« On dit que le lendemain elles sont souriantes. » propos d’un internaute (2ème partie)

 

   On a rarement le point de vue de la prostituée dans ces affaires-là.

 

En voici un, extrait d’un roman d’Aminata Zaaria, « La nuit est tombée sur Dakar ». Les intertitres sont de moi.

 

La scène se passe au large de Dakar, sur l’île de Gorée, entre un vieux toubab plein aux as (handicapé de la main droite, il n’a plus que le pouce de valide, les autres doigts sont atrophiés) et la narratrice, une jeune femme du cru, décidée à sortir de la misère coûte que coûte.

 

« (…)Moi qui ai un faible pour les salles de bains, je suis subjuguée par celle de Bernardin.

Tout est bleu avec des poignées argentées.

Chez nous, au village, il n’y a pas de baignoire, ni de douche, rien qu’un seau d’eau et un morceau de brique sur lequel on se met debout pour nettoyer la carcasse.

 

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Le premier bain de ma vie dans une baignoire

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– Tu peux prendre une douche si tu veux, ma chérie, me propose-t-il, tu dois être fatiguée.

Et sans qu’il est besoin de me le redire, je m’enferme pour prendre le premier bain de ma vie.

C’est mieux que dans tous mes rêves.

Je ferme les yeux d’enchantement, grisée par autant de luxe…

Et ça a duré plus d’une heure…

Une fois sortie de la baignoire, je me suis plantée devant la glace pour essayer les produits cosmétiques que le Crapaud semble affectionner.

J’ai ouvert tous les flacons, les tubes, les boîtes….

 

Je me suis même mis de la mousse à raser sur le front juste pour voir, et ensuite j’ai noué mes cheveux avec une large serviette blanche, exactement comme font les stars dans les magazines féminins.

Et si Bernardin n’avait pas frappé à la porte, je serais resté dans la salle de bain toute la nuit.

En revenant dans la chambre, je l’ai trouvé tout nu, affalé sur le lit.

Et là, j’ai vu l’horreur en face.

Un spectacle indescriptible, . 

Du jamais vu.

Nu, il est encore plus effrayant avec son énorme tête d’extraterrestre sans un seul cheveu, ses lèvres affaissées, son front en accent circonflexe et surtout ses yeux inhumains qui finissent de faire de lui un véritable crapaud.

 

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Je ravale vite ma nausée

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Je ravale vite ma nausée et me jette sur le lit comme on plonge dans le vide avec la peur au ventre.

Hormis le fait qu’il soit un individu particulièrement rebutant, me retrouver pour la première fois seule avec un blanc me terrorise.

Ces individus sont si différents de nous.

Avant qu’il n’éteigne la lampe de chevet, j’ai vu ses bijoux de famille.

Et je me suis demandé si le Keuteur Keuth, cet aphrodisiaque de Djimbory, pourrait porter remède à une telle défaillance.

 

Jamais il ne pourra compter sur cette minuscule queue pour me pénétrer.

Et j’en suis soulagée…

Se collant très fort contre moi le Crapaud halète, palpite et gémit.

Moi, j’arrive difficilement à respirer.

Comme une gamine entre les mains d’un bourreau, je ne cherche pas à me dégager.

J’attends traumatisée qu’il me libère, tout en me demandant jusqu’où ça ira.

 

– Ouvre les cuisses, m’ordonne-t-il.

– Qu’est-ce que tu veux faire ? je lui demande, inquiète.

– Je veux toucher ta chatte mais toucher vraiment.

– Avec quoi ?

– Mon doigt.

– Noonn, je hurle en serrant très fort les cuisses, horrifiée à l’idée d’avoir cet unique doigt de sa main dans mon vagin.

– Laisse-toi faire, je t’en prie.

– Non.

 

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Je te donnerai ce que tu veux

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– Si, insiste-t-il, en essayant de m’ouvrir les cuisses de force.

– C’est impossible, lâche-moi, je répète, en tenant très fort son bras qui essaie de se frayer un passage.

– Ma chérie, laisse-moi faire, me supplie-t-il. Je te donnerai tout ce que tu veux. Fais ça pour moi, j’en ai envie, s’il te plaît…

 

Et là, j’ai bien réfléchi, parce que si je refuse à cet homme d’enfoncer son doigt dans mon sexe, je serai condamnée à vivre dans la misère.

Et jamais je n’aurai de belles toilettes comme Dior Touré.

Je resterai toujours une pauvre fille méprisée par tous.

 

– Si je te laisse faire, tu vas me donner de l’argent demain pour que je m’achète quelques affaires ? lui ai-je quand même demandé pour que les choses soient claires.

– Dis-moi la somme que tu veux, je te la donne tout de suite, mais s’il te plaît, laisse-moi faire.

– Et tu me laisseras vivre ici avec toi, le temps que je trouve un appartement ?

– Comme tu veux, ma chérie, mais laisse-moi te toucher la chatte.

– Alors, demain, tu me donneras cent mille francs CFA, j’ai dit.

 

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J’ai pensé très fort à l’argent sous l’oreiller

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– Je te les donne tout de suite, a rétorqué Bernardin en se levant pour se diriger vers l’armoire.

De son portefeuille, il a sorti des billets de banque pour me les tendre.

Je les ai compté pour le plaisir de les palper avant de les garder sous l’oreiller.

 

Le Crapaud est revenu se coucher près de moi et, avec l’argent bien en sécurité, j’ai eu moins de mal à ouvrir les cuisses.

Il a fourré son doigt dans mon vagin.

J’ai pensé très fort à l’argent sous l’oreiller, ce qui a suffit à me faire oublier ce qu’il me faisait.

 

Un moment, j’ai cru qu’il allait crever d’un infarctus mais ce n’était rien apparemment, il ne faisait que jouir.

Puis il s’est levé pour prendre quelques comprimés dans des boîtes posées sur la table de chevet.

Il en a pris quatre qu’il a avalé avec beaucoup d’eau avant de se recoucher..

 

Cinq minutes plus tard, il s’est endormi et j’ai pris les boîtes pour voir quel genre de médicaments il avait absorbés.

Sur toutes les notices était marqué « somnifères ».

Au moins, il n’est pas atteint de maladie grave et contagieuse, j’ai pensé, rassurée de constater qu’il avait seulement des problèmes pour dormir. »                                                                                                                                                                                                                                                                                    

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