Coût du carburant : le gouvernement n’entretient-il pas sciemment l’opacité ?

 

Malgré les lois et décrets, le gouvernement continue à maintenir une redoutable opacité quant à la formation des prix des hydrocarbures à La Réunion.

 

Le maintien de cet état de fait ne peut que concourir à l’élaboration d’hypothèses et finalement, à jeter le discrédit sur tout un système : ceux qui n’y sont pour rien, les plus petits, sont sacrifiés aux bénéfices des plus gros (importateurs).

 

Dans un souci d’apaisement, après les événements de 2009, le gouvernement avait fait croire qu’il jouait la carte de la transparence.

 

En effet, il a sorti le  « décret n° 2010-1333 du 8 novembre 2010 réglementant les prix des produits pétroliers et du gaz de pétrole liquéfié dans le département de La Réunion ».


Tout d’abord, on peut souligner l’ironie de la « notice » introduisant ce décret :

« Les restrictions de concurrence constatées dans la filière ont conduit, à partir de 1986, à administrer les prix des principaux produits pétroliers et gaziers approvisionnant le département de La Réunion.

Le décret actualise ce cadre de prix pour une réglementation plus précise et une meilleure information des parties prenantes ».

 

Qui sont ces parties prenantes ?

Uniquement les pétroliers ?

Ou les différents partenaires de la filière ?

 

Les consommateurs ou les associations les représentant sont-ils exclus des destinataires de l’information ? Déjà sur ce point, il y a tromperie.


Mais ce n’est pas le seul point posant problème.

« La réglementation plus précise » voulue par le gouvernement reste très… floue !


DES PRIX D’IMPORTATION QUELQUE PEU NÉBULEUX


La transparence version gouvernement est donc d’une rare opacité.

Car pour établir le prix à la vente, le préfet part sur les  prix des importations.

 

Ceux-ci sont basés sur « des cotations de référence ».

 

La cotation de référence, c’est Singapour ?

Ou quelle autre source d’approvisionnement ?

 

Aucune information donnée à ce sujet.

On ne peut donc faire que des supputations.

 

Mais c’est tout de même trop facile de tout remettre sur le dos de ces fameuses cotations !


Est aussi intégré le cours moyen du dollar : or l’euro s’est renforcé par rapport au dollar.

Ce n’est donc pas une raison de l’augmentation du coût.

 

Autre levier sur lequel le préfet peut peser :

« les coûts pertinents et dûment justifiés des entreprises concernées par l’importation, dont l’évaluation peut être modifiée une fois par an, en fonction de l’évolution de ces coûts, ainsi que des efforts de productivité réalisés par ces entreprises ; une modification supplémentaire peut intervenir dans l’année en cas de circonstances exceptionnelles ».


Nous y voilà : y aurait-il eu des « coûts pertinents » mis en avant par les importateurs et qui auraient permis de moduler le prix ?

Quelle est la « pertinence » de ces coûts ?

 

Les autres étapes de l’importation connaissent le même processus : passage en dépôt et embouteillage des produits, également révisés grâce à cette belle mention « pour tenir compte de l’évolution des coûts pertinents ».

 

Quel est le poids de ces différents paramètres dans le coût d’importation ?

 

Sur ce point, la réserve du gouvernement est tout à fait exemplaire…


DES TAXES FANTÔMES ?


En ce qui concerne la fixation du prix de vente du carburant, le préfet s’appuie donc sur le prix d’achat (dont la composition, on vient de le voir, reste volontairement des plus floues).

 

Le préfet peut également intégrer d’autres paramètres, comme le décret de 2010 l’y autorise :

« A tout moment, des variations des droits et taxes assis sur ces produits ».

 

Y aurait-il eu des augmentations de taxes ?

 

Quelle est cette nouvelle taxe payée par les importateurs ?

Qui l’a fixée ?

 

Où vont les recettes ?

Dans les caisses de l’Etat qui doit encore trouver quelques milliards d’euros pour boucler son budget ?


PAYER POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE


Le gouvernement tente de justifier la hausse du prix au litre par « une hausse de la fiscalité due à la prise en compte pour la première fois des certificats d’économie d’énergie».

 

Selon le ministère de l’écologie,

« Le dispositif des certificats d’économies d’énergie est une mesure en faveur de l’efficacité énergétique. Il repose sur une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les Pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie (électricité, gaz, chaleur, froid et fioul domestique) ».

 

Quelle est l’économie d’énergie vraiment réalisée par les importateurs ? 

 

Éventuellement, s’il y a eu des travaux réalisés pour économiser cette énergie, pourquoi les consommateurs devraient-ils payer pour des travaux obligatoires à réaliser dans les entreprises ?


DES MARGES MODULABLES ?


Le préfet peut aussi  tenir compte

« Des modifications des marges maximales au stade de gros et de détail, lesquelles peuvent intervenir une fois par an, en fonction de l’évolution des coûts pertinents et dûment justifiés, ainsi que des efforts de productivité, des entreprises concernées ; une modification supplémentaire peut intervenir dans l’année en cas de circonstances exceptionnelles ».

 

Y aurait-il eu des « circonstances exceptionnelles » trois mois de suite, puisque c’est la troisième hausse consécutive des prix ? 

Ces « marges » tant pour le gros que pour le détail ont-elles été modifiées ?

 

Pour le détail, il semblerait que non.

Donc, par voie de conséquence, cela pourrait être une variation des marges sur le gros.

 

PÉRENNISER « UN MODÈLE DE DISTRIBUTION ?


Ne serait-il pas temps, que l’Autorité de la concurrence, une nouvelle fois, se saisisse de ce dossier ?

Certes, les approvisionnements semblent être garantis et pérennisés à La Réunion.

 

Certes aussi, « le modèle réunionnais de distribution des produits pétroliers et gaziers » est maintenu (pour l’instant, aucune suppression de postes dans les stations service).


En juin dernier, on apprenait qu’il fallait « poursuivre de manière progressive le retour à la réalité économique des prix, contrairement à qui est observé depuis près de deux ans ».

 

Cette augmentation des prix (super sans plomb à 1,53 € soit + 5 centimes, le gasoil à 1,17 € donc + 4 centimes) participe-t-elle à atteindre la fameuse « réalité économique des prix » ?


À moins que la préfecture maintienne l’idée avancée depuis quelques mois et réaffirmé il y a un semestre :

« depuis juillet 2008, les prix de l’essence à la pompe ont toujours été fixés à un prix inférieur à ce qu’ils auraient dû être, même en tenant compte des préconisations du rapport de l’inspection générale interministérielle dont les conclusions ont été rendues début 2009 ».

 

UNE RÉFORME TOTALEMENT INEFFICACE


La bouteille de gaz voit son prix baisser de 0,83%, ce qui est loin de compenser la hausse de 8,65% décidée préalablement.

 

Là aussi, on est dans la réponse logique à ce qui avait été avancé il y a quelques mois : «  depuis près de deux ans, son prix est inférieur à celui de la réalité économique ».

 

Tout cela permet  de dire que la réforme impulsée par le gouvernement est parfaitement inefficace.


La volonté affichée d’arriver au juste prix, par un arsenal de décrets ou de loi ne masque pas cette réalité : cette nouvelle hausse est d’une ampleur étonnante.

 

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3 Commentaires sur

Coût du carburant : le gouvernement n’entretient-il pas sciemment l’opacité ?

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    Effectivement, malgré tous les dispositifs mis en place, la fixation du prix du carburant (à l’achat notamment) reste opaque
    il y a des rentes de situation que certains ne veulent absolument pas perdre

  • ChristopheNo Gravatar |

    et hop, c’est reparti à la hausse, pour le pétrole, le brut.. cette fois, voilà qu’on met ça sur le compte des événements en Egypte…
    il a bon dos, le moyen orient. le moindre pépin, et youpi, on peut augmenter.
    tiens d’ailleurs, on n’entend plus guère parler de l’OPEP, ça existe toujours?

  • TipimanNo Gravatar |

    le Brent est au dessous des 100 dollars, monsieur le Préfet. il vient donc de baisser
    pourriez-vous vous rappeler cette information, à la fin de ce mois, pour le calcul du prix du litre à la pompe pour mars?

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