Institutions – Collectivités locales – Transferts de compétences : alors, on adapte ? (2ème volet)

  Le chantier de l’acte III de la décentralisation est donc bien entamé.

Cela faisait partie des promesses de campagne du Président de la République.

 

Il est donc normal que le dossier arrive aujourd’hui sur le devant de la scène.

 

Encore faut-il qu’il y ait du public pour participer à l’événement.

Le Président de la République a donc donné la « feuille de route » pour la décentralisation, en fixant les points prioritaires et en marquant quelques étapes.

 

Texte prêt ou pas prêt ? 

 

Petit point de précision : avant même que ne débutent les États généraux de la démocratie territoriale, la ministre Lebranchu et ses services ont fait savoir que le texte de loi était quasiment prêt et qu’il allait être soumis au conseil des ministres avant la fin de l’année 2012.

 

On ne peut que s’étonner de la promptitude avec laquelle la ministre a fait part de l’état d’avancement du projet.

 

D’abord parce que cette annonce a fait clairement comprendre aux élus qu’elle ne les avait pas attendus pour rédiger son texte.

Mais en plus, c’était une façon assez détournée – mais néanmoins réelle – de griller la politesse au Président de la République.

 

Résultat : trois semaines après, on apprend que le texte ne sera pas présenté fin 2012 en conseil des ministres, pour un passage au Sénat dans les derniers jours de décembre.

 

On parle plutôt de « début 2013 », et d’un passage au Sénat dans le premier trimestre.

Les propos du Président du sénat sont d’ailleurs très révélateurs, puisqu’il estime que cela pourrait même être un peu plus tardivement.

 

L’initiative du Président du Sénat 

 

Si la feuille de route est entachée, dès le départ, de quelques dérapages d’ordre calendaire, on peut aussi s’interroger sur la multitude d’initiatives prises ici ou là.

À commencer par celle de Jean-Pierre Bel lui-même, président du Sénat.

 

Le 10 octobre, lors du bureau du Sénat, il a souhaité que le Sénat s’empare de la question, sans attendre l’adoption en Conseil des ministres du projet de loi sur la décentralisation.

 

Il vise deux thèmes : l’amélioration du statut de l’élu local d’une part, la lutte contre l’inflation normative d’autre part.

 

C’est maintenant à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat de proposer avant la fin de la première semaine du mois de novembre un ou deux textes portant sur ces questions.

 

Donc affaire à suivre.

 

Le concept d’adaptabilité 

 

Mais il nous faut garder en tête deux déclarations, similaires :

 

– la première émanant de la ministre Lebranchu :

« Le législateur ouvrira des possibilités d’adaptations en fonction de l’histoire et de la géographie locales.

Il renforcera la capacité d’expérimentation et d’innovation des collectivités.

La décision finale appartiendra aux assemblées délibérantes, sur la base des propositions des conférences territoriales » ;

 

– l’autre émanant du président du Sénat Jean-Pierre Bel :

« L’idée dominante, c’est que les situations ne sont pas les mêmes d’un territoire à un autre.

Cela pose la nécessité d’une adaptabilité de la loi en fonction des territoires.

Ce vieux pays jacobin a besoin, sous forme d’expérimentation, d’aller vers plus de souplesse.

Le maître-mot, donc, c’est l’adaptabilité ».

 

Dans les deux cas, le message est le même : cela ne sera pas partout pareil.

 

Une demande forte des élus locaux 

 

Il s’agit là d’une avancée intéressante et à prendre avec sérieux.

En effet, on ne peut pas simplement croire qu’il s’agisse d’un effet d’annonce ou d’un vœu pieu.

 

Donc, tant au gouvernement qu’au sénat, on estime qu’il faut une « adaptabilité » ou « d’une adaptation » aux réalités locales.

Serait-ce sous l’effet d’un quelconque lobby ultramarin ? Non.

 

Des ultramarins ont fait part de leurs attentes.

Et les autres élus locaux, notamment les présidents de région sauf… un certain DR, également.

 

Chacun faisant valoir que, en fonction d’un certain nombre de critères, ils voulaient bénéficier avant tout de telle ou de telle compétence.

Et ce quand bien même il y aurait unanimité sur un certain nombre de points.

 

Le syndrome de la « goyave de France » 

 

Cette approche « nationale » devrait apaiser bien des craintes.

 

D’abord les angoisses des partisans – complétement dépassés – de « l’intégration totale et l’assimilation totale ».

Ensuite les craintes de ceux qui estiment que, en substance, La Réunion a d’autres problèmes plus urgents à gérer que la question de la répartition des compétences.

 

Deux positions opposées mais qui prennent leurs racines dans le même moule : celui du statu quo.

Et sûrement pas dans la logique du « on ne change pas une équipe qui gagne », mais plutôt on ne change rien au fond des choses, on fait avec.

 

Et il est tout de même déplorable de constater que, lorsque c’est une ministre ou un président d’assemblée qui le dit, il n’y ait aucune réaction de la part de celles et ceux qui crient « à l’assassin » lorsque d’autres élus réunionnais mettent la question sur la table.

Il y a une chose de sûre : l’assimilation intellectuelle d’une partie de la classe politique réunionnaise est bien enracinée.

 

Et il faudra le « syndrome de la goyave de France » pour que ces femmes et ces hommes acceptent de commencer à réfléchir à une quelconque évolution.

 

L’engagement de campagne du Chef de l’État 

 

Et cette possibilité a même été lancée au plus haut sommet de l’État, par le candidat Hollande.

 

Pour ceux qui l’auraient oublié, François Hollande avait déclaré, lors de sa visite de campagne à La Réunion :

« Je ne crains rien au nom de la République qu’un territoire comme le vôtre veuille déterminer son avenir…

l’unité de la République n’est jamais en cause quand un territoire se donne une responsabilité supplémentaire ;

vous cherchez à définir votre avenir, vous le pouvez dans la République telle que je la conçois ».

 

« Déterminer notre avenir » : c’est bien là l’essence même de l’action politique.

Mais pour certains, cela relève d’une autre sphère.

 

Quant à avoir « une responsabilité supplémentaire », il est bien évident que cela séduit certaines et certains.

Mais une responsabilité pour faire quoi ? Comment ? Avec qui ? Avec quel budget ?

 

Ce sont peut être là des questions fondamentales auxquelles il faudrait répondre, et tenter d’avancer des propositions.

 

(À suivre)

 

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