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2012
La stratégie du jeu de GO de l’Empire du Milieu
Catégorie : ÉCONOMIE
Ci-dessous de larges extraits d’une analyse de l’experte financière Simone Wapler, sous le titre « Quand la Chine convoite l’or mondial », que j’ai accompagnés notamment d’intertitres (sans en dévoyer le fond), analyse qui mérite d’être connu et partagé. Bonne lecture !
Le gouvernement chinois est en train de s’organiser pour mettre fin au règne du dollar en tant que monnaie étalon planétaire.
La ruée vers l’or
Cela va totalement modifier la donne financière et économique mondiale.
La stratégie de la Chine repose sur le contrôle de l’or.
Pour l’analyste financière Simone Wapler, « la Chine est déjà si riche qu’elle peut littéralement dicter la politique économique mondiale à sa convenance ».
Elle avertit aussitôt qu’elle « ne nie pas que l’Empire du Milieu a des problèmes — certains d’entre eux très graves. Par ailleurs, il subit la crise comme tout le monde. »
En avril 2011, le FMI prédisait ceci : « d’ici 2016, les États-Unis ne seront plus la première puissance économique mondiale . La Chine les aura détrônés. »
Et le FMI de rajouter :
« l’économie chinoise devrait en effet passer de 11 200 milliards de dollars en 2011 à 19 000 milliards en 2016… pendant que l’économie américaine passera de 15 200 milliards à 18 800 milliards sur la même période ».
La Chine déjà 1ère puissance mondiale
Mais pour le prestigieux institut Peterson, « la Chine est déjà la première puissance économique mondiale ».
Et cet institut en apporte les preuves en s’appuyant sur des recherches de l’Université de Pennsylvanie.
En 2010, les biens et des services produits par les États-Unis sont évalués à 14 600 milliards de dollars.
Dans le même temps, le PIB de la Chine a atteint 14 800 milliards de dollars.
En 2012, la croissance des États-Unis devrait être de 2,3%, selon la FED, pendant que celle de la Chine flirterait avec les 8% !
Cela signifie que même dans un contexte de crise mondiale, la Chine se développe plus de 3 fois plus vite que le pays de l’oncle Sam.
Des comparaisons significatives avec les États-Unis
Mais ce qui est tout aussi révélateur, ce sont les comparaisons suivantes :
– La Chine n’a quasiment pas de dettes au moment où les États-Unis affichent plusieurs milliers de milliards de dettes et d’obligations;
– Les recettes fiscales sont de 30% plus élevées par rapport à l’année précédente… en Chine, tandis qu’aux États-Unis, les recettes baissent fortement ;
– sur le front de l’emploi, il n’y a pas photo : 810 millions de travailleurs contre 160 millions, et les États-Unis ont un taux de chômage (8,10%) du double de celui de la Chine (4,10%).
– La Chine est au 1er rang mondial pour l’activité industrielle, l’exploitation de mines, et l’exportation, tout en dépassant les États-Unis dans le rôle de destination privilégiée d’investissement.
Une stratégie en 4 étapes
Pour Simone Wapler, ce qu’il y a de plus inquiétant, c’est que « la Chine est en train de tout faire pour mettre fin au règne du dollar comme devise de réserve… grâce au contrôle de l’or physique mondial. »
L’analyste financière distingue 4 étapes dans la stratégie chinoise :
Une production accrue d’extraction de l’or
1°- Premier producteur mondial de métal jaune, la Chine « a produit près de 361 tonnes d’or l’an dernier… et 80,8 tonnes supplémentaires rien qu’au premier trimestre 2012 — soit une hausse de 10% sur un an. »…
Un tel afflux de nouveau métal devrait faire baisser les prix du marché mondial.
Sauf qu’il passe directement dans les réserves de Pékin.
Pourquoi ? Pour constituer les réserves de change.
Et pendant qu’en France, l’or constitue 71,6% des réserves de change, en Allemagne 71,9%, ou encore 75,1% pour les États-Unis, Pékin, en revanche en est à… 1,6%.
Mais ces 1,6% représentent en fait 1 054 tonnes d’or, soit la cinquième plus grande quantité d’or au monde pour un pays.
Le reste des réserves de change de la Chine est constitué en majorité de dollars et actifs libellés en dollars — 1 730 milliards de dollars à fin juin 2012 pour être exacte.
Et le dollar, comme chacun sait, est en train d’être vidé de sa substance par le gouvernement américain lui-même, puisqu’en septembre 2012, le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a remis en marche la planche à billets, avec une troisième vague d’assouplissement quantitatif.
Il a promis d’émettre 40 milliards de dollars supplémentaires par mois… pour une durée illimitée.
C’est mécanique : plus il y a d’unités d’une même devise… moins chaque unité a de valeur.
C’est ce qui est en train de se passer avec le billet vert — et Pékin assiste à l’évaporation littérale de la valeur de ses réserves en dollars.
Main basse sur l’or des marchés internationaux
2°- La Chine fait main basse aussi sur l’or des marchés internationaux !
Le gouvernement de Pékin reste très discret sur le sujet… avec raison d’ailleurs, parce qu’il pourrait provoquer des mouvements de cours à la hausse, ce qui nuirait à son objectif !
Il est tout de même communément admis que les importations en provenance de Hong Kong représentent assez fidèlement la quantité d’or achetée par la Chine.
À titre indicatif :
– En avril 2012, Hong Kong a exporté 101 768 kg d’or vers la Chine continentale, selon l’agence Reuters. C’était une hausse de 62% pour le mois… qui était aussi le deuxième plus haut mois enregistré depuis qu’on suit ces chiffres.
– L’an passé, le journal Financial Times annonçait que selon des données du gouvernement hong-kongais, la Chine avait importé 56,9 tonnes d’or au cours du mois de septembre 2011, soit six fois plus que l’année précédente.
– Le Financial Times soulignait aussi que rien qu’au cours du dernier trimestre 2011, la Chine avait importé 140 tonnes d’or depuis Hong Kong, soit plus que les 120 tonnes totales de 2010 !
Aller chercher l’or… chez les autres !
3°- Aller chercher directement dans le sous-sol des autres !
Quelques exemples révélateurs :
– China Gold – la seule entreprise publique détachée du gouvernement central de Chine – a par exemple entamé en en août 2012 des pourparlers en vue d’acquérir en Afrique 74% des parts de la minière canadienne Barrick Gold.
– Zijin Kuangye, exploitant d’or classé au deuxième rang en Chine, a acquis plus de la moitié des actions de Norton Gold Fields, une minière australienne.
– Ce même groupe avait d’ailleurs acheté l’an dernier 60% des parts d’Altynken, une minière kazakhe.
– En novembre dernier, par le biais de la société d’exploitation minière du Shandong, la Chine se proposait de racheter Jaguar Mining, une société aurifère brésilienne, pour la modique somme de… un milliard de dollars.
– Et au cours des quatre dernières années, le China National Group a acheté cinq compagnies minières, pour plus d’un demi-milliard de dollars au total.
Et si l’opération échoue (pour China Gold)… eh bien, qu’à cela ne tienne : au lieu d’acquérir la minière, la Chine lui proposera alors de racheter directement la production grâce à des contrats d’approvisionnement de long terme.
Le but étant identique bien entendu — faire main basse sur l’or physique.
On en revient toujours au même point… …
Et pour verrouiller le dernier angle d’attaque de son plan de hold-up, la Chine fait appel à ses bases.
Acheter de l’or ? Un acte patriotique !
4°- Faire de l’achat d’or un acte patriotique pour la population chinoise
Il faut savoir que jusqu’en 2009, pour les chinois, acheter de l’or était passible de prison.
Aujourd’hui, le gouvernement chinois incite ses citoyens à l’achat d’or physique.
Campagnes de pub, ouvertures de boutiques vendant de l’or physique à tous les coins de rue… tout est fait pour inciter à la consommation.
L’inflation aidant, les Chinois font la queue pour acquérir des lingots dans les magasins spécialisés.
Résultat : la part d’or dans l’épargne privée chinoise a littéralement explosé.
Le but ultime de la stratégie de Pékin
Et Simone Wapler nous révèle le but ultime de la stratégie de Pékin :
« Qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien, voici mon analyse de la situation.
Les Chinois sont très patriotes.
Si, pour une raison ou pour une autre (l’érosion persistante du dollar, par exemple, au hasard…), le gouvernement chinois faisait appel à la conscience nationale et demandait à chaque citoyen d’apporter son or à la Banque centrale en échange d’un certificat de dépôt, les Chinois coopéreraient très volontiers.
Vous imaginez le volume de métal jaune qui affluerait alors dans les caisses chinoises ?
De quoi aider n’importe quel gouvernement à mettre en place ce qui me semble être le but ultime de l’Empire du Milieu… »
Quand le yuan remplacera le dollar
Depuis 40 ans (pour rappel, en 1971, Nixon a mis fin au règne de l’étalon-or), les échanges internationaux se font en dollars.
L’or est coté en dollars.
Toutes les autres matières premières ?
Cotées en dollars elles aussi.
Ouvrez un journal : pour être intelligibles, la plupart des statistiques internationales sont données en dollars.
Vous imaginez ce que cela donnerait… en yuans ?
Pourtant, il faut peut-être vous y préparer dès maintenant.
La Chine donne tous les signes de vouloir remplacer le dollar par le yuan
Il suffit de réfléchir aux faits que nous venons de voir :
– La Chine augmente ses réserves d’or physique par tous les moyens :
accélération de la production nationale,
rachats massifs de production étrangère,
rachats massifs de minières étrangères,
encouragement de l’investissement aurifère.
Elle se constitue ainsi une réserve d’or mobilisable à tout instant.
– Sa puissance économique et son rôle sur la scène internationale sont en train de s’affermir et de se renforcer, pendant que l’Occident décline et s’enlise dans les dettes et la crise économique.
– Parallèlement, la Chine réduit la part de ses réserves libellées en dollar – la valeur de ce dernier étant de plus en plus mise à mal par la politique d’argent facile de la Fed.
Vers une hausse stratosphérique du cours de l’or
Et Simone Wapler de conclure :
« Pour moi, les choses sont claires : la Chine donne tous les signes de vouloir remplacer le dollar par le yuan comme devise de référence mondiale ».
En mobilisant toutes les réserves d’or physique qu’elle est en train d’accumuler et en s’en servant pour garantir le yuan, la Chine atteindrait son objectif.
Le yuan deviendrait alors la monnaie la plus solide qui soit : à côté d’un yuan solidement adossé au métal jaune, les devises papier, tributaires de gouvernements endettés qui n’ont plus que la planche à billets comme recours, n’auraient aucune chance.
Ce serait une véritable mise à mort du dollar.
Sur les cours de l’or, en revanche, on assisterait à une hausse stratosphérique.
Des déclarations convergentes
Pour Simone Wapler, d’autres éléments confortent son analyse :
1°- D’abord un extrait du « Quotidien du Peuple », journal officiel du Parti communiste chinois :
« Le monde doit urgemment créer une devise et un système financier diversifiés, ainsi qu’un ordre financier équitable et juste qui ne dépende pas des Etats-Unis ».
2°- La déclarations du Docteur Fan Gang, directeur de l’Institut national de recherches économiques de la Chine, au Forum mondial de l’économie à Davos :
« Le dollar US n’est plus, selon nous, une devise stable.
Il se dévalue sans arrêt, et sans arrêt cela cause des problèmes.
La véritable question est donc de savoir comment changer de régime pour passer d’un lien avec le dollar à une référence plus facilement gérable,comme l’euro, le yen… ce genre de systèmes plus diversifiés ».
3°- La déclarations de John Hathaway, co-gestionnaire de Tocqueville Gold Fund, un des fonds aurifères les plus grands et les plus reconnus au monde :
« Nous sommes au coeur de la transformation du système monétaire mondial, nous allons probablement voir le dollar perdre beaucoup de son avantage en tant que principale devise de réserve, voire perdre ce statut […]. »
Des obligations libellées en yuans
4°- Il y a plus :
– Les investisseurs peuvent désormais acheter des obligations libellées en yuans à Hong Kong.
– Caterpillar et McDonald’s ont récemment financé des projets en Chine continentale en offrant directement des obligations en yuans plutôt que des dollars.
– Le commerce entre la Chine et la Russie, le Vietnam ou la Thaïlande se règle désormais en yuans… et non plus en dollars.
– La Chine a ouvert en juin 2012 le PAGE (Pan-Asian Gold Exchange), une bourse de l’or et des métaux précieux entrant en concurrence directe avec les deux géants occidentaux qui se partageaient la majeure partie du gâteau jusqu’à présent, le COMEX aux Etats-Unis et le LBMA en Grande-Bretagne.
L’assentiment obligé des américains
Simone Wapler indique que ce processus est d’autant plus irréversible qu’il se fait « sans aucun doute avec le plein assentiment des autorités américaines ! »
En effet, la dette nationale américaine « officielle » dépasse désormais les 16 000 milliards de dollars – 33% plus élevée que celle des pays de la Zone euro… pris ensemble !
C’est une somme bien supérieure à ce que Washington peut ne serait-ce qu’espérer payer un jour.
Le seul espoir des Etats-Unis d’éviter le défaut de paiement, c’est de détruire la valeur de leur propre devise, puis de rembourser leurs dettes avec des dollars qui ne valent plus qu’une fraction de ce qu’ils valaient autrefois.
La Quotidienne d’Agora <quotidienne@publications-agora.fr>