Société économique et criminalité : un serial killer, ou bien il continue de tuer avec une violence toujours croissante, ou bien on le coince (3ème partie)

 

Je vous propose ci-dessous la lecture de la 3ème partie d’une contribution (longue mais passionnante) de Jean-Marie Harribey *.

 

L’UNION EUROPÉENNE EST NUE


La promesse d’une Union européenne îlot de stabilité dans un océan déchaîné grâce à un euro protecteur s’est évanouie.

 

La preuve est faite, s’il en fallait une, que la « concurrence libre et non faussée » débouche immanquablement sur un accroissement des disparités de développement, de productivité, et cela d’autant plus important que l’élargissement de l’UE s’est fait à budget européen constant.

 

Le bridage de la politique budgétaire était renforcé par celui de la politique monétaire et la zone euro, présentée comme modèle à l’ensemble du monde, devint en réalité la seule zone du monde privée de garant « en dernier ressort ».

 

Il n’est pas étonnant que, flairant la bonne affaire, les spéculateurs se soient mis à parier à outrance sur l’effondrement de chaque maillon de la zone, en commençant la curée par le plus faible.


Et apparaît alors le vice fondamental, intrinsèque, inexpugnable de la finance capitaliste mondiale : le marché financier ne peut, par définition, s’équilibrer.

 

En effet, plus la confiance en un emprunteur se dégrade, plus la baisse de la demande de titres émis par celui-cidevrait entraîner la baisse du prix exigée en rémunération des prêts.

 

Or, c’est le contraire qui se produit : le taux d’intérêt grimpe à toute allure, ce qui signifie que la fameuse loi de l’offre et de la demande est contredite par l’exigence de primes de risque plus fortes.

 

Le traité de Lisbonne, reprenant textuellement les traités antérieurs, interdit à l’UE de venir en aide à un État en difficulté et à l’un des membres de se porter au secours de son voisin malade.

 

De même, il interdit à la Banque centrale européenne de monétiser les déficits publics et la dette publique.


En langage claircela signifie que les États ne peuvent pas faire appel à la banque centrale et sont obligés d’emprunter auprès des opérateurs privés qui n’attendent que ça, bien qu’ils glapissent après les déficits publics pour justifier la restriction des dépenses publiques.


DES FISSURES AU TRAITÉ DE LISBONNE


Mais, ce traité, que l’on nous disait intouchable, est passé à la trappe.

La Banque centrale européenne a racheté des obligations d’État douteuses.

 

L’Allemagne, suivie par la France, a exigé que les conditions de l’aide soient aggravées.

Ce ne sont plus seulement les sanctions du Pacte de stabilité, ce sont celles d’un Plan de stabilité au carré.

 

Un Fonds européen de stabilisation financière a été créé par l’Ecofin de mai 2010 qui prévoit plusieurs centaines de milliards d’euros mobilisables (440 milliards + 310 ajoutés par le FMI) pour sauver les États menacés de faillite selon les critères des agences de notation.  

 

L’Irlande va recevoir 85 milliards de ce fonds, dont 35 destinés directement aux banques par qui le scandale est arrivé.


Cela ressemble à un gag de mauvais goût : les Irlandais que l’on oblige à revoter chaque fois qu’ils disent non (en 2001 et 2008) à une saloperie qu’on leur prépare sont soumis à une potion amère pour colmater les brèches ouvertes par la saloperie en question.

 

Que se passera-t-il si, tour à tour, les maillons de la chaîne européenne lâchent ?

Le Fonds de stabilité financière ne peut sauver qu’un ou quelques États.

 

Qui sauvera les derniers ?  

Derrière la dernière banque centrale, il n’y a plus rien.


Pendant ce temps, le G20 tient l’assemblée des serial killers.

En novembre 2008, le G20 réuni à Washington décide de l’ordre du jour du G20 suivant.

 

En avril 2009, le G20 de Londres amuse la galerie avec les paradis fiscaux.

En septembre 2009, le G20 de Pittsburgh se félicite que les banques aient été sauvées… par l’argent public.

 

En  juin 2010, le G20 de Toronto réforme le FMI qui pourra mieux imposer l’austérité partout.

Les Grecs, les Hongrois, les Irlandais disent merci. Les Portugais, les Espagnols… piaffent pour remercier leurs bienfaiteurs.

 

En novembre 2010 le G20 de Séoul regarde se mettre en place les germes de la guerre des monnaies.[1]

 

[1] Voir Attac, « Le G20 face à la crise financière : les éléphants, la souris et les peuples », novembre 2010.

 

Jean-Marie Harribey est ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV. Pendant la première moitié de sa vie professionnelle, il a enseigné en lycée, et, pendant la seconde, à l‘Université où ses recherches portent sur la critique de l’économie politique, les concepts de valeur et de richesse, le travail, la protection sociale et le développement soutenable.

Il a publié notamment L’économie économe, Le développement soutenable par la réduction du temps de travail (L’Harmattan, 1997), Le développement soutenable (Economica, 1998), La démence sénile du capital (Le Passant Ordinaire, 2002), Raconte-moi la crise (Le Bord de l’eau, 2009). Il a dirigé Le développement a-t-il un avenir ? (Mille et une nuits, 2004), Le Petit Alter, dictionnaire altermondialiste (Mille et une nuits, 2006). Il a aussi co-dirigé Capital contre nature (PUF, 2003), Le développement en question(s) (PUB, 2006), Sortir de la crise globale, vers un monde solidaire et écologique (La Découverte, 2009), et Retraites : l’heure de vérité (Syllepse, 2010)

Chroniqueur à Politis, il est membre de la Fondation Copernic et d’Attac France, qu’il a présidée de 2006 à 2009. Vous pouvez aussi voir sa page personnelle sur le site de l’Université Bordeaux IV.

http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2010/12/03/il-faut-coincer-les-serial-killers/#  

 

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