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2013
À propos du projet de découpage cantonal du gouvernement socialiste
Catégorie : INSTITUTIONS - COLLECTIVITÉS LOCALES, POLITIQUE LOCALEÀ mes amies et amis lecteurs qui visitez mon blog, vous vous êtes rendu compte que je n’ai pas été régulier dans la production d’articles ces dernières semaines. Je voudrais vous présenter mes excuses.
En effet, j’ai été assez pris par mes responsabilités d’élu délégué aux transports et à l’agriculture. Notamment du fait de mes déplacements hors département, tant pour les journées du GART à Bordeaux où se sont retrouvés élus et responsables des transports à l’échelle nationale, que pour le Ministère de l’agriculture à Paris, où les élus des régions ultra marines et des départements de Mayotte et La Réunion ont rencontré Stéphane Le Foll et Victorin Lurel.
Et puis, j’ai été accaparé par l’analyse et la négociation sur l’offre présentée par un groupement relative à la délégation de service public pour l’exploitation du réseau Car Jaune pour la période 2014-2024.
Du coup, j’ai omis de faire paraître un courrier de lecteur, que vous trouverez ce jour – mille excuses à Yannis Hoarau, son auteur – et que j’ai agrémenté d’illustrations pour me faire pardonner.
J’ai omis également de faire paraître sur mon blog ma tribune libre parue pourtant dans la presse. Un comble !
Du coup, le débat ayant déjà eu lieu en assemblée plénière au Département, le jeudi 12 décembre, je me permets de le faire paraître avec en préambule un certain nombre de remarques venant conforter mon point de vue.
Avant toute chose, constatons que les conseillers généraux, toutes tendances confondues (Opposition de Droite, Modérés, PLR, PCR-Alliance, et même PS, en la personne de Daniel Huet, élu de Saint-Benoît), ont rejeté le projet de découpage. Seuls quatre élus PS ont voté pour.
Première remarque : personne n’a contesté le bien-fondé de l’application de la parité homme-femme au sein de la future assemblée départementale.
Tout juste a-t-il été évoqué l’adage « charité bien ordonnée commence par soi-même » pour signifier qu’il aurait été plus convaincant pour le législateur de commencer par diminuer par deux le nombre de circonscriptions législatives dans chaque département afin d’aboutir à la parité à l’assemblée nationale.
Deuxième remarque : personne n’a contesté le bien-fondé d’un re découpage cantonal. Bien sûr dans le but d’avoir des populations par canton tendant à un équilibre égalitaire, mais pas dans un but égalitariste.
Il est donc vain de s’abriter derrière cet argument pour tenter de justifier le projet de découpage du gouvernement socialiste et de ses relais locaux.
Troisième remarque : si une telle passion anime les élus concernés, c’est parce qu’ils tiennent à ce que le département garde une influence sur les affaires de notre Île, notamment sur la politique sociale à mener.
Beaucoup n’osent imaginer ce que deviendrait cette politique dans l’hypothèse d’une assemblée unique dirigée par quelqu’un comme Didier Robert.
Quatrième remarque : il faut saluer la position de la présidente Nassimah Dindar qui s’est engagée à annexer à la décision de rejet du projet soumis pour avis les propositions alternatives.
Dommage que le gouvernement n’ait pas daigné consulter les élus locaux, le département notamment, avant de proposer quoi que ce soit.
Et de s’appuyer sur les socialistes locaux et ses relais n’atténue pas ce manquement à l’engagement présidentiel de rompre avec l’attitude de son prédécesseur.
Quoique le premier secrétaire de la Fédération Socialiste, Philippe Leconstant, ait déclaré n’avoir pas été informé du contenu de ce projet de découpage (sic).
Cinquième remarque : la déclaration du même Leconstant selon laquelle du temps où Charles Pasqua était ministre de l’intérieur du gouvernement Chirac, des nouveaux cantons avaient été créés en dehors de toute logique démocratique n’est pas un argument recevable.
En effet, cela signifierait que ceux qui n’ont pas protesté à l’époque seraient définitivement disqualifiés pour s’opposer à un projet actuel, même si ce projet est lui aussi injuste. Drôle de conception de la démocratie.
Sixième remarque : dans les propositions alternatives évoquées lors de cette séance plénière, il a été question de respecter l’exigence d’une représentation démographique plus juste.
Mais il a été également question de la nécessaire prise en compte du fait rural insulaire, avec des populations très importantes par rapport à ce qui existe dans les territoires ruraux et de montagne en France hexagonale.
Sur la base du nombre d’habitants. Pas du nombre d’électeurs, car à ce petit jeu, on va finir par contester un élu, et une élue, d’un futur canton selon que les électrices et les électeurs se seraient mobilisés à hauteur d’un peu plus de 50 %, pendant que dans un autre canton la participation aurait été de 70 voire 80 % !
Septième remarque : ce projet se situe dans le droit fil de la stratégie socialiste de régler le compte de la représentation rurale.
On le retrouve dans la volonté de créer des métropoles autour de l’exercice de la coopération intercommunale.
C’est ainsi que la commune de Saint-Paul revendique la moitié de la représentation de l’assemblée communautaire du TCO.
C’est évidemment la première étape avant la conquête des communes voisines par le biais de représentants « affidés » aux dirigeants Saint-Paulois.
Pour ce qui est des futurs élus départementaux, il est évident que l’intérêt de Saint-Benoît par exemple est de faire élire l’opposant de Sainte-Rose, grâce à l’appoint des électrices et électeurs bénédictins, afin qu’il envisage aux prochaines municipales de briguer le poste de maire.
À ce tarif-là, l’argument avancé d’une personne – une voix devrait conduire à n’avoir qu’une assemblée regroupant les compétences du département et de la région, et qu’une commune… voire aucune pendant qu’on y est.
C’est faire fi de l’histoire administrative qui a pesé sur la politique économique et d’aménagement du territoire, et a permis de contenir l’exode rural.
Alors, évolution oui, dissolution et fusion non !
Ci-dessous, ma tribune libre paru dans la presse dans la semaine du 9 décembre.
Tribune libre – Décentralisation, parité et découpage cantonal : un message de solidarité ce jeudi au Département ?
Et si les conseillers généraux faisaient preuve ce jeudi de solidarité envers les petites communes, afin qu’elles puissent espérer une représentation légitime au sein de la future assemblée départementale ?
Comment ?
1°- En adoptant le principe d’une représentation démographique supérieure à la moyenne départementale pour les grandes communes, afin de compenser la faible population acceptée pour les cantons regroupant au moins pour moitié la population des petites communes.
2°- En procédant au découpage sans “s’enfermer” dans une obligation de respecter des limites de circonscriptions, et des limites des cantons actuels. C’est d’ailleurs ce que s’est autorisé à faire le Ministère de l’Intérieur, dans son projet qui nous est soumis.
La loi du 17 mai 2013 prévoit en son article 46 que « … Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographique… » Et il est précisé que « il n’est apporté aussi règles édictées que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques ou par d’autres impératifs d’intérêt général ».
Il appartient ainsi aux conseillers généraux de voter unanimement ce jeudi pour une contre proposition au projet gouvernemental en soulignant la particularité réunionnaise, où il y a plus de cantons que de communes, et des « petites » communes dont la population est supérieure à celle des 3/4 des communes de France continentale.
J’entends par petites communes celles dont la population ne dépasse pas 15 000 habitants.
Les communes de Saint-Philippe, Sainte-Rose, La Plaine des Palmistes, Bras-Panon, Salazie, Trois Bassins, Les Avirons, Etang Salé, Cilaos, Entre-Deux, et Petite Île sont concernées, soit 11 communes.
La population totale de ces 11 communes est de 90 842 habitants, soit 11,12 % de la population totale de La Réunion (816 365 habitants).
Il est possible de retrouver dans la future assemblée 9 à 10 élus représentant les petites communes, soit 18 à 20 % de l’assemblée de 50 futurs conseillères et conseillers départementaux.
Pour ce faire, il serait opportun de regrouper les communes de :
– Saint-Philippe (5 100 habitants), Sainte-Rose (6 822 habitants), et la Plaine des Palmistes (5 072 habitants) dans un canton, pour une population totale de 16 994 habitants.
– Bras-Panon (11 699 habitants) et Salazie (7 406 habitants) dans un canton, pour une population totale de 19 105 habitants.
– Trois-Bassins (7 057 habitants) et une partie de Saint-Leu 2 (10 000 habitants) dans un canton, pour une population totale de 17 057 habitants.
– Les Avirons (10 455 habitants) et l’Etang Salé (13 484 habitants) dans un canton, pour une population totale de 23 939 habitants.
– Une partie de La Rivière Saint-Louis 2 (8 000 habitants), Cilaos (5 989 habitants) et Entre Deux (6 176 habitants) dans un canton, pour une population totale de 20 165 habitants.
– Une partie de Saint-Pierre 1 (9 000 habitants) et Petite Île (11 582 habitants) dans un canton, pour une population totale de 20 582 habitants.
Il appartient au Ministère de l’Intérieur de procéder au découpage des autres cantons en tenant compte de l’impératif d’équilibre démographique.
Dans un contexte où les difficultés budgétaires résultent en grande partie de l’absence d’une réelle solidarité nationale, il serait symbolique de la part des élus réunionnais d’adresser au Gouvernement un signal fort de solidarité locale envers les « petites » communes réunionnaises qui ont à assumer plus durement les contraintes financières dans un contexte économique et social préoccupant.
Pierre Vergès – Conseiller général