Départementalisation – 19 mars 1946 – 19 mars 2012 : Et maintenant ? (2ème partie)

 

 

Photos des trois premiers signataires
 et du rapporteur des propositions de loi : 
les députés Léopold Bissol, Gaston Monnerville, Raymond Vergès et Aimé Césaire en 1946

 

Dans ce deuxième volet, je vous propose de retrouver quelques déclarations d’élus réunionnais.

Elles permettent non seulement de connaître ou de se rappeler du passé, mais aussi de souligner que cette question du statut a toujours suscité de nombreux débats.

 

Prosper Ève dans « De La Réunion coloniale au Département : la concrétisation d’un désir » écrivait en préambule :

 

« La transformation de la colonie de La Réunion en un département a une histoire.

Celle-ci ne commence ni le 19 mars 1946, jour de la promulgation du teste de loi au journal officiel, ni le 15 août 1947, jour de l’arrivée du premier préfet, Paul Demange.

 

Le 14 mars 1946, jour du vote par l’Assemblée nationale constituante du texte de loi aménageant les quatre vieilles colonies en département, est un moment crucial certes dans l’Histoire politique de cette Ile, mais seulement un moment.

C’est le long combat qui aboutit  ce vote, mais aussi le contexte local, national et international qui rend possible son adoption, ainsi que son écho à La Réunion ».

 

Comparaison avec la Corse

 

À la page 16 de son ouvrage, il fait référence à une déclaration du sénateur Théodore Drouhet qui, le 9 avril 1900, devant ses collègues du Sénat, s’exclamait :

 

« Je ne sais à quel point on peut dire que les colonies sont assimilées à la Métropole, mais elle appartient à la France depuis trois cents ans : elle est française par sa population, par ses mœurs , par son caractère.

Cette colonie ne peut pas jouir, parce qu’elle est éloignée, des mêmes privilèges que la Corse, dont vous votez les impôts tout aussi bien que ceux des autres départements de la Métropole ; (…) Cela est entendu, vous ne voulez pas de l’assimilation.

 

Mais alors, vous voulez l’autonomie ? Pas davantage. Vous ne voulez ni assimilation, ni autonomie.

Vous entendez disposer des colonies à votre guise.

 

Vous ne voulez pas nous octroyer l’assimilation alors donnez-nous l’autonomie.

Nous supporterons toutes nos dépenses, soit ; mais au moins, laissez-nous le droit de nous administrer sous le contrôle  bien entendu de la Métropole.

 

Nous acceptions de supporters toutes les dépenses que nous faisons nous-mêmes ou qui sont faites dans l’intérêt du pays ; mais encore une fois, ne venez pas nous enlever les attributions que nous possédons depuis de longues années ».

 

Une question de fiscalité

 

Quelques pages et années plus tard, Prosper Ève écrit :

 

« À la veille des élections législatives de 1928, quelques Créoles rencontrent les deux candidats sortants, Lucien Gasparin et Auguste Brunet, afin qu’ils reprennent à leur compte le projet de départementalisation de La Réunion, cette dernière ne devant plus, selon eux, être régie par un senatus-consulte datant de 1853.

 

Au même moment, d’autres font alors remarquer que l’assimilation complète amènerait des charges fiscales supplémentaires, inacceptables.

Parmi eux, certainement le gouverneur Repiquer (1925/1928) qui selon Henri Vavasseur, lui aurait dit qu’il refusait un tel projet « parce qu’il voulait épargner à La Réunion la fiscalité odieuse de l’impôt sur le revenu, comme cela se pratique en France ».

 

Question de droit de vote

 

Autre fait relaté par Prosper Ève : celui sur le vote et la fraude.

 

« En 1929, si des politiques veulent que La Réunion devienne département, c’est surtout pour que le suffrage universel ne lui soit pas supprimé.

La bourgeoisie ayant usé de la fraude pour se maintenir au pouvoir, il est de plus en plus question à Paris, de supprimer le droit de vote aux colonies ».

 

Le drôle de pas de deux de la droite

 

Prosper Ève évoque également la manifestation du 11 novembre 1936 portée par la Fédération Réunionnaise du Travail (FRT), affiliée à la CGT :

 

« C’est à cette occasion qu’elle révèle ouvertement son plus important objectif : renoncer au statut colonial et réclamer celui de département.

Elle donne au mot département un contenu de classe.

 

Peut-être cherche-t-elle à manifester ainsi son approbation à l’initiative des députés Lagrosillière, Victor Sévère, Gracien Candace, Gaston Monnerville et Maurice Satineau qui ont déposé, le 21 juillet 1936, sur le bureau de la Chambre des Députés, une proposition de résolution tendant à inviter le gouvernement à déposer un projet de loi portant organisation des colonies de La Guadeloupe, de la Guyane, de La Martinique et de La Réunion en départements !

 

Il est bon de préciser que ce projet ne reçoit pas l’aval des deux députés de La Réunion, Auguste Brunet et Lucien Gasparin, alors qu’ils ont cautionné le précédent projet déposé un an plus tôt, par les députés des Antilles lors de la célébration des fêtes du tricentenaire et qui tendait à organiser les Quatre Vieilles sur le modèle des départements d’Algérie ».

 

Statut et droit des travailleurs

 

Autre événement rapporté par Prosper Ève, lors de cette manifestation :

 

« Le sens caché de cette manifestation est bien précisé par le secrétaire général de la FRT, Léon de Lépervanche, dans son discours prononcé sur la place du Barachois.

Les travailleurs réunionnais étant des Français, n’acceptent plus les errements du patronat réunionnais qui ne pense qu’au profit et n’ose regarder en face leurs problèmes et les traiter sur un pied d’égalité avec les travailleurs de Métropole. »

 

« Pour le moment, que nos ennemis se rassurent. Comme nos frères de misère, nous espérons édifier bientôt la société au travail, par la justice et par la paix.

Pour nous, travailleurs réunionnais perdus dans l’immensité de l’océan Indien, nous ne pouvons que suivre le grand mouvement d’émancipation qui se dessine. »

 

« Nous suivrons l’action, mais nous ne pouvons l’ordonner. La Réunion entend devenir département français.

Nous voulons être traité sur un plan d’égalité avec nos compatriotes. Il faut que les lois sociales soient appliquées ici.

 

Il faut une réforme de la fiscalité : l’impôt sur le revenu. Si le travailleur a ses droits, il a aussi des devoirs.

Son arme, c’est la conscience professionnelle ».

 

Les travailleurs avancent unis pour leur première manifestation pour l’égalité.

 

La 3ème partie demain.

 

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