Tribune libre de Bruny Payet – La Commission d’enquête pouvait-elle s’opposer à la route littorale en mer ?

 

   Bruny Payet, ex-conseiller régional et ex-secrétaire général de syndicat, est intervenu plusieurs fois pour que la nouvelle route du littoral en projet ne reproduise pas les mêmes erreurs que la route actuelle, à savoir un coût financier important et pénalisant les générations futures, et une dangerosité de la route liée aux éléments naturels.

 

En effet, le 30 mai 2011, il avait envoyé une première contribution au débat public.

 

Le 16 septembre 2011, une 1ère lettre ouverte au président de Région, suivie le 19 novembre d’une 2ème lettre ouverte soulignant les doutes posés par les moyens techniques et financiers mis en œuvre.

 

Le 29 novembre, il avait à nouveau porté une contribution à l’enquête publique.

 

Le 21 décembre 2011, “Témoignages” a publié une lettre où Bruny Payet interpellait le préfet en mettant en avant la nécessité d’étudier d’autres tracés que la voie sur mer.

 

Voici ses nouvelles observations sur les conclusions du rapport d’enquête publique sur le projet.

 

La presse a fait état de l’avis final de la Commission d’enquête à propos de la route littorale en mer.

Le public peut se désoler de n’y trouver qu’un écho trop résumé qui justifie le projet.

 

Il est regrettable que l’argumentaire complet de la Commission n’ait pas été publié.

Nous avons pu toutefois nous procurer le chapitre des “Conclusions motivées et avis de la commission”.

 

Que peut-on en penser ?

 

Des conclusions qui minimisent l’avis du public

 

En préambule, la Commission d’enquête prétend réduire le but de l’enquête à la seule « utilité publique du projet, et non au choix entre plusieurs solutions ».


La raison est que, selon elle, « le tracé a déjà fait l’objet de plusieurs procédures de concertation avec le public ».

 

Elle précise quand même, avec l’espoir sans doute de se justifier, « s’être attachée à vérifier la pertinence du choix de la solution au vu des observations ». 


Affirmation toute gratuite comme on le verra.


 

La Commission minimise l’ensemble des contributions du public qu’elle se contente de résumer et simplifier dans ses conclusions.

Pour preuve, dans le document qu’il nous a été permis d’examiner, celles-ci sont listées en vrac sur une page et demie tandis que son avis occuperait deux pages et demie…

 

C’est faire peu de cas de l’avis du public que le législateur voulait faire davantage contribuer à l’action administrative en général.


L’opposition semble totale avec l’article L123 du Code de l’Environnement qui stipule que l’enquête a pour objet de recueillir auprès du public ses appréciations, suggestions et contre-propositions !


 

Ce faisant, par sa mission finalement partielle, la Commission justifie d’emblée le choix de tracé de route en mer pour permettre la DUP promise avant l’heure par le Préfet.

 

Un avis hâtif dans un but préconçu

 

La Commission d’enquête fait le procès de la route actuelle — ce que personne ne peut contester — par un véritable panégyrique de la solution en mer qu’elle juge d’office plus sécurisée et de gestion plus économique que l’actuelle route. 


 

Elle la préfère aussi aux autres choix possibles « par les Hauts ou par tunnel » qu’elle compare incidemment, sans élément d’appréciation à l’appui :

1. meilleur coût, 


2. moindre impact sur le site du Parc National,


3. moins impactant à l’entrée de Saint-Denis.

 

Elle reconnait ici que son avis ne repose que sur « le dossier et les réponses du maître d’ouvrage ».

La Commission n’apporte pas les réponses aux contestations du public sur la route en mer, qu’elle cite comme pour se dédouaner, mais en les minimisant :

 inquiétudes et interrogations d’élus et d’hommes de l’art,

 interrogations quant aux aléas climatiques extrêmes et au développement durable

 exigence d’un financement économique et efficace (« efficient »),

 attente de réponse sur le paysage défiguré et l’agression du milieu marin.

 

Mais la Commission se permet d’assortir son avis favorable de recommandations hors objet ou sans réelle pertinence.

 

En effet, dans ses « conseils avisés » :

1. elle recommande le choix évident du double échangeur à la Grande Chaloupe


2. elle demande le respect, et c’est la moindre des choses, de l’avis de l’autorité environnementale — elle cite pourtant un « mémoire en réponse de la Région comme satisfaisant » 


3. elle s’égare sur la mise en place et l’organisation d’un comité de suivi ou de pilotage du projet où elle semble sortir de ses compétences


4. elle rappelle inutilement des évidences quant à la coordination des travaux routiers aux entrées de Saint-Denis et de La Possession.

 

On voit le contraire !

 

Pour conclure : l’étude des autres choix de tracé, jusqu’ici abandonnés, s’impose en toute objectivité

 

La Commission d’enquête nous donne le sentiment qu’elle a écarté la problématique de cette route littorale alors qu’elle aurait pu, à la l’appui de la contribution du public, inviter justement dans ses recommandations la Région et l’État à mieux mesurer leurs responsabilités :


 

1. incidence financière à long terme, avec le coût de gestion, pour le contribuable réunionnais


2. impact environnemental sur le Parc National bien sûr, mais aussi sur l’océan et les paysages


3. sécurité générale des ouvrages et des usagers lorsqu’on s’expose davantage aux attaques de l’océan au lieu de s’en éloigner.

 

En ne s’appuyant pas sur les avis du public, mais sur ceux du seul maître d’ouvrage, la valeur même du rapport de la Commission d’enquête est mise en cause, puisque suivant les termes de l’article L.123 cité ci-avant, elle ne permet pas, comme on l’a vu, à « l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information ».


 

Et réciproquement, une juste information du public exige la diffusion in extenso du rapport original de la Commission d’enquête.


Une éventuelle DUP prise dans ces conditions, par le Préfet, pourrait se voir ainsi annulée du fait de sa base légale insuffisante.

 

Sans jouer l’oiseau de mauvais augure, serons-nous en mesure, à l’avenir, de maintenir cet ouvrage, techniquement et financièrement, dans sa fonction normale ?

Ne sommes-nous pas entrainés sur la voie d’un projet pharaonique que l’on dit « monstre », tant il nous rendra esclaves de ses problèmes jamais résolus ?

 

La Région devrait étudier dans l’urgence et avec la même énergie les autres scénarios de tracé !



 

Bruny Payet,
Ancien conseiller régional
Ancien secrétaire général de la CGTR 

8 février 2012

 

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