Immigration : la France vote un texte et l’Europe se crispe sur la question

 

Il y a d’une part le projet de loi français sur l’immigration, qui vient d’être adopté.

Il y a de l’autre, la crispation de l’Europe sur cette question.

Au milieu, il y a la détresse.


Le parlement français vient donc d’adopter le projet de loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité.

L’opposition présidentielle a décidé de saisir le Conseil constitutionnel sur ce texte.

  

Cette volonté de saisine se comprend aisément, car les principales mesures de ce texte reposent sur la xénophobie.

Elles sont celles annoncées par Sarkozy dans son discours de Grenoble.


Un exemple : les étrangers malades ne pourront bénéficier d’un titre de séjour « qu’en cas d’absence de traitement approprié » dans leur pays d’origine, et ce n’est pas la référence aux « circonstances humanitaires exceptionnelles » qui mettra un peu d’humanisme dans ce texte.

 

Ce texte a réussi le tour de force de fédérer l’ensemble des associations humanitaires, comme Aides ou Act’up qui n’ont cessé de dénoncer« la fin du droit au séjour des étrangers malades ». 

 

Et cela d’autant plus que si les traitements ne sont pas « absents », ils n’en sont pas moins inaccessibles à de nombreux malades, notamment pour des raisons souvent financières ou parfois géographiques.


Tout aussi condamnable, cette possibilité d’intervention du juge des libertés et de la détention pour les sans-papiers en instance d’expulsion au bout de 5 jours (et non plus 2).

 

C’est l’une des mesures sur laquelle s’est campée le gouvernement, allant même jusqu’à dire qu’elle était au « cœur de la réforme » sur l’immigration.

 

Selon le gouvernement, la disposition  vise « à une meilleure efficacité des procédures d’éloignement, puisque actuellement moins de 30% des sans-papiers placés en rétention sont finalement reconduits aux frontières ».


Si l’on connaissait les mariages blancs, il y a maintenant les mariages gris, c’est-à-dire l’union « entre une personne étrangère et une autre de nationalité française qui a été dupée dans ses sentiments ». Lesquels seront passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

 

Reste à savoir comment va être analysé et estimé le sentiment de duperie…


Cette loi, heureusement, n’a pas retenu « l’extension de la déchéance de la nationalité française aux citoyens naturalisés depuis moins de dix ans et qui ont causé la mort d’une personne dépositaire de l’autorité publique ».

 

L’Assemblée a donc approuvé à la majorité ce texte par 297 voix contre 193, et le Sénat, quelques heures plus tard, a fait de même  par 182 contre 151.

 

D’où la satisfaction du gouvernement, traduite par le ministre Claude Guéant qui devait se dire satisfait de ce texte « complet et équilibré pour une politique d’immigration efficace et juste ».


Mais les termes du texte ne sont pas sans rappeler le langage du Front national.

 

Dans les rangs de droite, on a ainsi pu entendre des représentants du Nouveau centre se féliciter de ce texte qui « va donner les moyens de lutter contre les filières clandestines », ou « ces vagues d’immigration » en référence à ce qui se passe à Lampedusa, par exemple.

 

Et tout cela se passe au moment où l’Union européenne commence à se prononcer sur une approche très sécuritaire des mouvements migratoires.


C’est d’abord le Danemark, qui a annoncé en milieu de semaine, le rétablissement des contrôles douaniers aux frontières avec l’Allemagne et la Suède.

 

Motif invoqué par le gouvernement (libéral conservateur, appuyé par l’extrême droite) : « il s’agit de lutter « contre l’immigration clandestine et la criminalité ».

 

Une fois de plus, la juxtaposition de ces deux mots !


Et un premier pas vers le retour « aux frontières nationales » ? En tous cas, un argument que ne manqueront pas d’avancer les partisans du nationalisme, au moment où la Commission de Bruxelles commence avancer des propositions sur le contrôle des frontières.

 

Les ministres européens de l’Intérieur avaient à examiner jeudi la stratégie prônée par la commissaire européenne aux affaires intérieures.

 

La commissaire européenne souhaite un durcissement des conditions d’application des règles de Schengen.

Ce qui n’a pas été apprécié par tous, certains députés défendant ce 
qu’ils estimaient être « un acquis essentiel de la construction européenne ».

  

UNE EUROPE DE PLUS EN PLUS DÉSUNIE

 

Outre le Danemark, précurseur et propulseur d’un renforcement des législations européennes en la matière, c’est donc aujourd’hui la France qui lui emboîte le pas.

 

L’Italie n’est pas non plus insensible à ces sirènes xénophobes et souhaite fermer ses frontières face à « l’afflux massif de migrants ».


Ainsi, la pression d’un nombre croissant de gouvernements pourrait  peser fort lourd sur les propositions de la commissaire européenne.

 

Car aujourd’hui, ce sont les Etats membres qui gèrent l’espace Schengen. Et s’observent les uns les autres.

 

Et profitant de ce que l’on pourrait appeler « une valse hésitation », la commissaire souhaite que ce soient les institutions européennes qui se chargent de ce contrôle : « cela renforcerait la confiance entre Etats » justifie-t-elle.

 

En cas d’afflux massif de migrants, c’est au niveau européen que se prendrait la décision de refermer telle ou telle frontière, de manière temporaire, en attendant de trouver une solution à cette arrivée d’exilés.

 

La proposition de la Commission semble donc beaucoup moins radicale que les idées françaises et italiennes. Après cette première journée d’échanges, il sera de nouveau question d’immigration, fin juin, cette fois entre les dirigeants européens.


Enfin, un spécialiste des questions d’immigration arrivait à cette conclusion : « en ce moment, la priorité c’est la sécurité. Toutes les autres problématiques, comme les droits des migrants, la protection des demandeurs d’asile et la solidarité sont loin d’être résolues ».

 

Et pendant ce temps, des bateaux font naufrage, au large de l’Italie… et à l’approche des côtes mahoraises. Combien de femmes, d’enfants et d’hommes ont-ils déjà péri ?

 

Combien faudra-t-il d’autres décès pour que cette question soit abordée humainement avec un projet sur le long terme ?

 

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2 Commentaires sur

Immigration : la France vote un texte et l’Europe se crispe sur la question

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    de plus en plus on s’aperçoit que tous les moteurs de la xénophobie, du racisme, qui mènent inexorablement à des positions dures (et parfois à la guerre) se réunissent;
    de plus en plus, on se demande si l’on ne prend pas le chemin de 1939, crise économique, crise sociale, etc.

  • Boismery HervéNo Gravatar |

    Un autre échec de l’Europe: l’incapacité de l’UE à définir une politique commune dans un domaine aussi critique que l’immigration.
    Dans le contexte de l’Océan Indien, une politique d’aide au développement mieux conduite permettrait sans nul doute une meilleure régulation des flux migratoires.

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