Expulsions de roms : le cri d’alarme de Médecins du Monde

 

Au moment où un secrétaire d’État en visite à La Réunion indique que « quand on veut, on peut », à propos du relogement d’urgence de personnes originaires de notre Île, de Mayotte… et des Comores, l’article paru dans le quotidien du Médecin dans son édition du 26 juillet nous invite à la réflexion.

 

Pour la première fois en France, une enquête réalisée par Médecins du monde (MDM) évalue la couverture vaccinale des Roms.

Des chiffres alarmants qui confirment l’aggravation de la situation sanitaire de cette population, qui fait l’objet depuis un an d’une politique d’expulsion massive.

 

C’est dans le quartier de l’Hôtel du Nord, non loin du lieu où Arletty a lancé son célèbre « Atmosphère, atmosphère », que Médecins du monde a choisi d’alerter sur la situation des Roms en France.

L’association dénonce le climat désastreux instauré par le discours de Grenoble prononcé par le président de la République le 30 juillet 2010 :

« Ce n’est pas la première fois que nous alertons sur la situation de cette population fragilisée par des conditions de vie déplorables. Mais le discours de Grenoble a marqué une rupture profonde en désignant cette population comme responsables des problèmes sécuritaires », souligne le Dr Olivier Bernard, président de MDM.

 

Depuis un an, les expulsions se sont multipliées avec de lourdes conséquences sur la santé et l’accès aux soins des Roms.

Le président de MDM rappelle pourtant deux chiffres : « On estime qu’il y a 15 000 Roms en France, majoritairement d’origine roumaine et bulgare, un chiffre stable depuis une dizaine d’années. Environ 10 000 sont expulsés chaque année vers leur pays d’origine, un chiffre là aussi stable depuis dix ans. »

 

Ce qui a changé depuis juillet 2010, ce sont « les expulsions des lieux de vie, beaucoup plus fréquentes et beaucoup plus dures », estime le président de MDM. Pressions policières, intimidations, gardes à vue injustifiées, menaces se sont renforcées.

Il existe aujourd’hui une « radicalité dans l’expression », comme si les Roms étaient devenus des « boucs émissaires autorisés », estime MDM. Résultat, la peur s’est installée.

 

Alin, un jeune de 20 ans, en France depuis 1997, habite depuis deux ans dans un camp de La Courneuve où vivent environ 150 adultes et 50 enfants :

« Les parents ont peur d’envoyer les enfants à l’école, car les voisins sont plus agressifs. Ils nous disent que nous n’avons pas le droit de rester en France, d’occuper un terrain qui appartient à la commune. Les enfants se sont déjà fait taper dessus », témoigne-t-il.

 

Le jeune Rom décrit un phénomène qui, selon l’association, est « très récent » : des descentes d’hommes en cagoules munis de barre de fer qui viennent la nuit se livrer à des actes d’intimidation.

 

MORTALITÉ INFANTILE 5 FOIS PLUS ÉLEVÉE


Les expulsions répétées (environ 10 expulsions par an pour un même groupe), SANS PROPOSITION DE RELOGEMENT, aggravent le sentiment de précarité, éloignent les populations des structures de soins et entraînent des ruptures de soins et de traitement,

avec des conséquences délétères lorsqu’il s’agit d’une pathologie comme la tuberculose, dont la prévalence dans cette population est forte (en 2010, 6 cas pour 240 personnes en Seine-Saint-Denis, soit 2,5 %, contre 0,03 % en population générale dans le département).

La mortalité néonatale (0-1 mois) est 9 fois plus importante que dans la moyenne française et la mortalité infantile (0-12 mois) 5 fois plus élevée. Seulement une femme sur dix est suivie pendant sa grossesse.

 

Toutefois, les données sur l’état sanitaire restent peu nombreuses, notamment sur la couverture vaccinale.

L’enquête réalisée par MDM entre juillet 2010 et juin 2011 auprès de 281 personnes de moins de 30 ans résidant sur 16 terrains dans 4 grandes villes (Nantes, Bordeaux, Marseille et Strasbourg) révèle des taux de vaccination « extrêmement faibles », souligne le Dr Jean-François Corty, directeur des programmes France de MDM.

 

Seulement 8 % des Roms ont un carnet de santé confirmant que leurs vaccinations sont à jour. « La majorité ne bénéficie pas des vaccins de base les plus courants », souligne le Dr Corty. Si 90 % des adultes ont reçu le DTP, la couverture vaccinale chez les enfants de moins de 2 ans est seulement de 70 %. Elle est de 42 % pour le BCG et de 55 % pour le ROR.

« L’enquête a aussi montré que 91 % des personnes interrogées accepteraient la vaccination si on la leur proposait », assure le Dr Corti.

 

MDM, qui intervient depuis une quinzaine d’années auprès de cette population, organise régulièrement des campagnes de vaccination, notamment contre la rougeole, en recrudescence en France et en Europe.

« On ne peut exercer la médecine sans une certaine stabilité », prévient cependant le praticien. Les expulsions dénoncées par l’association surviennent parfois au cours de ces campagnes de vaccination, comme en Seine-Saint-Denis, à Bordeaux ou à Lyon.

 

MDM promet de transmettre les résultats de son enquête aux autorités sanitaires et souhaite que les élus locaux s’engagent.


En marge de l’appel de MDM, le photographe Alain Keler expose une série de photographies* : « Parias, les Roms », où il montre « la stigmatisation dont sont victimes les Roms, la plus grande minorité d’aujourd’hui, en France et en Europe ».

 

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