Le gouvernement veut-il privatiser la sécurité sociale ?

 

   Nicolas Sarkozy prépare la privatisation de la Sécurité sociale.

Le journal « Mediapart », sous la plume de Laurent Mauduit, consacre un article à cette question. Synthèse.

 

En 1996, Claude Bébéar, fondateur du groupe d’assurance Axa, somme le gouvernement  Juppé d’avancer vers des « sécurités sociales privées».

 

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Les déclarations de Denis Kessler

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En 2007, Denis Kessler (ancien numéro 2 du patronat, ancien président de la fédération française des sociétés d’assurance et actuel président de la Scor, géant de la réassurance) déclare :

 

« Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme… »

 

Et il rajoute :

 

« … à y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux.

La liste des réformes ?

C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception.

Elle est là.

Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! ».

 

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Des déclarations plus audacieuses

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En 2010,  Alain Minc explique que les personnes âgées coûtent trop cher à la collectivité et qu’il faut trouver de nouvelles sources de financement.

 

16 Novembre 2010 : Nicolas Sarkozy indique que le dossier de la dépendance serait le grand chantier de 2011, que la réforme gouvernementale serait introduite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale débattu à l’automne 2011 et serait précédée d’une grande consultation s’étalant sur six mois.

 

Nicolas Sarkozy se veut rassurant : il faut un «système juste et équitable » pour qu’une personne âgée

«qu’elle se trouve sur le territoire puisse vivre dignement chez elle ou dans une maison (…) Nous réglerons la question de la dépendance (…) et apporterons une réponse à l’angoisse des gens ».

 

Il évoque les questions «de la place des personnes âgées dans la société », « de la dignité des vieux », du sentiment des enfants « qui sont totalement démunis » face à la dépendance de leurs parents. 

 

Tout ça pour annoncer la création d’un 5e risque  «une nouvelle branche de la Sécurité sociale », la dépendance, aux côtés des 4 branches actuelles (maladie, famille, retraite et  accidents du travail).

 

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Une habile préparation de l’opinion

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Mediapart met les propos de Nicolas Sarkozy en parallèle avec ceux tenus le même jour par le même Sarkozy, non sous formes d’affirmations mais de questions :

 

« Faut-il faire un système assurantiel ?

Obliger les gens à s’assurer ?

Faut-il augmenter la CSG ?

Faut-il avoir recours à la succession quand les enfants n’ont pas la volonté ou pas les moyens ? »

 

En clair, la question de Nicolas Sarkozy est : faut-il sortir de la sécurité sociale pour faire couvrir ce risque par les assureurs privés ?

Bien évidemment, il n’y répondra pas. Tout du moins directement.

 

Car indirectement, c’est Fillon qui apporte des précisions.  

En effet, le 24 novembre, lors de la  déclaration de politique générale, le premier ministre déclare :

 

« Avec l’emploi, la sauvegarde et la modernisation de notre système de protection sociale s’imposent à nous.

Nous avons commencé avec la réforme des retraites (…).

 

Il s’agira en premier lieu de déterminer les besoins réels des personnes, d’examiner comment assurer le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible.

 

Il faudra ensuite sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ?».

 

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Une sécu à deux vitesses

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Avec ces derniers mots (assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle), Fillon  prépare les esprits à la naissance d’une autre sécurité sociale, qui s’apparente plus à un système de protection sociale à deux vitesses, avec :

 

– une protection étendue pour les plus riches qui auront les moyens de s’assurer,

– et un système pour les plus pauvres régi par la solidarité, mais ne couvrant plus tous les risques !

 

Puis c’est au tour de Roselyne Bachelot d’en rajouter une couche.

Dans un entretien au Figaro du 26 novembre, on l’interroge :

« Que pensez-vous de l’éventuelle mise en place d’une assurance privée ? »

 

Réponse de la ministre :

 

«Je ne veux pas encore me prononcer.

Le débat à venir sera aussi un débat de prise de conscience pour nos concitoyens.

Les Français devront s’exprimer sur ce qu’ils jugent être la meilleure solution.

Quelle pourrait être la part de l’assurance par rapport à la solidarité ?

Comment s’organiserait leur articulation ? ».

 

La ministre Bachelot fait également référence à un rapport déposée la députée UMP Valérie Rosso-Debor, dans lequel on peut lire deux propositions :

 

«Rendre obligatoire dès l’âge de cinquante ans, la souscription d’une assurance perte d’autonomie liée à l’âge et assurer son universalité  progressive par la mutualisation des cotisations et la création d’un fonds de   garantie.

Maintenir à titre transitoire une prise en charge publique. »

 

C’est donc bel et bien une privatisation rampante de la Sécurité sociale qui se prépare : la dépendance risque d’être le cheval de Troie des assureurs pour entrer dans le système de la couverture sociale, jusque-là dévolue à la sécurité sociale.

 

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Une opération « famille Sarkozy » ?

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Un accord devrait être conclu par la Caisse nationale de prévoyance (CNP, société contrôlée indirectement par l’Etat) et le groupe financier Malakoff Médéric, spécialisé dans la retraite complémentaire et dont le patron est … Guillaume Sarkozy, le frère du chef de l’État.

 

Ce projet est dangereux parce qu’il repose sur l’hypothèse que les régimes de retraite par répartition, ceux de la Sécurité sociale, serviront au fil des ans aux retraités des pensions de plus en plus faibles et que cela offrira aux assureurs privés un marché très rentable.

 

Non seulement les assureurs privés vont pouvoir mettre la main sur le risque de la retraite, mais en fait, s’ils jouent habilement, ils vont aussi pouvoir devenir des acteurs majeurs de tout le système de la protection sociale.

 

Comment ? Tout simplement en offrant des assurances individuelles ou des systèmes de couverture d’entreprise, qui couvriront en fait tous les risques : retraite complémentaire, dépendance.

 

De plus, les déremboursements de médicaments que le gouvernement accélère depuis 2007 permettent dans le même temps aux mêmes assureurs d’englober dans leurs  packages  des offres portant aussi sur le risque maladie, de moins en moins bien couvert par la Sécurité sociale.

 

Mediapart conclut :

 

« L’hypocrisie de Nicolas Sarkozy est donc totale, puisque un groupe à capitaux publics, la CNP, a conclu avec la bénédiction de l’Elysée un accord avec… son frère, Guillaume Sarkozy, afin de préempter dès à présent le marché alléchant de la retraite et de la dépendance ».

 

Bilan : la sécurité sociale ne serait plus qu’un ectoplasme de ce qu’elle a été, et les entreprises cotées en bourse verraient poindre de nouveaux revenus.

 

Inquiétant pour l’avenir. Plus que jamais, un profond changement est nécessaire !                                                                                                                                     

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3 Commentaires sur

Le gouvernement veut-il privatiser la sécurité sociale ?

  • ArsinoéNo Gravatar |

    A la lecture de cet article, il semble évident que l’on s’achemine vers une ‘sécu » à deux vitesses. cela ne se fera pas tout de suite, bien sûr, mais en bâtissant pierre à pierre le piège, Sarkozy sera prêt pour l’aprés 2012.
    raison de plus – s’il en fallait une autre – de ne pas voter pour lui aux prochaines présidentielles

  • EricNo Gravatar |

    Sarkozy détricote petit à petit tout ce que nos ancêtres ont bâti , après la 2e guerre mondial
    les droits sont rétrécis voire supprimés, les libertés disparaissent, les inégalités se creusent
    tout cela n’est pas réjouissant; qu’il faille des réformes parce que le monde bouge, que la société, dans sa structure, se modifie, bien sûr, mais ce n’est pas ce que fait Sarkozy.

  • Jade S.No Gravatar |

    Sarkozy est redoutable, non seulement sur le plan des idées, toutes plus insupportables les unes que les autres (éloge de la mondialisation, cadeaux aux entreprises du CAC40 et j’en passe et des meilleures)
    il est tout aussi redoutable en termes de stratégies: y aller pas à pas, dire quelque chose à travers des questions, voir s’il y a des oppositions, et s’il n’y en a pas, on continue à avancer d’un pas.
    cet homme est vraiment dangereux

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