2
2010
À lire absolument ! Leur écologie et la nôtre : une contribution du philosophe André Gorz (1ère partie)
Catégorie : DÉVELOPPEMENT DURABLE, ÉCONOMIE, Environnement
Je vous livre ici en deux parties l’intégralité d’une contribution dont la fraîcheur n’est pas entamée, alors que la parution date de 1974 !
Elle est signée André Gorz, philosophe et passionné d’écologie, qui nous a quitté en septembre 2007. Bonne lecture !
« Évoquer l’écologie, c’est comme parler du suffrage universel et du repos du dimanche
: dans un premier temps, tous les bourgeois et tous les partisans de l’ordre vous disent que vous voulez leur ruine, le triomphe de l’anarchie et de l’obscurantisme.
Puis, dans un deuxième temps, quand la force des choses et la pression populaire deviennent irrésistibles, on vous accorde ce qu’on vous refusait hier et, fondamentalement, rien ne change.
La prise en compte des exigences écologiques conserve beaucoup d’adversaires dans le patronat.
Mais elle a déjà assez de partisans capitalistes pour que son acceptation par les puissances d’argent devienne une probabilité sérieuse.
Alors mieux vaut, dès à présent, ne pas jouer à cache-cache : la lutte écologique n’est pas une fin en soi, c’est une étape.
Elle peut créer des difficultés au capitalisme et l’obliger à changer ; mais quand, après avoir longtemps résisté par la force et la ruse, il cédera finalement parce que l’impasse écologique sera devenue inéluctable, il intégrera cette contrainte comme il a intégré toutes les autres.
QUE VOULONS-NOUS ?
C’est pourquoi il faut d’emblée poser la question franchement : que voulons-nous ?
Un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques ou une révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et, par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature ? Réforme ou révolution ?
Ne répondez surtout pas que cette question est secondaire et que l’important, c’est de ne pas saloper la planète au point qu’elle devienne inhabitable.
Car la survie non plus n’est pas une fin en soi : vaut-il la peine de survivre [comme se le demande Ivan Illich], dans « un monde transformé en hôpital planétaire, en école planétaire, en prison planétaire et où la tâche principale des ingénieurs de l’âme sera de fabriquer des hommes adaptés à cette condition » ? (…)
Il vaut mieux tenter de définir, dès le départ, pour quoi on lutte et pas seulement contre quoi. Et il vaut mieux essayer de prévoir comment le capitalisme sera affecté et changé par les contraintes écologiques, que de croire que celles-ci provoqueront sa disparition, sans plus.
LA DÉFINITION DE LA CONTRAINTE ÉCOLOGIQUE
Mais d’abord, qu’est-ce, en termes économiques, qu’une contrainte écologique ?
Prenez par exemple les gigantesques complexes chimiques de la vallée du Rhin, à Ludwigshafen (Basf), à Leverkusen (Bayer) ou Rotterdam (Akzo).
Chaque complexe combine les facteurs suivants :
– des ressources naturelles (air, eau, minéraux) qui passaient jusqu’ici pour gratuites parce qu’elles n’avaient pas à être reproduites (remplacées) ;
– des moyens de production (machines, bâtiments), qui sont du capital immobilisé, qui s’usent et dont il faut donc assurer le remplacement (la reproduction), de préférence par des moyens plus puissants et plus efficaces, donnant à la firme un avantage sur ses concurrents ;
– de la force de travail humaine qui, elle aussi, demande à être reproduite (il faut nourrir, soigner, loger, éduquer les travailleurs).
En économie capitaliste, la combinaison de ces facteurs, au sein du processus de production, a pour but dominant le maximum de profit possible (ce qui, pour une firme soucieuse de son avenir, signifie aussi : le maximum de puissance, donc d’investissements, de présence sur le marché mondial).
La recherche de ce but retentit profondément sur la façon dont les différents facteurs sont combinés, et sur l’importance relative qui est donnée à chacun d’eux. »
Réforme ou révolution ?
Pour moi, le choix est clair, LA REVOLUTION
Texte visionnaire et intéressant
A peine marqué de quelques rides
Car «si le fondement même du capitalisme, c’est toujours de faire « le maximum de profit possible », les pronostics qu’a émis Gorz ne se sont pas réalisés : « Mais elle (La prise en compte des exigences écologiques) a déjà assez de partisans capitalistes pour que son acceptation par les puissances d’argent devienne une probabilité sérieuse ».
« La lutte écologique n’est pas une fin en soi, c’est une étape », nous sommes-nous seulement alignés sur la ligne de départ ?
J’aurais vraiment souhaité que cette lutte écologique puisse « créer des difficultés au capitalisme et l’obliger à changer ». Cela est-il possible? Tardra viendra…
J’attends cette « révolution économique, sociale et culturelle qui abolit les contraintes du capitalisme et, par là même, instaure un nouveau rapport des hommes à la collectivité, à leur environnement et à la nature » ? Réforme ou révolution s’interroge-t-il ? Cela ne peut être qu’une révolution. Un total bouleversement. Malheureusement fait dans la douleur, de ceux qui sont sacrifiés à l’autel du profit, ici ou ailleurs ; cela ne peut être qu’une révolution mondiale, afin que, une bonne foi pour toutes, cette bête immonde qu’est la mondialisation capitaliste (ou le capitalisme mondialisé) expire.