Évolution institutionnelle en Guadeloupe : vous avez dit adaptation ?

 

Nicolas Sarkozy a rencontré lundi une délégation d’élus guadeloupéens (Victorin Lurel pour la Région, Jacques Gillot pour le Département, René Noël pour l’association des maires, et les parlementaires Lucette Michaux-Chevry, Jeanny Marc, Eric Jalton, Daniel Marsin et Gabrielle Louis-Carabin), non pour parler de cette mascarade nommée « année de l’outre-mer en France », mais d’un sujet hautement plus important : l’évolution institutionnelle.

 

Cet échange entre dans le même cadre que celui avec les élus martiniquais et guyanais qui ont opté pour le passage à une collectivité unique.

Lors de la présentation de ses vœux à l’outre-mer, Sarkozy avait bien affirmé qu’il entendait discuter avec les élus de leurs  demandes d’adaptations institutionnelles exprimées lors du Congrès du 28 décembre.

 

La demande des Guadeloupéens était simple : l’application de la réforme territoriale adoptée par le Parlement le 16 novembre dernier pour l’ensemble de la Nation, avec seulement un ajustement en ce qui concerne le nombre d’élus (65 au lieu de 43), et un mode de scrutin laissant plus de place à la proportionnelle. Somme toute, une adaptation.


QUELLE ADAPTATION ?


La position de Sarkozy exprimée ce lundi n’est pas étonnante.

Lors de ce même voyage aux Antilles, Sarkozy avait fait preuve de réticences :

« Vos élus souhaitent que soient appliquées des règles spécifiques, distinctes de celles du reste de la France (…) »

 

Et avec une pointe de malice, il rajoute :

« Les élus guadeloupéens n’ont donc pas fait le même choix que les élus martiniquais et guyanais, qui ont souhaité une collectivité unique. C’est leur droit… (…) Je note toutefois que c’est bien le passage à la collectivité unique, en Martinique et en Guyane, qui a permis l’adoption de règles particulières.

 

Et on ferme alors la porte :

« La question posée est donc, en réalité, de savoir jusqu’où l’on peut adapter le droit de la République outre-mer sans passer par l’une des évolutions institutionnelles explicitement prévues par notre Constitution et qui nécessitent toutes le consentement des électeurs ».


Dès lors, les jeux étaient faits.

Les Guadeloupéens voulaient donc  simplement une adaptation.

 

Le principe n’est pas saugrenu, d’autant plus que l’outre-mer bénéficie déjà de nombreuses adaptations dans bien des domaines (comme la surrémunération ou l’octroi de mer), adaptations nécessaires à son statut (région monodépartementale, intégrée à un environnement géo-économique différent de celui de la France métropolitaine).

 

Mais l’un des conseillers outre-mer de l’Elysée avait confié, à la veille du discours, que ces deux points d’adaptation (nombre d’élus et modalités d’élection) étaient « des points lourds et non de simples aménagements ».

 

Il expliquait également que le passage de 43 à 65 élus était «une hausse significative qui nécessiterait bien plus qu’un simple petit redécoupage cantonal».


DES SOUPLESSES ?


Nicolas Sarkozy, lui, évoquait dune question de droit et de principe : 

« Je considère, qu’il faut analyser toutes les conséquences de cette proposition et ne pas répondre à chaud. »  

Il a donc répondu à froid.

 

Et la réponse est sans appel :

« la Constitution ne nous autoriserait pas, comme l’a demandé le Congrès des élus, à adopter pour la seule Guadeloupe un mode de scrutin distinct de celui du reste de la France ». Dont acte.

 

Mais rappelons seulement que le mode de scrutin tel que défini par la loi fait non seulement la part belle aux hommes (exit la parité) mais aussi repose sur des modalités encore très floues.


Sur le deuxième point, l’augmentation du nombre d’élus, la réponse à été la même : Sarkozy « a fermement exclu la possibilité d’une hausse significative du nombre des élus locaux ».

 

On peut donc se demander quelles sont les « souplesses » (dont il est fait mention dans le communiqué de l’Elysée) permises par la constitution en matière d’organisation des pouvoirs locaux outre-mer.


QUELLE REPRÉSENTATIVITÉ ?


On peut également s’interroger sur la notion de représentativité.

Notion qui d’ailleurs avait été le motif invoqué par le conseil constitutionnel pour retoquer une partie de la loi.

 

Sarkozy affirme qu’il va demander à ses ministres « de s’assurer que le nombre de conseillers territoriaux actuellement retenu reflétait bien la réalité démographique de la Guadeloupe ».

 

Avec beaucoup d’optimisme, on peut estimer qu’il s’agit là d’une reconnaissance timide de l’idée de progression démographique. Concept valable aux Antilles, mais encore plus à La Réunion…


Si cette idée d’augmentation de la population est une donnée significative pour Sarkozy, pourquoi, alors fermement exclure « la possibilité d’une hausse significative du nombre des élus locaux » ?

 

Ici pour la Guadeloupe, mais demain pour d’autres territoires. 

À moins que ce ne soit qu’un prétexte fallacieux mis en avant par l’Elysée pour tenter d’amadouer des élus qui ont subi là, une sacrée douche froide.

 

Dommage que ce ne soit qu’une banale excuse : car avec 47 élus territoriaux à La Réunion, en 2014, on sera très loin du taux moyen de représentativité moyen sur le territoire de France métropolitaine.


Quant à l’idée d’un référendum sur l’évolution institutionnelle, Sarkozy ne pouvait pas dire autre chose que ce que dit (et met en pratique) son ministre délégué aux collectivités locales, président de Région et président de l’association des élus régionaux.

 

Richert s’est engagé à une consultation populaire avant de fondre les deux départements d’Alsace et la Région au sein d’une collectivité unique.

 

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7 Commentaires sur

Évolution institutionnelle en Guadeloupe : vous avez dit adaptation ?

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    Guadeloupe, Martinique, Guyane…. trois départements / régions d’outre-mer s’interrogent sur leur avenir.
    A La Réunion, c’est pour l’instant silence radio, dans tous les partis.
    Pourquoi?

  • kamakNo Gravatar |

    je suggérais seulement que vous accédiez a l’autodétermination……..c’est tout!

  • ArsinoéNo Gravatar |

    @KAMAK
    le droit à l’auto détermination… évidemment
    mais s’auto déterminer sur quoi?
    là était la question que à mon avis Jean-Jacques posait
    quelle est votre position là-dessus?

  • ùXBäNo Gravatar |

    pourquoi ? parce que la situation est tellement
    extrème en matière de dépendance que tout changement réel relève de la révolution !
    vous connaissez beaucoup de politiques prêts à assumer une vraie révolution des mentalités ?

  • kamakNo Gravatar |

    l’indépendance association….et puis rupture du cordon ombilical avec la mére patrie! non….?

  • kamakNo Gravatar |

    Les planteurs des Antilles perçoivent 15.000 euros par hectare de banane, 30 fois plus que la moyenne des aides par hectare reçues par les agriculteurs français.
    voila un exemple pour soutenir une économie exangue……dans les iles!

  • ArsinoéNo Gravatar |

    @kamak
    je vous renvoie au rapport de la cour des comptes, si elle donne quelques chiffres sur les aides apportées notamment dans le secteur agricole ultramarin, elle préconise également quelques pistes intéressantes notamment celle de ne pas viser l’export mais la satisfaction des besoins locaux. « développement endogène » d’une certaine manière.
    mais quoi qu’il en soit, merci de ne pas confondre la situation de la banane aux Antilles et la production sucrière à La Réunion et de manière générale l’agriculture antillaise et celle de notre île. là aussi, voir le rapport de la cour des comptes

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