voix éco », mi septembre 2011 :

« Le marché mondial est approvisionné à 80% par la canne. Il fallait choisir le meilleur pays : nous sommes allés au Brésil ».

 

Tereos se lance aujourd’hui dans l’amidon en prenant une participation majoritaire dans la société Halotek, spécialisée dans la transformation du manioc en amidon.

 

Quant à l’objectif final, il est clairement affiché :

 

« Notre idée est de sortir de l’Europe pour nous développer dans des régions porteuses.

On marche en synergie de pays et de métier.

Et toujours sur ces deux principes : le local et le global ».

 

En fonction de toutes ces informations, une seule question : comment préserver l’économie sucrière réunionnaise, tout du moins ce qu’il en reste, à savoir les forces vives : les planteurs ?

                                                                                                      

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3 Commentaires sur

Agriculture : la guerre du sucre aura-t-elle lieu ?

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    il est vrai qu’alignées comme ça, toutes ces informations ne donnent pas un aspect réjouissant à l’avenir de la filière canne / sucre à La Réunion

  • Boismery HervéNo Gravatar |

    Certaines réalités structurelles essentielles doivent être rappelées:
    1) Plus de 110 pays dans le monde produisent actuellement du sucre mais seulement 25 % des productions mondiales sont commercialisées internationalement (75% des productions sont destinées en fait aux marchés intérieurs)
    2) Les cours internationaux sont établis sur des marchés à terme fortement spéculatifs (« international futures markets »). Ces cours sont très volatils et dépendent des stratégies des fonds spéculatifs (« hedge funds ») ainsi que des mouvements des taux de change et des taux d’intérêt.
    3) Les cours internationaux sont généralement inférieurs aux coûts de production. Ils ne peuvent donc rationnellement servir de prix de référence à l’intérieur de l’Union Européenne et vis-à-vis des pays ACP, sauf à entraîner une disparition complète des productions européennes.
    4) De ce fait, les tensions sont vives au sein de l’OMC mais aussi en Europe. A titre d’exemple, la Pologne a vainement demandé une augmentation des quotas, ce qui a été refusé par les instances européennes. En outre,l’OMC remet systématiquement en cause les politiques européennes.
    5) Pour la campagne 2011/2012, un surplus apparaîtra au niveau mondial, avec une augmentation de 8.7 millions de tonnes métriques des productions et seulement une augmentation prévisionnelle de 3 millions de tonnes métriques de la consommation mondiale. Il en résultera une baisse des cours.
    6) Dans ce contexte, les grandes compagnies sucrières s’orientent évidemment vers les pays où les coûts de production sont les plus compétitifs, compte tenu des dotations naturelles et des mouvements internationaux des taux de change. Rappelons que plus de 50% des exportations mondiales proviennent de seulement quatre pays. Néanmoins, de nouveaux exportateurs à bas coûts pourraient prochainement apparaître (cas du Vietnam notamment).
    On comprend dans ces conditions le désengagement au moins partiel à l’égard de l’Europe des grandes compagnies.

  • ùXBäNo Gravatar |

    depuis le temps que j’écris ici ou ailleurs que la filière canne est condamnée ! il est grand temps de réorienter l’agriculture réunionnaise vers une production vivrière qui permettrait de
    limiter un peu nos importations massives !
    nous voulons concurrencer des pays producteurs à très faible coût de main-d’oeuvre à coup d’argent
    public , c’est absurde ! c’est douloureux certes de renoncer à une activité tellement emblématique de notre île , mais les mauriciens ont compris cette inéluctable évolution avant nous car ils ont mis en oeuvre un programme d’arrachage de canne et de substitution par de la pomme de terre l’objectif affiché est l’autonomie alimentaire !
    quand allons-nous commencer à réfléchir à notre futur en s’extrayant des shémas subventionnés ?

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