Agriculture – Virapoullé : la bagasse qui cache la forêt

 

Lors d’un récent passage sur Antenne Réunion, le futur ex sénateur de La Réunion, Jean-Paul Virapoullé, déclarait :

« Si je n’avais pas travaillé, le monde économique sait que nous n’aurions pas sauvé l’économie sucrière avec la prime bagasse ».

Drôle de façon de raconter l’histoire.


Petit rappel remontant au temps où La Réunion comptait 12 usines sucrières et près de 24.000 planteurs (des « colons »).

 

C’était en 1969.

La production de sucre (canne et betterave) était contingentée et la tonne payée au « prix garanti ».

 

Autrement dit, jusqu’à l’atteinte du quota, le prix est intéressant, le reste de la production étant vendue à un prix moindre et peu intéressant.

 

Le partage de toutes les richesses extraites de la canne se fait alors sur la base de  2/3 pour le planteur et de 1/3 pour l’usinier.

 

Le planteur est en effet propriétaire de sa canne et l’usinier est un façonnier, rétribué pour le travail effectué.


Tous les planteurs – contraints et forcés – adhèrent à la Fédécanne (Fédération départementale des planteurs producteurs de cannes), une autre organisation de planteurs « « comité de la Charte » n’est pas reconnue par les pouvoirs publics.

 

Dans ce contexte, se crée l’Europe économique et agricole, ce qui va provoquer la fin (ou dans un premier temps, le ralentissement) de la culture du géranium, du vétiver et de la vanille.

 

L’Europe refusera que ces produits bénéficient d’un prix garanti.


Une loi réformant le colonat (loi du 20 décembre 1968)  modifie le mode de partage entre les colons et les propriétaires fonciers.

 

Et « la part du colon ne peut en aucun cas être inférieure aux 3/4 des fruits et produits provenant des terres non affectées à son usage ».

 

Avec la création de la SAFER (1965) et le rachat par celle-ci des terres de  certains propriétaires, on assiste à un remembrement et le préfet fixe une surface type pour les colons et pour chaque culture.

 

En dessous de ce seuil, les colons n’auront pas droit au partage 3/4 -1/4. Pas plus qu’ils n’auront droit à certaines aides et subventions.


LE RÔLE DE LA FÉDÉCANNE 

  

Dans le même temps, on assiste à une concentration des usines sucrières, liée tant à des impératifs économiques qu’à une volonté politique.

 

Le VIe plan préconise de ramener le nombre des usines à 4 ou 5 et de réduire à une ou deux, le nombre des sociétés exploitantes.

 

C’est également une porte qui s’ouvre pour les investissements français au sein des sociétés sucrières.


Au fil des années, les dispositifs évoluent : les quotas – et leur pendant du prix garanti – s’appliquent à chaque planteur et s’il produit plus, il est pénalisé.

 

Conséquence logique : les petits planteurs produisent moins, les gros conservent – voire augmentent – leurs  productions.


Tout cela fait que, la campagne de 1969 s’engage mal, tant pour la résolution de celle de 1968 que la préparation de celle de 1970.

 

Les tensions entre planteurs et usiniers sont notables.

 

C’est là qu’intervient Jean-Paul Virapoullé.

Il vient d’être élu conseiller général, il siège à la Fédécanne, c’est surtout un gros propriétaire foncier sur Saint-André.

 

Il intercède auprès du gouvernement afin de sortir de cette impasse.


Et la solution préconisée a pour conséquence de dépouiller les planteurs du revenu des richesses de la canne.

 

C’est l’accord de 1970 : le planteur n’est plus intégralement propriétaire de sa canne.

 

Il la vend à l’usinier qui, de façonnier devient un industriel achetant sa matière première à des fournisseurs. 

 

Conséquence :  les recettes des « produits dérivés » ne bénéficient plus aux planteurs.


UN AMENDEMENT COSIGNÉ ANNE-MARIE PAYET !


Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), Virapoullé avait bien rédigé un amendement pour demander une valorisation.

 

Mais il n’était pas le seul signataire de l’amendement qui portait également la signature de   Anne-Marie Payet.


D’autres parlementaires se sont emparés de cette question.

 

En avril 2009, c’étaient Huguette Bello et Jean-Claude Fruteau.

« Il s’agit de modifier la situation juridique actuelle qui fait que le prix du kilowattheure produit à partir de la bagasse est nettement moins valorisé que celui produit à partir du charbon ou à partir d’autres biomasses » analysait Huguette Bello.


Virapoullé, dans une conférence de presse de 2009, évoquait :

« l’importance de la prime bagasse pour sauver la filière canne.

On n’a pas fait la prime bagasse pour la frime, mais pour sauver la colonne vertébrale de la filière agricole de La Réunion ».

 

Mais qui avait planté une épée dans cette colonne vertébrale, dès 1970, si ce n’est Jean-Paul Virapoullé ?


Enfin, une seule question : est-ce que la seule prime bagasse peut « sauver la filière canne sucre » de La Réunion ?

 

Virapoullé nous a refait le coup récemment, avec un amendement soulignant  la nécessité que l’Europe prenne en compte la situation de l’agriculture domienne.

 

Un amendement sur une proposition de résolution européenne « tendant à obtenir compensation des effets, sur l’agriculture des départements d’outre-mer, des accords commerciaux conclus par l’union européenne ».

 

Résolution rédigée par Serge Larcher et Eric Doligé. Quant à l’amendement, il ne modifie en rien le fond de la résolution.

 

Cette résolution vise à demander compensation du préjudice subi par l’outre-mer suite à des réformes ou accords économiques, l’inclusion de mécanismes de sauvegarde opérationnels et la réalisation systématique, par la Commission européenne, d’études d’impact avant toute conclusion d’accords commerciaux mais aussi au cours de leur mise en œuvre.

 

Ainsi, avec la méthode du « coucou » utilisant le nid d’autres oiseaux, Virapoullé veut faire croire qu’il a « travaillé ».

 

Jean-Paul Virapoullé aurait pu choisir des exemples plus significatifs… par exemple, lorsqu’il a fait « graver dans le marbre » l’assimilation totale de La Réunion en rejetant toute possibilité d’une quelconque opportunité d’adaptation des lois !

 

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2 Commentaires sur

Agriculture – Virapoullé : la bagasse qui cache la forêt

  • FRUTEAUNo Gravatar |

    Il reste l’un des rares qui malgré la loi pratique toujours le colonat.
    Il reste aussi celui qui étant alors maire de Saint André a partcipé au mitage anarchique des terres agricoles de la ville (dans quel but réel ?) mettant à mal l’aménagement du territoire de la commune. C’est celui qui soutient la route des hauts venant exposer à l’urbanisation les hauts de l’Est (à qui appartient les terres agricoles des hauts de Bras des chevrettes ?). Où est donc la cohérence chez cet élu qui cache souvent dans ses interventions des intérêts très personnelles et familiales…

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    Intéressant rappel de quelques faits oubliés
    quant à l’attitude de JPV … comme d’habitude: intolérable

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