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2013
Du 29 juillet au 31 août : rétrospective – Février 2013 : toujours aller de l’avant, mais en s’interrogeant sur sa démarche identitaire
Catégorie : RETROSPECTIVEJe serai absent pour les jours qui viennent. C’est l’occasion de vous faire partager une rétrospective de mes articles depuis deux ans. Et les informations contenues dans ces papiers ont toujours une part d’actualité. J’entends par là qu’il est intéressant de voir combien la citation de Blaise Pascal « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà » est juste.
Ainsi par exemple, la vérité sur un fait, l’indignation devant une injustice, la revendication devant un traitement inapproprié , peuvent être fortes… ou faibles voire inexistantes, selon que l’on est dans l’opposition ou au pouvoir.
Cela dit, celles et ceux qui dans ces articles sont sujets à des critiques peuvent avoir parfois montré leurs aptitudes à se remettre en cause. Comme quoi personne n’est parfait.
Enfin, j’arrête là et vous souhaite bonne lecture !
1er février 2013 – Transports et déplacements – Malgré le non-respect des règles, aller de l’avant !
Congrès d’Atexpo 30 et 31 janvier 2013 – Atelier sur les autorités organisatrices – À la tribune, Guy Le Bras, directeur du GART ; de dos, M. François Ferrieux et Mme Véronique Picard, respectivement président et directrice générale du SMTCO (Syndicat mixte des transports collectifs de l’Oise)
Ainsi soit-il !
La Région Réunion, d’après les retours d’information des services du Département qui ont rencontré leurs homologues de la pyramide inversée, aurait décidé de ne pas subventionner le matériel roulant affecté au nouveau réseau Car jaune prévu pour la décennie à venir.
Le principe d’égalité de traitement mis à mal
Tout cela est bien dommage.
En effet, j’ai eu l’occasion,dans un article paru sur mon blog le 19 décembre 2012, intitulé « Transports – Relation Département et Région : syndicat mixte… et financement des bus du futur réseau car jaune comme pour la CIVIS et la CASUD« , de vous dire combien il aurait été important pour le département de bénéficier des aides régionales au nom du projet TEE.
Écartons d’emblée une interrogation : le département était-il en droit de bénéficier de ces aides ? Absolument !
D’une part, la présidente du Département, comme les communautés d’agglomération, avait signé la convention-cadre avec la Région, première condition à l’obtention de ces aides.
D’autre part, le Département avait identifié le nombre de véhicules nécessaires au nouveau réseau, et l’avait transmis à la Région une fois bien sûr le PDT (Plan départemental des transports) approuvé.
La CIVIS a bénéficié des aides de la Région pour l’acquisition de 57 véhicules.
La CASUD a profité de l’aubaine pour 42 véhicules.
Le Département privé d’aides pour des raisons qui ne tiennent pas
Le Département pouvait prétendre à des aides pour plus d’une soixantaine de véhicules.
Ce sera zéro !
Les arguments avancés ne tiennent pas la route : ce serait les transporteurs eux-même qui auraient exprimé le souhait de renoncer à ces aides, pour profiter de la défiscalisation (!).
1ère remarque : comment avancer un tel argument alors que la procédure de DSP (Délégation de service public) pour les 10 ans à venir ne sera lancée qu’à la mi -février, et donc que les transporteurs attributaires ne sont pas encore connus ?
2ème remarque : pourquoi les transporteurs des réseaux CIVIS et CASUD auraient eu une autre position ?
3ème remarque : si pour la CIVIS et la CASUD, le choix a été fait par les élus, pourquoi pour le Département ce serait fait par… des transporteurs ?
En vérité, il semblerait que la Région ait opté pour la fin des aides au niveau requis, et la réorientation des crédits sur la… « fumeuse » route du littoral version Didier Robert.
À l’arrivée, c’est le Département qui, avec pourtant un projet de réseau Car jaune ambitieux, qui va « payer les pots cassés ».
Il y aurait de quoi s’interroger sur la réelle volonté de la Région d’encourager le développement des transports collectifs.
Tout faire pour rendre irréversible l’alternative au tout-automobile
Malgré ces traitements différenciés du Conseil Régional en faveur des AOTU et au détriment du Département, la responsabilité du Conseil général est de tout faire pour rendre irréversible l’alternative au tout-automobile.
En effet, je vous avais informé dans cet article du 19 décembre 2012 des concessions que nous étions convenus de faire dans l’intérêt général des Réunionnais.
Ainsi, malgré des raisons légitimesde faire valider les propositions en matière de transports et déplacements par des représentants de chaque échelon de collectivité, donc des communes (soit 6 pour chaque intercommunité – voir les articles du 9 décembre 2011 – Syndicat mixte de transports et TEE : la balle est dans le camp de la Région – et du 5 septembre 2011 – Transports – Syndicat mixte : gardons une attitude politique respectueuse des autres !) bien sûr désignés par l’intercommunalité à qui les communes ont confié la compétence « Transports » – la Région s’est « arc-boutée » sur sa position initiale de 2 représentants par intercommunalité au sein du syndicat mixte.
Cela signifie que 2 élus seulement de chaque communauté d’agglomération, choisi parmi les élus communautaires, représenteront et décideront pour :
– 6 communes de la CIREST (Ste-Rose, La Plaine des Palmistes, Saint-Benoît, Bras-Panon, Salazie, Saint-André),
– 3 communes de la CINOR (Sainte-Suzanne, Sainte-Marie, Saint-Denis),
– 5 communes du TCO (La Possession, Le Port, Saint-Paul, Trois-Bassins, Saint-Leu),
– 6 communes de la CIVIS (Les Avirons, Étang-Salé, Saint-Louis, Cilaos, Entre-Deux, Saint-Pierre),
– 4 communes de la CASUD (Le Tampon, Petite Île, Saint-Joseph, Saint-Philippe).
Viser une politique à la hauteur des exigences d’un espace insulaire contraint
J’ai déjà eu l’occasion de souligner que le syndicat mixte n’est qu’un outil au service d’une politique visant plus loin, plus haut : l’intégration des transports et déplacements dans un système global à l’échelle de l’Île, pour une véritable alternative à la voiture individuelle.
Tôt ou tard se fera sentir la nécessité d’influer sur les politiques de circulation et de stationnement, et de généralisation des offres de modes doux de déplacements.
Ces domaines importants relèvent de la compétence des communes : il est donc fondamental de les associer en amont à la décision.
Mais le Département a décidé, au nom de l’intérêt général, d’accepter que le syndicat mixte ne comprenne que 14 représentants (2 pour chaque AOTU, 2 pour la Région, et 2 pour le Département).
En contrepartie de quoi il est prévu, en accord avec la Région, qu’un collège de 42 membres, soit 6 par AOT, puisse être reconnu comme organe consultatif.
Dans cette perspective, il est évident que les deux élus appelés à représenter leur AOT au comité décisionnel du syndicat mixte ne sauraient être en même temps des élus au sein de l’organe consultatif.
À titre d’illustration, le Département, comme les autres AOT (Région, CIREST, CINOR, TCO, CIVIS et CASUD), devrait en assemblée plénière désigner 2 conseillers généraux appelés à siéger au Comité décisionnel du Syndicat mixte, et 6 conseillers généraux appelés à siéger au sein du comité consultatif.
Savoir faire preuve de sagesse et prendre de la hauteur
Actuellement en mission pour le compte du Département, j’ai eu l’occasion de mesurer le chemin qui reste à parcourir avant que notre Île ne s’engage résolument dans un processus irréversible vers un système de déplacements durables.
Les échanges lors d’un atelier du GART (Groupement des autorités responsables de transports), et lors du Congrès d’Atexpo, montrent que nous avons à rattraper un singulier retard, dans des conditions plus défavorables.
Conditions plus défavorables parce que :
– d’une part, le contexte économique et social nous astreint à des efforts financiers « raisonnables », c’est-à-dire pas vraiment à la hauteur des exigences éco-durables ;
– d’autre part, nous sommes dans un contexte géographique difficile, insulaire, au relief accentué, avec des difficultés d’étendre un réseau routier déjà saturé.
J’ai trop souffert de postures politiciennes et irresponsables de décideurs qui ont démoli des projets porteurs comme celui d’une infrastructure ferroviaire tel le Tram Train, pour vouloir « singer » ces personnes dans un « esprit revanchard ».
C’est pourquoi j’adhère à la position de la présidente du Département qui, lors de la présentation de ses voeux à la presse en début de semaine, a souhaité que le syndicat mixte de transports de La Réunion voit le jour dans les semaines qui viennent.
J’émettrai simplement un vœu subsidiaire : que le principe d’égalité de traitement entre les partenaires soit une préoccupation partagée, ouvrant la voie à une saine émulation pour faire triompher les déplacements durables, sans qu’un des partenaires ne veuille imposer son leadership.
15 février 2013 – Lu sur Caraïbes News : Faut-il défranciser notre créole, ou décréoliser « notre » français ?
Avec ce 4éme article, le mardi 12 février 2013, Jean Bernabé continue pour CCN sa réflexion sur « le rassemblement solidaire du peuple martiniquais à l’épreuve de la créativité
Le développement progressif de l’instruction publique a conduit à une amplification de la francisation linguistique de la Martinique, même s’il n’est pas évident que l’ancrage des larges masses populaires dans la langue française soit à ce jour parfaitement bien établi.
Il n’empêche, la connaissance du français, qui constitue une indiscutable avancée, est de nature à entraîner également une francisation de la langue créole, dont la dynamique créative se trouve objectivement prise de court, voire court-circuitée, par la nécessité pour cette langue encore jeune d’aborder des domaines d’emploi auxquels sa jeunesse et son origine paysanne ne l’avait pas accoutumée.
Dans cette chronique, j’ai précédemment évoqué le fait que le déficit de vocabulaire du créole confronté à l’expression de réalités nouvelles ne peut être compensé par de pures créations individuelles qui ne tiendraient pas compte de la dynamique créative du créole.
Mais faut-il encore être en mesure de se raccorder à cette dynamique, sans laquelle la communication entre les créolophones ne peut véritablement opérer.
C’est dire l’importance des journalistes et autres professionnels des médias audiovisuels dans la relance de la créativité linguistique du créole et dans la lutte contre la de créolisation (ou perte de la substance du créole).
Leur formation constitue à cet égard une impérieuse nécessité !
En réalité, les problèmes de la décréolisation, quoi qu’on puisse penser de ce concept, dissimulent une faille dans la cohésion du peuple martiniquais
(pour ne parler que de lui, car, en cette circonstance marquée par une volonté politique de changement de la donne actuelle au sein du pays Martinique, je ne m’autorise pas à parler des autres peuples créolophones!).
Certes, le terme « décréolisation » peut porter à controverse, dans la mesure où le vocabulaire créole s’est constitué en majeure partie sur la base du français, sa « langue lexicalement pourvoyeuse », selon l’expression en vigueur chez les linguistes.
Je crois néanmoins qu’un effort s’avère nécessaire en vue de ce que j’appelle un « reprofilage » du créole.
Ce processus, que j’appelle de mes vœux et auquel je travaille, est à la hauteur des enjeux qui interpellent non seulement la créativité mais aussi la cohésion du peuple martiniquais, dont on ne saurait, par ailleurs, ignorer ni minimiser les liens linguistiques qui l’unissent à d’autres peuples de la Caraïbe, voire de l’Océan Indien.
Cela dit, même si, au cœur de cette problématique complexe, mon propos peut sembler paradoxal, il n’est question, j’y insiste, ni de stigmatiser la langue créole telle qu’elle est parlée aujourd’hui, ni non plus ceux qui la parlent, telle qu’ils la parlent.
Mieux vaut en effet parler un créole tjòlòlò, que de ne pas du tout parler créole.
Car une langue morte est une langue qui n’est plus parlée !
Et qui donc, se comportant en « linguicide », pourrait avoir le fantasme de voir disparaître les créoles ?
Appréhender cette dynamique créative
Poser la thématique de notre créativité linguistique revient à poser la question de l’auto-mobilisation du peuple martiniquais en vue de deux objectifs majeurs parmi d’autres.
Il s’agit :
– d’une part, l’appropriation optimale de la langue française (pas aussi bien installée qu’on le croit dans notre pays, en raison des problèmes endémiques d’une Ecole qu’il convient de sérieusement réformer, notamment en tenant compte des avancées mondiales de l’éducation alternative)
– et, d’autre part, objectif crucial, voire prioritaire, la réappropriation de la langue créole.
Soyons clairs : procéder à une défrancisation du créole correspond à une démarche politique recevable à condition que ladite défrancisation n’ait pas pour fondement idéologique le rejet du français (ce qui serait une aberration) et la pérennisation d’un conflit entre nos deux sphères (créolophone et francophone) d’expression et de communication.
Nos deux langues, quoiqu’inscrites dans une histoire tragique, n’en constituent pas moins, redisons-le, des éléments incontournables de notre personnalité culturelle.
Il n’empêche, la critique du processus de plus en plus accéléré de francisation du créole constitue une démarche particulièrement problématique et complexe.
Elle ne trouve sa légitimité que dans le constat selon lequel ce phénomène constitue une solution de facilité imposée par le déficit du vocabulaire créole dans sa confrontation aux réalités du monde moderne.
Autrement dit, chercher à défranciser le créole, c’est non pas s’inscrire dans une « francophobie » (ou rejet du français), mais faire le pari d’une créativité créole relancée.
L’esprit du rassemblement solidaire
On l’aura compris, seule une dynamique collective en lien avec les ressources (en créole : « bwadèyè » ou encore « doukoué ») de la langue pourra conduire à une créativité renouvelée des créolophones dans la gestion de leur énonciation langagière.
La dynamique ne pourra être mise en œuvre qu’à partir d’une vision stratégique du genre de celle que propose le mouvement Kolétetkolézépol.
D’où la nécessité d’une mise en exergue généralisée des ressources (réelles ou potentielles) du créole, dans le cadre d’une pratique que je qualifie de reprofilage.
Une gageure, un pari, un enjeu, un espoir.
Mais aussi un atout pour l’épanouissement de la personnalité culturelle martiniquaise dans une dignité et une confiance en soi accrues !
L’urgence à traiter les problèmes inhérents à notre relation au créole me conduira dans le prochain article à mettre en évidence quelques aspects des richesses inutilisées de cette langue.
Inutilisées parce que méconnues, d’autant que cette langue est souvent considérée comme à jamais inappropriée à l’expression des réalités complexes du monde moderne.