2011, l’année de l’outre-mer : allons-nous enfin nous intéresser aux DOM ?

 

2011, l’année de l’Outre-mer : allons-nous enfin nous intéresser aux DOM ?

C’est la question que s’est posée Nicolas Bouzou, journaliste aux « Echos ».

 

Voici l’intégralité de son article.

« Les départements d’Outre-mer ont, en métropole, plutôt mauvaise

presse.

 

Ils sont perçus par une grande partie de l’opinion publique comme des consommateurs de subventions et d’avantages fiscaux et, finalement, comme un poids qui pèse sur le contribuable métropolitain.

 

Cette vision est caricaturale mais la balayer d’un trait reviendrait à pratiquer le déni de réalité.


Certes, la croissance économique est relativement soutenue dans les DOM (pas loin de 3% par an sur longue période).

Mais elle ne débouche pas sur une amélioration perceptible, durable et auto-entretenue des conditions de vie.

 

Pourtant, ces difficultés tiennent davantage aux politiques publiques qui y ont été menées qu’à l’histoire ou la nature.

Prenons la géographie par exemple, souvent pointée du doigt.


Les DOM se situent dans des zones économiquement très porteuses.

Ils devraient donc pouvoir en tirer les bénéfices.

 

La Guyane a une frontière avec le Brésil.

La Réunion se trouve à proximité du Mozambique, de Madagascar, de la Tanzanie et sur un axe Afrique du Sud / Inde.

 

Globalement, les DOM sont immergés dans un environnement dynamique et auraient donc intérêt à commercer beaucoup plus avec leurs voisins qu’avec la métropole ou les voisins de la métropole !

 

Par rapport à ce type d’opportunité, la petite taille n’est pas forcément un handicap car tout dépend du secteur considéré.

Pour des secteurs à fortes économies d’échelle (comme l’agriculture), cela peut constituer un problème.

 

Mais pas pour le tourisme ou les services aux entreprises.

D’ailleurs, comment l’insularité pourrait-elle être un problème quand il s’agit d’exporter de l’immatériel ?


On entend également parfois que, face à des pays comme le Brésil ou l’Afrique du Sud, les territoires d’Outre-mer voient leur développement définitivement entravé par des différentiels de coûts de main d’œuvre qui leur sont très défavorables.

 

Ce sophisme résiste mal à l’analyse.

 

L’Allemagne exporte massivement en direction de pays émergents (dont la Chine) où le coût unitaire du travail est plus de 10 fois inférieur.

La dynamique des exportations tient autant au niveau de gamme qu’aux salaires, en tous cas pour les produits lesquels des stratégies de différenciation sont possibles.


DES ÉCONOMIES RÉSOLUMENT RÉSIDENTIELLES


Ce qui est vrai en revanche, c’est qu’exporter une production à valeur ajoutée nécessite un niveau de qualification élevé et largement partagé.

 

C’est sans doute là l’un des principaux problèmes dans les DOM, dont la population est peu diplômée et où le chômage de longue durée (qui entraîne une déqualification progressive des demandeurs d’emplois) sévit beaucoup plus qu’en métropole.

 

C’est toute la question du capital humain, qui est inclue dans la problématique du développement « endogène » pour reprendre l’expression du Président de la république, ou de l’économie productive.

 

En effet, pour exporter, il faut être une économie « productive », tournée vers l’extérieur, par opposition avec une économie « résidentielle », tournée vers les besoins de ses habitants, et faisant la part belle au commerce, au logement et aux services publics.

 

Et c’est bien là que le bât blesse.

Car les économies ultra-marines sont résolument résidentielles.

 

Les raisons ne sont sans doute pas très difficiles à trouver.

 

Il faut sans doute considérer tout à la fois que l’économie exportatrice (de biens ou de services) n’est pas assez développée (surtout si l’on omet le spatial qui représente près de 25% du PIB de la Guyane !), et que l’économie résidentielle l’est trop.

 

Mais, si tout le monde s’accorde sur le diagnostic, il faut un sacré courage politique pour traduire les analyses en politique concrète.


Prenons l’exemple des sur-rémunérations dont bénéficient les fonctionnaires titulaires travaillant dans les DOM (qui perçoivent donc 40% de plus que les Métropolitaines dans les Antilles et en Guyane, 53% à la Réunion).

 

Vu la taille de la fonction publique dans ces territoires, elles ont des effets économiques structurants. 

D’un côté, elles accroissent la demande globale interne et, partant, les prix.

 

En conséquence, elles contribuent au niveau élevé des prix à la consommation et incitent les producteurs et les distributeurs locaux à rester tournés vers leur petit marché intérieur.

 

D’un autre côté, elles génèrent en matière de recrutement  un effet d’éviction en faveur du secteur public, le secteur privé n’étant pas toujours capable de s’aligner en matière de rémunération.


Mais qui aurait le courage de s’attaquer à un tel tabou ?

Peut-être quelqu’un qui s’intéresserait vraiment à l’avenir de l’Outre-Mer. »

 

Nicolas Bouzou


Commentaire : la réponse de Marie-Luce Penchard à la sénatrice Anne-Marie Payet, à propos de l’urgente nécessité de faciliter l’accès de notre Île aux touristes par une délivrance « souple » des visas, est significative de la position « courageuse » du Gouvernement : »vous savez mon attachement pour l’outre-mer »… et bla et bla et bla !

                                           

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6 Commentaires sur

2011, l’année de l’outre-mer : allons-nous enfin nous intéresser aux DOM ?

  • ArsinoéNo Gravatar |

    article intéressant, qui montre qu’il y a des pistes…. celles définies par le plan réunionnais de développement durable.
    faut-il avoir recours à la « goyave de France » pour ce que disent les Réunionnais soit pris en compte?
    le développement endogène, d’ailleurs, n’est pas incompatible avec une économie exportatrice.
    le problème c’est donc de passer de ‘l’économie résidentielle » à l’export.

  • ùXBäNo Gravatar |

    je suis content qu’un auteur  » reconnu  » dise la même chose que moi concernant les méfaits de la sur-rèm à la fois sur la formation des prix et aussi sur les mentalités,car les meilleurs se tournent exclusivement vers le secteur public , tellement plus attractif que le privé en terme de sécurité d’emploi et de rémunération , plutôt que de travailer dans le privé , ou de créer des entreprises ! c’est à tel point que la plupart des cadres du privé viennent de métropole !
    j’ajouterai aux maifaits le sentiment croissant
    d’une société réunionnaise à deux vitesses avec les  » sur-protégés  » d’un côté et…les autres !
    Le système doit être revu de A à Z , pour une répartition plus équitable et aussi plus efficace économiquement de cette  » manne  » sans en faire
    cadeau à l’etat bien entendu !
    plus largement,le shéma départemental qui a tant contribué à notre dévelopement,a aujourd’hui atteint ses limites et il serait plus pertinent de rechercher une vraie intégration régionale , avec les conséquences statutaires que cela peut entrainer, que de persister dans une voie qui est devenu une impasse , mélange de confort facile et de dépendance soporifique…dans un monde qui évolue à très grande vitesse , si nous ne sommes pas capables de faire évoluer les choses , nous
    irons droit dans le mur !

  • ArsinoéNo Gravatar |

    @ùXBä
    tout à fait d’accord pour la véritable intégration régionale. encore faudrait-il qu’on ne prenne pas les Réunionnais pour des c.. dans le sens où l’Europe veut absolument l’intégration de La Réunion dans son environnement géographique mais que dans le même temps, par exemple, elle ne prend même pas la peine de nous associer pour la renégociations des accords avec les ACP (les APE). quand à la position de l’état français sur l’intégration de La Réunion dans l’océan indien, c’est assez aléatoire, la question des visas en est un exemple extraordinaire

  • HortensiusNo Gravatar |

    Intéressant. Mais une remarque: il n’y a pas lieu d’opposer ce qui est appelé ici « économie résidentielle » et économie exportatrice. Ni d’avoir une appréciation négative sur cette économie « tournée vers les besoins de ses habitants ». Bien au contraire, logement, auto-subsistance alimentaire, et toute production d’import-substitution sont des activités qu’il faut accueillir à bras ouverts. Ce dont il s’agit, c’est de marcher sur ses deux jambes.Alors, sus à l’export et à la valeur ajoutée élevée, tout en améliorant notre autonomie économique!

  • TwiggyNo Gravatar |

    La « métropole » aurait-elle peur de perdre sa main mise sur les DOM, ou aurait-elle un tel manque de confiance pour empêcher leur participation aux échanges avec les pays de leur zone géographique : refus d’assouplir la délivrance des visas, refus d’intégration dans les accords avec les pays ACP… C’est normal que les Français de l’Hexagone aient encore cette vision de « Danseuses de la France » qui datent de Mathusalem !

  • MikontpaNo Gravatar |

    La Réunion se trouve à proximité du Mozambique, de Madagascar, de la Tanzanie et sur un axe Afrique du Sud / Inde.Or c’est justement dans ce sens qu’on nous interdit de regarder depuis des lustres. Aujourd’hui l’interdit, n’est pas interdit officiellement, mais la couche administrative est tellement lourde, que nul investisseur étranger se sent attiré

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