Ma tribune libre envoyée à la presse – Réunion – Afrique : un pont trop loin ?

carte de l'Afrique et de l'Océan Indien zones militarisées  A l’occasion de la visite dans notre île, en ce début de semaine, de l’Ambassadeur de France en Afrique du Sud, Son Excellence Mme Barbier, à qui je souhaite la bienvenue, il me semble utile de nous interroger sur l’état de nos relations avec le continent africain.

La Réunion est partie intégrante de l’espace africain. Trop souvent, nous en sous estimons la portée, alors que le continent africain se trouve à moins de 3 heures d’avion de nos côtes.

Le continent africain sera un prochain pôle de croissance forte. La Réunion doit donc s’inscrire dans ce mouvement, car nous devons trouver une autre alternative à notre économie principalement tournée vers la France continentale et l’Europe. D’autant plus que les transferts financiers de la France sont en voie de raréfaction.

Selon les prévisions de l’Institut national d’études démographiques (INED), l’Afrique est la région du monde qui connaîtra la croissance la plus forte d’ici 2050. La population africaine, estimée à 1,1 milliards d’habitants en 2013, passerait à 2,3 milliards en 2050.

Mais surtout, selon les derniers chiffres de l’ONU, la croissance économique y est déjà supérieure au taux mondial. Ainsi, entre 2001 et 2010, sur les dix économies enregistrant le rythme de croissance le plus rapide, six étaient africaines.

C’est l’Afrique qui assurera à l’avenir plus de la moitié de la croissance de la population mondiale.

Comment La Réunion peut-elle profiter de ce bouleversement géopolitique ? Car l’Afrique a encore besoin de compétences et d’expertises.

Aujourd’hui, l’IEDOM note que les échanges régionaux de La Réunion dans la zone sont « très limités, peu diversifiés », et que pourtant l’Afrique du Sud « représente un partenaire potentiel important en terme de PIB ». Pour l’IEDOM, « la non participation de La Réunion et de Mayotte aux accords régionaux (SADC -menée par la puissante Afrique du Sud- et COMESA), constituerait un frein au développement de l’export ».

Le regretté Roland Robert, alors vice-président délégué à la Coopération Internationale, avait à l’époque fait venir dans notre île l’émissaire du Secrétaire Exécutif du NEPAD (l’agence de Développement de l’Union Africaine).

L’objectif était de parvenir à un accord pour que La Réunion puisse participer aux programmes de renforcement des capacités des Etats africains prioritaires dans la zone australe et de l’océan Indien, dans la recherche agricole ou encore dans la formation en français des diplomates africains à La Réunion. Ce rapprochement hautement stratégique devra être recherché pour multiplier les échanges profitables pour l’avenir.

Concernant le tourisme, les visas ont été supprimés pour les Sud Africains. Pourquoi alors avons-nous accueilli moins de… 254 touristes de ce grand pays, alors que Maurice en a accueilli l’année dernière plus de 97 000 ?

Depuis la LOOM (loi d’orientation pour l’outremer), le Parlement français nous a octroyé le droit de signer des accords diplomatiques dans les limites de nos compétences. Force est de constater qu’elle n’a été que très peu utilisée. Des accords ont été conclus avec les Comores, Madagascar et le Mozambique sous la mandature de Paul Vergès, et avec les Seychelles récemment sous la mandature de Didier Robert.

La loi a ensuite renforcé la compétence en matière d’action internationale de nos collectivités en leur permettant de nommer des agents diplomatiques représentant le territoire près les Ambassades de France. Ce décret qui date de 2012 n’a malheureusement jamais été actionné par La Réunion, à la différence des Antilles et de la Nouvelle Calédonie.

Enfin, au niveau de l’utilisation du FEDER-POCT (fonds européen de développement régional – programme opérationnel de coopération territoriale), il nous faudra être plus ambitieux pour la période 2014-2020.

L’une des exigences qu’a imposées l’Union Européenne aux collectivités réunionnaises pour la programmation 2014-2020 sera que celles ici s’impliquent davantage dans des relations de réciprocités et directes avec les Etats de la zone.

Serons-nous prêts à y mettre les moyens et à nous débarrasser de nos préjugés à l’égard de notre environnement, et de nos tendances à croire que Paris doit décider de notre destin à l’international ? Ce n’est ni Paris, ni Bruxelles qui nous y obligent. Au contraire, ils nous incitent fortement à l’ouverture sur le monde.

L’avenir de nos relations dans notre environnement régional nous appartient.

Pierre Vergès
Conseiller général

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