Société économique et criminalité : un serial killer, ou bien il continue de tuer avec une violence toujours croissante, ou bien on le coince (1ère partie)

 

Je vous propose ci-dessous une lecture d’une contribution en 6 parties (longue mais passionnante) de Jean-Marie Harribey *.

 

« Atterré par l’idéologie économique ambiante,

atterré par le chaos qui gagne en profondeur et en gravité toute l’Europe,

excédé par les serial killers qui nous gouvernent,

sidéré par le tournis dont sont saisis nombre de citoyens qui s’abandonnent à la moindre idée diffusée à la cantonade,

je prends le risque de faire quelques propositions à la hache et de les soumettre à la discussion.

    

I – LE MODE OPÉRATOIRE DES SERIAL KILLERS

 

Qu’est ce qu’un serial killer ? C’est un tueur en série qui utilise généralement le même mode opératoire.

C’est d’ailleurs ce qui finit par le perdre, car on arrive ainsi à le coincer.

 

Tous les gouvernements européens sont en train de tuer la protection sociale.

 

Le gouvernement français vient de donner un coup potentiellement mortel à la retraite par répartition, à la demande expresse de tous les financiers, spéculateurs, assureurs, patronats…

 

À peine la besogne est-elle accomplie que le serial killer tisse les fils de sa toile dans laquelle il prendra l’assurance maladie pour l’assassiner.

 

Ne doutons pas que l’affaire sera rondement menée.


Et selon un scénario connu :

 

on tarit les ressources de la Sécurité sociale,

on la met en déficit chronique et croissant,

on la déclare incapable de répondre aux besoins,

on limite la prise en charge de ces derniers abandonnés aux assureurs, qui guignent d’un œil vorace les centaines de milliards d’euros par an que constitue la protection sociale.

 

Les serial killers à la tête des États ne commettent pas leurs forfaits sans un réseau de complicités dont les fils s’étendent du monde de la finance – banques, institutions financières de toutes sortes et agences de notation – à celui de la presse bien-pensante, sans oublier la mafia des paradis fiscaux.

 

Les pièges sont tendus. 

  

L’ORGANISATION DU CHAOS

 

Comment surmonter la contradiction née d’une exigence de rentabilité des capitaux de plus en plus élevée et la dégradation de la condition des salariés qui sont pourtant choyés par une publicité envahissante pour les transformer en oies gavées de gadgets ?

 

Le système bancaire a inventé le crédit aux pauvres, moyennant des hypothèques aussitôt transformées en titres financiers qui vont se mélanger à la pyramide de multiples produits dérivés, lesquels font les délices d’opérateurs financiers fascinés par la martingale du casino mondial.

 

Toutes les institutions dont le métier est de spéculer sur le dos des entreprises restructurées utilisent à fond la caisse le crédit bancaire pour bénéficier de l’effet de levier, tout en recyclant les placements de rentiers aspergés de dividendes croissant à la vitesse de la dévalorisation des salaires et des prestations sociales.


La finance a cru pouvoir shunter le passage par la case « travail productif » pour garantir une accumulation infinie.

Marx avait montré que ce n’était pas possible et le miracle des petits pains ne s’est pas produit.

 

Une à une, les bulles ont explosé.

La montagne de dettes privées a été refilée à la collectivité.

 

Celle-ci, par le truchement des banques centrales et par celui des budgets des États, a sauvé de l’effondrement les banques privées : des milliers de milliards injectés ou prêts à l’être sans aucune contrepartie exigée des bénéficiaires.

 

Des milliers de milliards qui venaient soit de l’endossement par les banques centrales de créances pourries dont personne ne voulait plus, soit d’emprunts par les États auprès de la partie des institutions financières encore debout ou qui venaient d’être relevées !


Puis vint la phase où les naufragés remis en selle se sont mis à mordre la main qui les avait sauvés.

Avec une arrogance inimitable, des agences privées s’étant auto-désignées « de notation » ont distribué des triples A, des A– et des B+ pour évaluer les capacités des États à honorer leur dette dite souveraine.


[1] Voir Attac, « Le G20 face à la crise financière : les éléphants, la souris et les peuples », novembre 2010.

 

* Jean-Marie Harribey est ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV. Pendant la première moitié de sa vie professionnelle, il a enseigné en lycée, et, pendant la seconde, à l‘Université où ses recherches portent sur la critique de l’économie politique, les concepts de valeur et de richesse, le travail, la protection sociale et le développement soutenable.

Il a publié notamment L’économie économe, Le développement soutenable par la réduction du temps de travail (L’Harmattan, 1997), Le développement soutenable (Economica, 1998), La démence sénile du capital (Le Passant Ordinaire, 2002), Raconte-moi la crise (Le Bord de l’eau, 2009). Il a dirigé Le développement a-t-il un avenir ? (Mille et une nuits, 2004), Le Petit Alter, dictionnaire altermondialiste (Mille et une nuits, 2006). Il a aussi co-dirigé Capital contre nature (PUF, 2003), Le développement en question(s) (PUB, 2006), Sortir de la crise globale, vers un monde solidaire et écologique (La Découverte, 2009), et Retraites : l’heure de vérité (Syllepse, 2010)

Chroniqueur à Politis, il est membre de la Fondation Copernic et d’Attac France, qu’il a présidée de 2006 à 2009. Vous pouvez aussi voir sa page personnelle sur le site de l’Université Bordeaux IV.

http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2010/12/03/il-faut-coincer-les-serial-killers/#


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4 Commentaires sur

Société économique et criminalité : un serial killer, ou bien il continue de tuer avec une violence toujours croissante, ou bien on le coince (1ère partie)

  • SophieNo Gravatar |

    Ouaouh, j’ai la tête qui tourne ! En résumé, soit on (vous et moi)se fait plumer, soit on se fait plumer, et en plus on nous culpabilise… parce qu’on coûte trop cher en soins, parce qu’on coûte trop cher en retraites… Question : à force de plumer tout le monde, qu’est-ce qu’il restera ? Un tas de ruines ? On va aussi spéculer sur le tas de ruines ? Et après ?

  • NaïfNo Gravatar |

    J’avoue que je ne comprends pas pourquoi les Etats se laissent faire comme ça. Parce qu’il faut être au moins deux pour jouer. On démonte très bien le mécanisme, mais on ne prend pas les mesures pour qu’il cesse, au risque d’envoyer tout le monde (et les killers avec, à terme) dans le mur !

  • Pierre VERGESNo Gravatar |

    Le propre d’un serial killer est d’être doté d’une intelligence incontestable… au profit d’une perversité criminelle suicidaire. A l’instar de celui-ci, certains dirigeants d’Etats travaillent à notre perte commune… conscients des dommages de leur inertie sur certains domaines clés (environnement, biodiversité,…) mais les relativisant.

  • une reunionnaise en metropoleNo Gravatar |

    moi, je n’ai pas pour metier « economiste ou politicien, aussi je ne reflechis que rarement sur les grandes lignes de l’economie de mon pays de cette facon.On peut me considerer comme « la menagere de moins de 50 ans » qui depense tout le temps pour nourrir sa maisonnée, pour les dentitions de la maisonnée, le medecin la pharmacie et tout.Elle voit que l’euro elle ne voulait pas, elle subit quand meme vu les prix dans toutes les tranches de ses depenses.Mais que faire?Rien, elle est au garde a vous, elle ne peut rien.Quand elle paie une baguette 1.60 euros par exemple, le midi en rentrant, elle est bien obligée de prendre, sinon on ne mange pas.
    Par contre elle tend l’oreille quand ce matin elle entend qu’il y a un problème avec les ventes immobiliers, cette histoire de plus valus.Elle n’est quand meme pas « conne », la menagere de moins de 50 ans qui oeuvre pour sa famille et son foyer.Elle trouve son salaire petit, il lui faut un salaire de 6000euros minimum pour pouvoir tout faire.Elle a un grand frère de 65ans,sur notre ile, meme papa, mais pas meme maman, qui n’a pas gerer sa vie, et qui gagne que 300euros par mois, et ce n’est plus suffisant à ce jour etant donne qu’il est vieux.Sa tante lui a fait la lecon encore ce dimanche, de son comportement vis a vis de son demie frere qui veut voir sa petite soeur.et qui dit « pourquoi tu ne viens pas me voir quand tu es sur notre ile? et qui ne lui parles plus au telephone et qui pleure.ce demi frere.
    Des fois, elle se dit « qui a fait augmenter les prix ainsi, », mais elle n’a pas de reponse, alors elle dit c’est untel, untel.
    Tout cela pour dire que le citoyen lamba c’est rare qu’il s’etend aussi loin dans ses reflexions, il ne voit que son propre univers, et son ile quand il est de la Reunion, car l’ile est petite, il connait ttout le monde, et il decode tout.
    Il n’a pas le temps de preter attention à beaucoup de choses que vous dites dans votre article.Il travaille il gagne un salaire, et il faut compter qu’avec ca.
    Des fois meme il se dit il y a quand meme des gens qui sont payes pour ce travail, et grassement bien payés il se dit.le citoyen lamba.quand je dis le citoyen c’est femmes et hommes.
    Que celle ou celui qui reflechit autrement dans la journée, leves le doigt comme à l’ecole.

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