Pourquoi je ne serai pas présent au 8ème Congrès du PCR

 

Le maire du Port m’a signifié, dans un bref entretien en date du 25 juin, sa décision de mettre un terme à mon intégration au sein des effectifs municipaux.

 

Le motif invoqué est la perte de confiance à mon égard.

 

L’absence de sollicitation à participer aux réunions, sinon politiques du fait de mon expérience d’élu, notamment de vice-président du Conseil général ayant d’importantes délégations, du moins administratives du fait de mon expérience et de mon grade d’administrateur, ne m’a pas permis d’apporter un plus à la politique municipale, ni à sa gestion administrative.

 

J’en prends acte. Et je le regrette.

 

Le problème ne se situe pas à un niveau professionnel.

 

En effet, au terme d’une période où déchargé de fonctions de chargé de mission projets rattaché au cabinet du maire, puis mis en surnombre pendant un an, je serai remis à disposition du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), sans remise en cause de ma rémunération.

 

Le problème se situe pour moi à un niveau politique.

 

En effet, malgré diverses alertes adressées à la direction de mon parti, je n’ai pas constaté de volonté déterminée de réunir les personnes concernées afin de mettre un terme à cette situation paradoxale.

 

Et cela alors que plusieurs personnes savaient que je n’étais pas associé aux initiatives municipales.

 

Aucune de mes propositions de conciliation n’a donc prospéré.

 

Cette situation paradoxale devait aboutir inévitablement à une rupture unilatérale de la part d’un maire qui en a légalement le pouvoir discrétionnaire.

 

Il est pour le moins léger de considérer qu’il s’agit d’une banale relation entre un employeur et un employé lorsqu’il s’agit d’une rupture entre le maire en place et son prédécesseur, les deux faisant partie d’une même organisation politique.

 

Surtout si l’on considère, à tort ou à raison, que ce n’est pas n’importe quelle organisation, puisque c’est le Parti Communiste Réunionnais.

 

J’ai pensé que le PCR aurait considéré avec gravité la relation d’un malaise rapportée il y a plusieurs mois, justifiant qu’il soit procédé à des vérifications sur la réalité d’une telle situation pour le moins ubuesque.

 

Et que si cette information était avérée, tout soit fait pour que cela cesse, ne serait-ce qu’au nom de la fraternité et de la solidarité qui, me semble-t-il, sont des valeurs que le parti a portées très haut par le passé.

 

J’ai eu tort. J’en prends acte.

 

Je le regrette d’autant plus que j’ai formulé par ailleurs, à un moment où je continuais à participer aux travaux et réunions du Parti, pendant cette période pourtant difficile au plan professionnel, plusieurs propositions, orales et écrites, dans le cadre de sa reconstruction. Par exemple reprendre contact avec des camarades qui ont été victimes de décisions maladroites.

 

Là encore, je me suis heurté à un indifférence polie, puisqu’aucun débat n’a eu lieu, ne serait-ce que pour tenter de me convaincre peut-être de l’inopportunité de ces propositions.

 

J’ai eu tort. J’en prends acte.

 

J’ai alors suggéré de débattre de mes propositions relatives aux transports en tant que vice-président du Département, après l’inacceptable abandon par la nouvelle majorité régionale d’un projet éco-durable comme le Tram Train, dont j’avais la charge quand j’étais vice-président de la Région.

 

Il m’a semblé que nous ne pouvions rester « bloqués » sur ce manque absurde d’un projet ferroviaire, et qu’il fallait reprendre la main en agissant sur les transports collectifs routiers de personnes.

 

Là encore, aucun débat n’a eu lieu au sein de la direction du Parti.

 

Peut-être que le Parti avait alors d’autres priorités, et qu’aucun moment ne pouvait être trouvé pour en discuter, à défaut d’en débattre.

 

Mais cela ne coûtait rien de le dire.

 

Peut-être s’agit-il d’une façon de procéder que je n’ai pas encore comprise.

 

Et je n’y parviens pas plus à ce jour, car je reste convaincu que la pire des situations me semble être un assourdissant silence à une proposition, au-delà d’une glaciale indifférence à une alerte, à moins que ce soit le constat inavoué d’une impuissance chronique.

 

Alors, si je ne parviens plus à comprendre les différentes positions d’une organisation à laquelle j’appartiens, sur des aspects que je considère comme fondamentaux, la logique veut que j’en tire les conséquences, en toute loyauté.

 

J’ai beaucoup de camarades, et d’amis, au sein du PCR, pour qui mes sentiments ne changent pas d’un iota.

 

Mais il est clair qu’à l’avenir, je ne pourrai m’accommoder en tant que membre d’une organisation à laquelle j’appartiendrais, de la présence à mes côtés de personnes pour qui la solidarité, la bravoure, la fraternité, l’amitié, le traitement égalitaire entre membres d’une même organisation, sont des valeurs qui n’ont pas le même sens.

 

Je préfère garder le souvenir d’une organisation qui a certes dévoré une partie de mon enfance en renforçant la passion de mes parents, souvent absents, pour être auprès du peuple Réunionnais, mais qui nous a laissé en retour souvenance des moments de découverte chez de nombreuses personnes, des plus humbles militants à ceux plus connus, des Abner, Panon, Mofy, Pierre Rossolin, Ary Payet, Antoine Erima, Viry, Lagarrigue, Maurice Labenne, Julien Ramin, Angelo Lauret.

 

Je ne peux les citer tous.

 

Je préfère garder le souvenir d’une organisation qui a rythmé mon souffle vital, donné de grandes espérances, au travers des combats menés par des camarades, amis, frères, tels  Ariste Bolon, Lucet Langenier, Marcel Soubou, Laurent Vergès.

 

Je ne peux les citer tous.

  

Je préfère garder le souvenir d’une organisation qui a marqué une grande partie de ma vie, en résistant dans l’unité à l’arbitraire et à la violence, et me revient en mémoire ce soir de 1968 à Saint-André, où un galet lancé par un adversaire politique atteignait la porte de la voiture du côté où, enfant alors âgé de 10 ans, j’étais passager rentrant avec mon frère à la maison.

 

J’ai en souvenir la communion dans la peine lors des obsèques du jeune Rico Carpaye, disparu tragiquement un lendemain d’élections en 1978 au Port.


Je ne peux oublier l’épisode du Port en 1986, où un nervi, condamné quelques années après pour assassinat, a tenté de me tuer en tirant avec un fusil à 7 mètres de distance de la voiture dans laquelle j’étais.

  

Je préfère garder le souvenir d’une solidarité forte de camarades quand, refusant l’humiliation d’une arrestation que l’on voulait m’infliger devant l’école de mes enfants, j’ai décidé d’entrer en clandestinité et de me priver pendant plus de 43 mois de la présence de mes proches, parents, épouse, jeunes enfants, qui ont éprouvé ce que ma mère, mes sœurs, mon frère et moi ont ressenti quand mon père Paul, recherché par les forces de police, était loin de nous durant 28 mois.


Je ne peux citer tous les événements marquants.

 

Aujourd’hui, je souhaite reprendre ma liberté d’agir, et ainsi ne pas compromettre la marche que le Parti souhaite opérer.

 

Je ne le fais pas de gaîté de cœur. C’est une décision douloureuse.

 

Un jour, mon père nous a confié, à mon frère Laurent et à moi-même, avoir été en compagnie de Jacques, son frère, au cinéma avec leur père, Raymond. Ils avaient été surpris de voir leur père essuyer quelques larmes, lors d’un film où jouait Marlène Dietrich.

 

Je retiens de cette confidence le supplément d’âme qui me semble indispensable dans un engagement politique.

 

Ce supplément d’âme, selon moi naturellement fondamental, est conforté par le message fort laissé par ma regrettée mère qui, tout au long de sa vie, s’est exprimée avec spontanéité, sans cacher ses émotions, en n’étant pas gênée de sa vulnérabilité, sans rechercher une perfection impossible, en assumant son empathie envers les autres.

 

C’est la raison qui m’a poussé récemment, dans une émission politique où j’étais invité, à déclarer sur cette radio, que je suis un volcan d’émotions, et que je me plais à l’entretenir.

 

Peut-être que cela n’est pas adapté lorsqu’on s’engage dans une arène politique trop souvent marquée par le calcul, les faux-semblants, le clanisme, les dénigrements, une virilité déplacée masquant une volonté d’instaurer des rapports de force, le culte inavoué de la performance individuelle, le cynisme, les coups tordus, le sectarisme, la lâcheté, par action ou par omission, quand ce n’est pas le manquement à la parole donnée, ou à un devoir de solidarité.

 

Mais tout cela n’entame en rien ma détermination à agir pour tenter de faire avancer la cause Réunionnaise.

 

Je le ferai dans la mesure de mes capacités, et sur des sujets que je maîtrise.

 

Je voudrais à ce propos dire combien reconnaître cet état de fait m’a conforté dans l’idée que la complexité des problèmes posés aujourd’hui oblige celle ou celui qui en est conscient à tendre vers plus d’humilité, à apprécier l’obligation du travail collectif, pour peu que l’écoute de l’autre et le respect des divergences d’opinion soient de rigueur, à refuser les décisions arbitraires, à fuir celles et ceux qui ont la fâcheuse propension à donner des leçons, à s’éloigner des individus qui ont tendance à juger défavorablement des personnes qu’elles s’empressent après d’inviter, vu la situation alarmante, à se rassembler… derrière.

 

Libre, je reste ouvert au débat, à la discussion menée avec la franchise qui convient à celles et ceux qui se réclament des valeurs progressistes.

 

Je serai alors plus à l’aise, même lorsque, nécessité des actions revendicatives oblige, je serai aux côtés de celles et ceux qui, par ailleurs, m’auront déjà montré de façon éclatante que nous n’avons pas la même compréhension des valeurs universelles.

 

Pierre Vergès

La Possession, le 1er juillet 2013 

 

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4 Commentaires sur

Pourquoi je ne serai pas présent au 8ème Congrès du PCR

  • Communiste et fier de l'êtreNo Gravatar |

    Ou va notre parti, koméla? ousa nousava? le congrès, ça va être quoi? je suis communiste, je suis fier de l’etre, mais quand je vois mon parti, je ne sais pas si je suis encore communiste,
    Pierre, tu as eu raison, tu as été honnête,
    pas comme d’autres.

  • jujuNo Gravatar |

    C’est vraiment désolant de voir cela, on a l’impression que tout s’écroule, vous devez continuez à lutter …. autour de moi on ne comprend pas Jean-Yves et ceux qui soutiennent cette décision. Bon courage a vous

  • MILITANTNo Gravatar |

    Bon courage un jour apel demain

  • RéférencementNo Gravatar |

    Vraiment dommage, en tout cas bon courage pour la suite, rien n’est encore perdu.

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