18
2011
Société économique et criminalité : un serial killer, ou bien il continue de tuer avec une violence toujours croissante, ou bien on le coince (5ème partie)
Catégorie : ÉCONOMIE
Je vous propose ci-dessous la lecture de la 5ème partie d’une contribution (longue mais passionnante) de Jean-Marie Harribey *.
ANNULER LA DETTE PUBLIQUE QUI EST ILLÉGITIME
Tout le monde sait que la montée des déficits publics et donc de l’endettement public n’est pas due à une dérive des dépenses publiques.
Elle est due à deux facteurs :
– L’un qui est à l’œuvre de manière rampante depuis plusieurs décennies, le cas français étant exemplaire à cet égard : la fiscalité a été réduite par tous les bouts, et particulièrement la fiscalité progressive, sans que les gouvernements successifs ne réussissent à rogner proportionnellement les dépenses publiques et sociales dont une grande part est incompressible.
– Le second facteur est récent et le plus violent : il s’agit de l’endossement des dettes privées par les collectivités publiques à la suite de la crise bancaire et financière.
Il est donc impossible de justifier que les populations soient obligées d’absorber toutes les conséquences d’une situation dont elles ne sont nullement responsables.
La quasi-totalité de la dette publique est illégitime.
Le déficit primaire est dû aux effets de la récession et aux allègements fiscaux qui privent les administrations publiques de ressources.
Et l’effet boule de neige renforce les éléments précédents en aggravant l’écart entre le taux de croissance et le taux d’intérêt.
L’explosion de l’endettement public est imputable
d’une part aux cadeaux fiscaux faits aux classes sociales les plus riches
et d’autre part à la crise due essentiellement aux pratiques financières qui, in fine, servent les intérêts desdites classes.
POUR UN DÉBAT PUBLIC SUR LA DETTE ILLÉGITIME
Il est donc possible de soumettre au débat public l’idée de répudier la dette illégitime.
Le Conseil européen du 29 octobre 2010 a modifié les règles d’attribution de l’aide par le Fonds européen de stabilisation financière : à partir de 2013, les aides seraient accompagnées d’une restructuration partielle de la dette, c’est-à-dire une annulation partielle de celle-ci.
C’est cette annonce qui a d’ailleurs précipité l’angoisse de créanciers angoissés par nature.
DSK, qui a toujours ses classiques en tête, vient de déclarer qu’il fallait une autorité budgétaire européenne indépendante.
Le serial killer du FMI entre en scène pour mettre les politiques monétaire et maintenant budgétaire hors de tout contrôle souverain.
Et la serial killer qui dirige l’Allemagne joue sa propre partition :
à une dislocation de la zone euro qui priverait l’économie allemande de l’avantage que lui procure la surévaluation de l’euro subie par ses partenaires commerciaux européens, et
à une possible défection générale des débiteurs qui ruinerait les créanciers allemands,
elle préfère prendre les devants en imposant le principe d’une répartition du risque de restructuration partielle des dettes publiques sur l’ensemble des créanciers européens et internationaux.
Mme Merkel veut le beurre des excédents et l’argent du beurre des déficits des autres.
L’idée d’annuler la dette publique n’est donc pas saugrenue.
Elle est bien sûr politiquement abrupte puisqu’elle porte le fer dans le flanc de la rente, de la finance et, pour abandonner les euphémismes, dans celui de la classe bourgeoise aux dimensions internationales.
[1] Voir Attac, « Le G20 face à la crise financière : les éléphants, la souris et les peuples », novembre 2010.
* Jean-Marie Harribey est ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV. Pendant la première moitié de sa vie professionnelle, il a enseigné en lycée, et, pendant la seconde, à l‘Université où ses recherches portent sur la critique de l’économie politique, les concepts de valeur et de richesse, le travail, la protection sociale et le développement soutenable.
Il a publié notamment L’économie économe, Le développement soutenable par la réduction du temps de travail (L’Harmattan, 1997), Le développement soutenable (Economica, 1998), La démence sénile du capital (Le Passant Ordinaire, 2002), Raconte-moi la crise (Le Bord de l’eau, 2009). Il a dirigé Le développement a-t-il un avenir ? (Mille et une nuits, 2004), Le Petit Alter, dictionnaire altermondialiste (Mille et une nuits, 2006). Il a aussi co-dirigé Capital contre nature (PUF, 2003), Le développement en question(s) (PUB, 2006), Sortir de la crise globale, vers un monde solidaire et écologique (La Découverte, 2009), et Retraites : l’heure de vérité (Syllepse, 2010)
Chroniqueur à Politis, il est membre de la Fondation Copernic et d’Attac France, qu’il a présidée de 2006 à 2009. Vous pouvez aussi voir sa page personnelle sur le site de l’Université Bordeaux IV.
http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2010/12/03/il-faut-coincer-les-serial-killers/#