Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche : vers une nouvelle politique universitaire ? Un enjeu capital pour La Réunion et notre jeunesse

 

   L’élection de François Hollande a été suivie, conformément aux engagements du candidat, par l’annonce de la tenue d’Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui seront convoquées au début de l’automne.

Ces Assises devront être un lieu de débat et de discussion collective sur les principes susceptibles de fonder une nouvelle politique dans un domaine stratégique et essentiel pour l’avenir.

 

À cet égard, il est impératif que les intérêts et les spécificités des institutions universitaires des outremers soient clarifiés et défendues, notamment celle de La Réunion.

 

Depuis dix ans, les réformes ont profondément transformé les orientations, les métiers et la mission sociale de l’enseignement supérieur et de la recherche, sans que jamais ces orientations n’aient été réellement discutées, au niveau de la nation, des régions et des outremers.

 

Un bilan s’impose : ce doit être l’un des premiers objectifs des Assises à venir.

 

1- Éléments pour un bilan

 

A – Les orientations générales des réformes menées sous la présidence de N. Sarkozy apparaissent maintenant clairement dans leur cohérence, avec notamment leurs effets néfastes pour les outremers.

 

L’on peut résumer les effets néfastes de la politique Fillon-Sarkozy en quatre points :


Forte concentration des pouvoirs et mise en concurrence généralisée

 

1) Une forte concentration des pouvoirs où les nommés l’emportent très largement sur les élus, notamment au sein des principales instances de la « politique d’excellence » déclinée d’une manière obsessionnelle par l’ancien ministère (Initiatives d’excellence ou IDEX ; Laboratoires d’excellence ou LABEX ; Equipements d’excellence ou EQUIPEX…).

 

Évidemment, les universités périphériques de province (Avignon, Toulon, Perpignan, Limoges…) et a fortiori des outremers, par définition marginales et donc indignes des critères d’ « excellence »,  n’ont aucun représentant au sein de ces puissants aréopages cooptés par les « élites » autoproclamées de l’ancien pouvoir.

 

2) Une mise en concurrence généralisée à toutes les échelles du système qui repose sur une logique dite de « management par projet » tenant lieu de philosophie de la science.

 

Logiquement, cette mise en concurrence s’exerce au profit des grands établissements qui bénéficient de positions dominantes et qui de ce fait parviennent à constituer de puissants lobbies.

Dans un contexte de compétition sauvage et sans véritables règles déontologiques, les universités d’Outre-mer ne peuvent qu’être les victimes propitiatoires de cette « concurrence imparfaite », et cela quelle que soit les compétences de leur « président manager ».

 

Concentration des moyens et politique mégalomaniaque

 

3) Une concentration des moyens qui redéfinit le périmètre de ce qui doit être financé en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

 

Ainsi s’expliquent la politique des « mégas fusions » d’établissements dans certaines académies et la naissance de « mastodontes universitaires » sans équivalent réel en Europe. 

 

4) Citons quelques chiffres : 

 

– Université de Toulouse (45.000 étudiants) ;

– Université de Lorraine (52.000 étudiants) ;

– Université de Strasbourg (65.000 étudiants) ;

– Université de Paris-Saclay (65.000) ;

– Paris Sorbonne Université (68.000 étudiants) ;

– Université de Paris Sorbonne Cité (120.000 étudiants) ;

– Aix-Marseille Université (72.000 étudiants)…

 

Cette politique mégalomaniaque de fusion, inspirée par des proches de l’ancien pouvoir, tels que notamment M. Yvon BERLAND, Président d’Aix-Marseille Université, permet d’accéder à des moyens financiers considérables dans le cadre des « initiatives d’excellence ».

 

C’est ainsi que les mégas universités issus des fusions du début 2012 pourront obtenir un financement additionnel de 5,5 milliards d’euros (les trois pôles parisiens, Strasbourg et Aix-Marseille) dans le cadre des IDEX.

 

Dans le même temps, la majorité des autres établissements français ont vu leurs difficultés financières fortement s’aggraver avec des ressources en diminution rapide, voire des situations de cessation de paiements avec mise sous tutelle des recteurs chanceliers.

 

Il va de soi que les petites universités de province ou d’Outre-mer sont d’office exclues de ce partage du butin au profit exclusif des grands fauves.

 

L’autonomie sans moyen est devenue une Tunique de Nessus accompagnée du conseil rituel : « soyez enfin responsables et débrouillez-vous ! ».

Étrange philosophie : « Spolier les pauvres pour enrichir les puissants ». Ces pratiques cyniques et prédatrices caractérisent la « politique d’excellence » de l’ancien ministère.

 

B – En pointant les effets pervers de ces réformes, la liste qui suit désigne les chantiers à reprendre pour l’avenir.

 

L’analyse de l’Association « Sauvons l’Université »


1) Comme le démontre l’Association « Sauvons l’Université » et comme le reconnaît implicitement la Ministre G. FIORASO, la concentration des moyens, la mise en concurrence et une politique hyper-sélective ont logiquement renforcé les inégalités territoriales : «Toujours plus d’excellence pour de moins en moins d’universités et des déséquilibres territoriaux et disciplinaires fortement aggravés » analyse l’Association Sauvons l’Université.

 

À cet égard, un chiffre synthétique doit être médité : pour l’année 2012,

– l’Université d’Aix-Marseille bénéficie d’une dotation budgétaire globale de 930 millions d’euros pour 72.000 étudiants, soit 13.000 euros par étudiant,

– alors que l’université « périphérique de La Réunion » ne dispose que d’une dotation de 91 millions d’euros pour 15.000 étudiants, soit 6.000 euros par étudiant, malgré des surcoûts avérés imputables à l’éloignement.

 

2) L’imposition des « pseudo-réformes » s’est toujours faite dans la stigmatisation, en rendant les universités seules et uniques responsables des éléments de faiblesse du système, en particulier les difficultés et les échecs massifs dans les premiers cycles.

 

Le plan Réussite en licence lancé en 2007 a mobilisé 730 millions d’euros pour n’obtenir aucun résultat puisque l’échec en premier cycle est toujours aussi important. « Comment ces millions ont-ils été utilisés ? » demande la Ministre, Mme FIERASO.

 

Avec un taux d’échec particulièrement élevé en premier cycle universitaire, la situation est particulièrement dramatique à La Réunion, d’autant plus que pour les « recalés » il n’existe pratiquement aucune passerelle vers des filières professionnalisantes où vers un Institut Universitaire de Technologie qui, malgré la qualité de ses formations, demeure insuffisamment diversifié.

 

Dès lors, les étudiants de La Réunion ne sont souvent que de simples consommateurs de formations, avec des parcours universitaires dont la cohérence est fortement compromise.

 

À terme, le chômage au long cours semble inévitable pour des milliers de jeunes qui sortent sans diplôme du circuit universitaire, tandis qu’apparaît aussi un important chômage même chez les diplômés, à l’image de ce que l’on peut observer dans nombre de pays en développement et maintenant également en Europe du Sud.

 

Le départ vers la métropole pourrait, dans certains cas, pallier l’insuffisante diversification des formations à La Réunion.

Mais encore faudrait-il que les jeunes migrants en provenance de l’Outre-mer puissent bénéficier de davantage de bourses d’études, perspective actuellement incertaine quand on sait que le 10ième mois des bourses universitaires n’a pas été budgété en 2012 (160 millions d’euros) !

 

Encore faudrait-il également que soit résolu l’épineux problème du logement universitaire, particulièrement coûteux à Paris, Aix ou Toulouse, alors que les opérations du plan Campus n’ont été qu’un lamentable échec.

 

« Aucune convention n’a été signée depuis 2007 ; pas un centime d’euro de l’Etat n’a été versé à part les frais d’ingénierie ! Quatre ans après le lancement des partenariats public-privé, pas un bâtiment n’est sorti de terre » découvre avec inquiétude Mme la Ministre dans une interview au journal Le Monde, ce que du reste personne n’ignorait dans la communauté universitaire.

 

2- Consultations régionales et Assises nationales

 

Le gouvernement envisage, dans l’hypothèse d’une victoire aux législatives, une loi d’orientation universitaire qui remplacera la Loi dite LRU promulguée par l’ancien gouvernement.

 

Cette loi devrait être déposée au Parlement début 2013, après une concertation de toute la communauté universitaire.

Auparavant, des assises régionales auront lieu en octobre puis nationales fin novembre-début décembre.

 

Les enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche se posent à l’échelle nationale et aussi, d’une manière déterminante, à l’échelle régionale.

Ils engagent l’avenir de la France et de La Réunion.

 

Dans le cadre de ce processus décentralisé, il faudra penser l’articulation entre le régional et le national, opération éminemment délicate à La Réunion.

 

La politique restrictive de la région Réunion

 

À cet égard, force est de constater que le Conseil Régional de La Réunion, depuis 2010, a adopté des orientations, en matière d’enseignement supérieur et de recherche, inspirées des mêmes modalités que la politique de l’ancien gouvernement :

 

– Financements complémentaires des laboratoires et des équipes par le seul levier d’appels à projets.

– Soutien exclusif aux recherches et aux enseignements tournés soi-disant vers la professionnalisation et l’application industrielle que la novlangue des libéraux appelle « innovation ».

– Renforcement de facto de la logique managériale de la LRU et confiscation des moyens de l’enseignement supérieur au profit de ce qu’il faut bien qualifier de baronnies ou de lobbies locaux.

 

À titre d’exemple, la Région n’affecte même pas le budget voté (1,1 million d’euros par an) pour la Recherche, en dehors de crédits spécifiques (agronomie ou maîtrise des énergies).

 

La majorité UMP entend fonctionner avec des appels à projets mais n’y répond même plus depuis 2010, selon une information diffusée par le Journal de l’Ile de La Réunion du 22 Mai 2012.

 

Politique caricaturale et financement pingre

 

Cette situation appelle les remarques suivantes :

 

1) Les récentes allégations de Mme Anne FRAISSE, Présidente de l’Université de Montpellier et  Vice-présidente de la Conférence des Présidents d’Université, se trouvent pleinement confirmées quand elle affirme :

« Le système est gangréné dès l’origine : il créé des injustices et des déséquilibres et surtout il remplace des financements récurrents destinés à assurer les missions fondamentales des universités par des appels à projets épuisants et réducteurs » (Lettre de la Présidente de l’Université de Montpellier, Mme Anne FRAISSE, à F. HOLLANDE- consultable sur internet).

 

2) La Région Réunion applique jusqu’à la caricature la doctrine des « appels à projets » de ses penseurs et des caciques de l’UMP, avec néanmoins deux paramètres supplémentaires :

 

a) Un financement pingre : 1,1 million d’euros affecté à la Recherche représente une somme dérisoire qui en Métropole ne couvrirait même pas les besoins d’un seul laboratoire.

 

À titre d’exemple, la Région corse affecte à l’Université de Corte (pourtant bien modeste par rapport à celle de La Réunion) une somme de 4,7 millions d’euros destinée à la Recherche pour l’année 2012.

En outre, la Région soutient plusieurs projets pédagogiques et des actions de coopération internationale (!).

 

b) Apparemment, les réponses des universitaires de La Réunion aux appels à projets du Conseil Régional, que ce soit en matière de recherche ou d’enseignement, vont en « poubelle restante », puisque les instances concernées ne daignent même pas y répondre, témoignant ainsi de leur mépris envers l’institution universitaire.

 

Mais alors, que deviennent ses sommes ? N’y aurait-il pas là matière à une saisine de la Chambre Régionale des Comptes ?

 

« Pire qu’une faute, c’est un crime »

 

La médiocrité de tels comportements est affligeante, quand on songe qu’il en va de l’avenir même de la Jeunesse.

A-t-on moralement le droit de priver des milliers de jeunes de l’ascenseur social que représente une formation universitaire de qualité ?

 

Plus généralement, la formation universitaire doit-elle être accessible seulement à ceux qui « peuvent payer » ?

« Pire qu’une faute, c’est un crime ».

 

Aussi, dans la perspective des Assises prévues par le nouveau ministère, les problèmes de l’institution universitaire devront être clairement identifiés, avec rigueur, avec objectivité et sans complaisance.

 

Notamment, l’opinion publique devra être loyalement informée de la gravité des enjeux, et cela d’autant plus que l’Université de La Réunion affrontera un grave problème de crédibilité, face à la concurrence des grands pôles universitaires et au risque d’arbitrages interrégionaux défavorables, conséquence de sa situation ultrapériphérique et du désintérêt ou de la passivité des élus.

 

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1 Commentaire sur

Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche : vers une nouvelle politique universitaire ? Un enjeu capital pour La Réunion et notre jeunesse

  • gindrey claudeNo Gravatar |

    A l’attention de Mr le Pr Mohamed ROCHDI Président de l’Université de La Réunion
    Monsieur le Président, J’ai l’honneur de vous informer que je vais présenter une requête auprès du Tribunal Administratif concernant l’élection vendredi dernier de Mme le Pr Pascale Guiraud comme Doyenne par le Conseil de l’UFR Santé : le litige porte sur la sous -représentativité des PUPH et des PH chargés d’enseignement et de recherche à ce Conseil. A la demande de mes confrères hospitaliers qui soutiennent la candidature de Mr le Pr Peter Von Theobald et en tant que Délégué Régional Ocean Indien du SNPHARE et de l’INPH, je souhaite d’abord tenter une conciliation auprès de vous et obtenir la recomposition et le rééquilibrage de ce Conseil , avec l’arrière pensée de favoriser la création d’une faculté de Pharmacie Océan indien dont la doyenne serait Mme le Pr Pascale Guiraud.(implantation ici de Plant Advanced Technologies http://www.plantadvanced.com/) J’exerce comme médecin Praticien Hospitalier Anesthésiste Réanimateur depuis de nombreuses années (1991) au Centre Hospitalier Départemental de Bellepierre devenu il y a quelque années un CHR, grâce à l’adjonction de l’hôpital Sud-Reunion à cette dynamique universitaire et puis transformé, enfin, cette année en Hôpital Universitaire, grâce à votre soutien. Hôpital bipolaire pour l’instant et que nous souhaitons voire devenir les prochaines années quinquapolaire sur les deux îles -grâce aux NTIC- dans l’intérêt des populations fragiles des deux îles et de nos futurs 1000 étudiants (80 x12 ans) , lesquels ne seront pas tous neurochirurgiens ou chirurgiens cardiaques…comme certains ont voulu vous faire croire. Avec mes collègues hospitaliers des différentes spécialités j’ai donc travaillé en équipe d’abord sur l’amélioration des soins aux patients, mais aussi sur des publications, des communications aux congres, des directions de thèses de médecine et de mémoires d’élèves sage femme ou d’infirmiers DE ou spécialisés et j’enseigne depuis vingt ans à l’Ecole de Sage Femme et occasionnellement à l’Institut Régional de formation des Infirmiers Anesthésistes . (cf curriculum vitae joint concernant mes activités de recherche et d’enseignement depuis 1986 et envoyé par trois fois à Mme Pascale Guiraud) Dans l’attente de votre réponse, je vous prie, Monsieur le Président, de recevoir l’expression de mes sentiments respectueux

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