Dossier « Route du littoral » : ne doit-on pas prendre des mesures d’urgence avant qu’il ne soit trop tard ? (5ème et dernière partie)

 Il est important de relire l’interview accordée par Philippe Berne, vice-président de la Région et par ailleurs président de la Commission du Développement Durable, à la revue « Ma Région et Moi » de septembre 2006.

 

Cela nous permet de mieux comprendre la démarche qui a prévalu à la Région et les choix opérés pour engager autant que faire se peut notre Île dans une politique de développement durable.

 

Lecture, en tenant compte des remarques « numérotées » permettant de mieux comprendre ce qui s’est passé depuis.

 

Question : « Pourquoi la Région a-t-elle choisi le tracé B1 (route digue et tunnel) ? »

 

Philippe Berne : « En assemblée plénière, les élus ont rappelé que le choix de cette nouvelle liaison devait tenir compte du tracé du premier tronçon du tram train qui, lui, passe par La Montagne.

 

Or, on ne doit pas raisonner en terme de concurrence, mais en terme de complémentarité entre les deux ouvrages : la route par le littoral, le tram train par les hauts.

 

Ainsi, le tram train, tout en offrant une solution supplémentaire pour relier le nord à l’ouest, assurera une fonction d’aménagement du territoire, quand il passera par la Montagne.

 

La vocation de la nouvelle route du littoral, sera, elle, de poursuivre la fonction transit rapide entre l’Ouest et le Nord. »

 

Question : « Qu’en est-il aujourd’hui de la sécurisation ? »

 

Philippe Berne : « La solution « littoral » est la seule qui permette de tenir compte des investissements déjà réalisés et qui sont considérables (avec la solution B1, les travaux de sécurisation sur la falaise n’auront donc pas été inutiles, et après la construction de cette nouvelle route à une hauteur supérieure de 3 mètres à la route actuelle, celle-ci fonctionnera comme espace de protection et comme « piège à cailloux »…).

 

Enfin, et cela n’est pas négligeable, la solution B1, qui rappelons le, est une solution mixte combinant digue en mer et tunnel, est la solution la moins chère et la plus rapide en termes de délai de réalisation. » (1)

 

Question : « Pourquoi des compléments d’études ? »

 

Philippe Berne : « Les élus se sont prononcés pour la solution B1 en demandant toutefois que des études permettent

 

– de confirmer la disponibilité des matériaux nécessaires à la réalisation des portions de la route digue, (2)

 

– de prendre en compte les risques de nouveaux éboulis en masse, de façon à éloigner la nouvelle route de l’impact lors de ces phénomènes ; les effets de la houle, l’élévation du niveau de la mer du fait du réchauffement climatique. (3)

 

D’où la demande de la Région à la DDE d’approfondir les études sur la sécurisation et également d’étudier les solutions du transport des matières dangereuses (pour la partie tunnel) sans oublier la question de la circulation des vélos. »

 

Question : « La Région n’a pas compétence en matière de routes nationales mais s’implique néanmoins dans cette nouvelle liaison. Pourquoi ? »

 

Philippe Berne :  « L’État est responsable et compétent pour les routes nationales de La Réunion.

 

Depuis le début de la phase 2 de la décentralisation, la Région a toujours exigé que le transfert de compétences des routes nationales de l’État s’accompagne des moyens financiers nécessaires à la mise aux normes de l’ensemble du réseau routier. (4)

 

Cela concerne la RN5, c’est-à-dire la route de Cilaos, le Cap la Houssaye et bien évidemment la route du Littoral.

 

Lors de l’assemblée plénière du 23 août 2006, les élus de toutes tendances politiques ont rappelé que le financement de cette nouvelle route du littoral incombait à l’État, même avec l’application de la décentralisation.

 

En effet, le projet qui nous a été présenté par la DDE ne fait que réparer les erreurs commises par d’autres quand ils ont décidé de faire cette route.

 

C’est donc à l’État de faire une nouvelle route, avec les conditions maximales de sécurité, car c’est bien l’État, qui est propriétaire, maître d’ouvrage et maître d’œuvre de cette route.

 

Mais la Région ne peut se désintéresser de cette nouvelle route du littoral, car elle joue un rôle considérable dans le développement économique de l’île d’où sa volonté d’y apporter une contribution dans le sens de l’intérêt général. »

 

Question : « En ce qui concerne le financement de cette nouvelle liaison, quelle est la position de la Région ? »

 

Philippe Berne : Les nouveaux contrats de projets que vont signer les Régions avec l’État n’intègrent pas les routes, elles sont donc hors du champ de contractualisation.

 

En revanche, le tram train est pleinement éligible à ce contrat de projet.

 

Au cours des discussions que nous avons eues avec l’État, nous avons considéré qu’il fallait que l’État et la région s’entendent pour assurer le financement des deux projets prioritaires pour les réunionnais, tout en tenant compte des compétences de chacun : la Région est compétente pour le tram train, l’État pour la route du littoral.

 

Aujourd’hui, le financement de la route du littoral n’est toujours pas assuré.

 

Mais comme cette nouvelle route est indispensable pour le développement de l’île, la Région a le souci de contribuer à une solution dans l’intérêt général, nous avons envisagé, en assemblée plénière, une contribution financière de la collectivité sous réserve que cette contribution ne mette pas en cause les autres projets prévus sur le plan des routes, (boulevard sud, déviations de Saint-Joseph et de Grand bois, RN3 etc..), piste cyclable, ou des transports collectifs ou sur le plan des investissements dans d’autres domaines du développement. (5)

 

(1) Cette solution moins chère était estimée par les services de l’Etat à 930 millions d’euros début 2007, au moment de la signature du Protocole de Matignon 1.

 

En 2009, après des études approfondies menées conjointement par les services de l’Etat, compétent pour cette route jusqu’en 2009, et les services de la Région, le coût estimatif de cette solution moins chère a grimpé à 1430 millions.

 

Remarquons que Didier Robert soutient encore aujourd’hui que sa route à 6 voies en mer ne coûtera que 170 millions d’euros de plus qu’une route estimée en 2009 par les services de l’Etat comme… la moins chère !

 

(2) La remise en cause du tracé aérien du Tram Train a conduit à opter pour une solution de franchissement du massif de La Montagne par 3 tunnels successifs, qui auraient permis de disposer de matériaux réutilisables pour les ouvrages de la nouvelle route du littoral.

 

Avec la destruction du projet Tram Train par Didier Robert, plus de tunnel, donc zéro M3 de matériaux, et une recherche qui se poursuit aujourd’hui du côté de la pyramide inversée pour trouver des carrières à « piller » au détriment de futurs projets de bâtiments et de travaux publics !

 

(3) C’est cette problématique qui avait conduit Paul Vergès, alors président de Région et surtout Président de l’ONERC (Observatoire National sur les effets du Réchauffement Climatique) à demander en novembre 2009 à Dominique Bussereau, Secrétaire d’Etat aux Transports du gouvernement de François Fillon, une lettre de l’Etat garantissant que le projet envisagé de route digue ne risquerait pas dans quelques décennies de connaître de dégâts résultant des effets de l’Océan du fait des changements climatiques… bien que beaucoup de responsables ne seraient alors plus là pour en rendre compte… comme Didier Robert dans quelques décennies d’ailleurs !

 

(4) Cela avait été la base de notre argumentaire pour réclamer à l’Etat une rallonge financière en plus de la dotation ferroviaire, jugée légitime par nous et même par le Secrétaire d’Etat aux Transports du gouvernement de François Fillon, Dominique Bussereau, en novembre 2009, avant qu’il ne se fasse « rappeler à l’ordre » à quelques mois des élections régionales.

 

En effet, tout le monde se souvient que l’Etat avait remis en cause l’engagement de transférer à l’euro près les ressources correspondantes aux transferts de charges, que ce soit pour les agents TOS des lycées, ou pour la poursuite de la sécurisation de la route du littoral avec la pose des filets.

 

Doit-on rajouter que l’Etat s’en est tenu à un financement minimum pour la construction du nouveau pont de la Rivière Saint-Etienne, alors que le projet n’était plus de 2 voies, mais de 4 voies, et qu’envisager un financement identique signifiait une reconstruction à l’identique d’un pont « cariaté » et susceptible d’être détruit lors d’un nouveau cyclone comme Gamède ?

 

Notons que nous avions engagé un « bras de fer » avec l’Etat, notamment par un contentieux devant les juridictions administratives.

 

C’est cela défendre La Réunion et les Réunionnais.

 

(5) C’est au terme de plusieurs rencontres à Paris dans les ministères que nous avons arraché les financements pour les deux projets emblématiques que représentaient la nouvelle route du littoral sécurisée et le Tram Train de Sainte-Marie à Saint-Paul.

 

La dynamique économique qui aurait été poursuivie après la livraison de la Route des Tamarins aurait éviter le « trou d’air » subi dans le BTP, avec son cortège dramatique de licenciements et de fermetures d’entreprises.

 

Cela aurait surtout renforcé dans l’opinion réunionnaise l’idée que la solidarité nationale devait s’exprimer pour un développement durable de notre île par un effort « lissé » jusque dans les années 2030 afin de prolonger le réseau ferroviaire jusqu’à Saint-Benoît dans l’Est, et jusqu’à Saint-Joseph dans le Sud.

 

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