Tribune libre – Propositions du groupement Alternative Transport Réunion – ATR à la Conférence Economique et Sociale

 

  Mesdames et Messieurs les membres de la Conférence Economique et Sociale,

 

Nous avons l’honneur de vous soumettre notre contribution à vos travaux. 

Notre collectif s’est mobilisé pour une alternative à la nouvelle route littorale en mer dès la consultation organisée par la Région qui a précédé l’enquête publique préalable à sa DUP.

 

Ce projet structurant essentiel porte malheureusement en lui des périls pour l’aménagement et l’environnement de l’île sur lesquels nous voulons ici attirer votre attention.

Sa portée sociale et économique est tout aussi contestable.

 

Des alternatives sont encore possibles à ce projet très mal engagé.

Enfin en tant qu’association nous sommes sensible au thème d’une nouvelle gouvernance qui nous le souhaitons, offrira au mouvement associatif plus d’opportunité de collaboration avec les instances décisionnelles.

 

  1. Pour un aménagement durable du territoire 

 

Notre groupement s’est constitué pour rechercher une alternative à ce projet de liaison littorale dont l’évolution récente montre

d’une part qu’il n’est pas la réponse adaptée aux attentes des usagers de la route,

et d’autre part qu’il va s’avérer excessivement coûteux, au point de compromettre durablement toute réalisation de transports multimodaux dans le reste de l‘île.

 

La question de la liaison littorale nord-ouest par le franchissement de la falaise et du Cap Bernard pose aux habitants de notre île un problème qui, plus de trois siècles après les débuts de son peuplement, n’a toujours pas reçu de réponse définitive satisfaisante.

 

Selon Louis Maillard (1862), il faut faire remonter à 1720 le premier sentier ouvert entre Saint-Paul et Saint-Denis – trace, dit cet auteur, d’un « premier travail d’intérêt général » qui fut par la suite prolongé jusqu’à la rivière des Marsouins.

 

Ce fut aussi le premier tronçon de ce qui allait devenir, entre 1735 et 1808, le premier « chemin de ceinture » de l’île d’une longueur de 207,32 km qui s’étendait entre le niveau de la mer et un point d’altitude d’environ 500 m.

 

Le franchissement de la Montagne à fait l’objet de plusieurs tentative de franchissement :

  • tunnel Vauboulon 1690 inachevé,
  • chemin pavé dit des anglais 1730,
  • chemin Laugier 1873,
  • route Huber Delisle futur tracé du CD41,
  • le chemin de fer 1881,
  • la route nationale à 2 voies en pied en falaise en 1963.

 

Enfin la 4 voies actuelle en 1973 dont le scénario avait été préféré, peut-être trop hâtivement, à une solution par les hauts dite Hugot et à l’option du tunnel routier par le bas …

 

Près de trois siècles plus tard après le premier chemin de ceinture, nous en sommes encore à chercher quelle pourrait être la meilleure voie de passage pour franchir cette montagne.

 

Cet état de fait devrait inciter à la plus grande des modesties.

 

Malheureusement, ce n’est guère la modestie qui semble avoir inspiré les promoteurs du projet dit “Nouvelle Route Littorale” : ni dans sa configuration (2×3 voies, en mer !), ni dans son coût, ce projet ne semble de nature à apporter une solution adaptée à la question des transports entre l’ouest et le nord de l’île.

 

Cette route, si l’on en croit la Région, devait être « moderne, gratuite et sécurisée ».

 

Moderne ? Peut-on se vanter de “modernité” quand la sophistication des techniques requises tire le projet de route en mer vers une dimension  “ monstrueuse” sans pour autant le soustraire aux pires risques et aléas océaniques ?

 

Gratuite ? Avec un coût annoncé de 1,6 milliard déjà largement dépassé et avec l’obligation d’un entretien permanent ruineux, le plus vraisemblable est que les générations présentes et à venir – y compris ceux et celles qui n’emprunteront jamais la route – auront à en payer la facture par leurs impôts… – et avec nos seules ressources insulaires !

 

En fait de Sécurité, l’ensemble du projet – tant dans sa durabilité que dans sa solidité – est encore plus soumis aux menaces océaniques que ne l’étaient les solutions précédentes.

 

Les digues seront toujours à la merci de la houle marine (“trous de renard” et dégradation des enrochements protecteurs), tandis que le viaduc sera constamment la proie des lames de nos hauts fonds.

 

De plus, le projet initial ne tenait pas compte de l’élévation du niveau de l’océan causée par un réchauffement climatique d’amplitude encore méconnue.

 

Peut-on aujourd’hui nous assurer que le coût déjà élevé de sa rehausse d’un mètre soit suffisant pour faire face à l’incertitude des effets du réchauffement.

 

De tout cela il apparait que le projet actuel en mer se révèle à la lumière des études toujours en cours, inflationniste du fait des surenchères sécuritaires successives et postérieures à sa DUP. La Région ne pourra plus longtemps masquer le dérapage des coûts qui l’éloigne du projet initial.

 

Nous demandons que les solutions routières alternatives à ce projet monstre – route par les hauts et tunnel – écartées sans justification suffisante et trop hâtivement lors des précédentes consultations publiques, soient reprises sérieusement.

 

  1. Ce projet de route en mer est désastreux pour l’environnement 

 

L’impact environnemental du projet est à la démesure d’une 2×3 voies en mer !

 

La Région comme l’Etat, promoteurs du projet, ont pourtant été alertées très tôt par toutes les instances compétentes consultées ou non :

 

Lors des premiers débats qui ont eu lieu sur les impacts environnementaux de la NRL, des voix se sont élevées pour demander que soient pris en compte :

 

– les impacts sur la falaise (modifications des conditions hydrostatiques)

– les impacts sur le milieu marin

– les impacts sur les carrières (sédimentologie et procédure “loi sur l’eau” + déplacement des matériaux)

– les espèces protégées

(extrait du compte rendu de la Commission départementale de la Nature, des Paysages et des sites, 16 août 2011)

 

Malgré cela, les conséquences de l’altération du milieu marin (courants, faune et flore) par ce projet demeurent toujours minimisées.

 

De même l’extraction sans retenue des matériaux pour digues et béton, se fera dans une proportion encore jamais vue (Plus de 11 M m3 pour l’ensemble des travaux, soit 4 fois la production annuelle ordinaire).

La Région peine d’ailleurs à trouver les carrières suffisantes sur l’île.

 

Ce projet met en danger nos ressources limitées et notre biodiversité.

Dans un écosystème insulaire déjà fortement fragilisé, cette route majeure tourne manifestement le dos au développement durable.

 

Que dire de l’impact paysager quand un tel projet monumental écrase les sites par ses dimensions et compromet définitivement la réhabilitation des sites historiques de La Grande Chaloupe (débarcadère et Lazaret) ?

 

Les deux votes de la commission l’on affirmé :

 

la formation dite “de la nature” a été majoritairement défavorable (6 contre/5 pour ; 1 abstention) ;

la formation dite “des sites et des paysages” n’a pu se départager ( 5 contre 5 ) qu’avec la voix prépondérante du Préfet qui la présidait.

 

Enfin le projet est aujourd’hui attaqué sur le terrain juridique par le groupe Alliance de l’opposition Régionale tandis que la sénatrice EELV de Seine-St-Denis Aline Archimbaud, a interpellé le sénat sur les conséquences et la pertinence de ce projet.

 

  1. Sa portée économique et sociale est surestimée voire illusoire 

 

Un des arguments le plus fréquemment allégués pour pousser à la réalisation d’un projet aussi hasardeux est celui de l’emploi : comme si le maintien sur 6 ans de 1.200 ou 1.500 emplois était de nature à soulager la pression sociale causée par le manque de 150.000 emplois à La Réunion !

 

Soit à peine 1 %  de nos attentes sans garantie de recrutements locaux.

Evidemment on nous dira que c’est mieux que rien sans doute.

 

Le projet de NRL ne constitue en rien une réponse viable dans un contexte économique et social marqué par un taux de chômage d’au moins 30%.

 

À ce niveau d’investissement, on est en droit d’attendre d’une part la création d’emploi pérenne par le réemploi des 400 postes formés et d’autre part un cercle économique vertueux par la création et le développement de nos entreprises.

 

Or contrairement à l’affirmation des promoteurs du projet, le découpage en 25 lots ne garantit aux entreprises locales ni l’accès à ce marché ni l’emploi aux Réunionnais.

 

Les entreprises locales, dans leur grande masse, seront exclues – sauf à postuler comme sous-traitantes pour des travaux périphériques…

 

Les entreprises européennes, héritière d’une économie tertiaire post industrielle, ayant acquis en outre leur expérience sur un plus grand territoire, seront toujours mieux placées pour remporter les marchés.

Peut-on espérer qu’elles réinvestissent leurs bénéfices sur place ?

 

Le facteur « emploi » d’un tel projet serait la création d’une filière pérenne : si les 400 emplois formés trouvaient à se réemployer une fois le chantier fini ; si l’activité directe financée parvenait à créer les conditions du développement d’une activité identique ou similaire.

 

La stratégie de formation a été guidée par les choix technologiques du projet alors qu’il aurait été préférable de choisir le projet en fonction des savoir-faire disponibles.

 

En réalité, cet « objectif emploi » ne peut être atteint, dans un chantier de la dimension de la NRL, que s’il intervient très tôt dans la prise de décision, avec les choix en matière de formation.

 

Ce projet, parce qu’il ne s’est préoccupé de l’emploi qu’en bout de chaîne, présente en réalité de piètres garanties et bien peu de solutions intéressantes.

L’objectif d’une consolidation des formations déjà acquises dans l’île par des spécialisations nouvelles a été négligé.

 

Ce projet donne l’impression d’avoir été « choisi sur catalogue » – un viaduc défiant la nature, une prouesse technique comme ailleurs – sans s’appuyer de façon pragmatique sur les forces productives réunionnaise.

 

Il génèrera encore une fois des emplois non pérennes accessoires aux besoins des entreprises nationales qui, elles,  emporteront les deux « macro lots » promis qui absorberont près des 2/3 du budget.

 

  1. Sur la question de la Gouvernance locale 

 

Notre association est née d’un sursaut citoyen devant un projet de liaison routière – la Nouvelle Route Littorale ou Route en mer – qui nous paraît disproportionné et inadapté tant aux objectifs qu’à nos moyens.

 

Notre but est d’apporter une réflexion alternative en matière d’aménagement, de déplacements et de transports, dans une visée d’intérêt général.

 

À cette fin, nous espérons prendre une part active au débat citoyen, en suscitant une prise de conscience la plus large possible.

Le projet actuel est-il, comme le veulent ses promoteurs, « moderne, sécurisé et gratuit » ?

 

Nous apportons des éléments de réflexion qui permettent de douter sérieusement de la faisabilité de ce projet comme de sa fiabilité et qui, en conséquence, réclament une révision rapide.

 

Sur la gouvernance, d’une façon générale, pour permettre une réelle participation des associations et des citoyens aux décisions les concernant, nous proposons que soit mis en place un dispositif permettant de valoriser les initiatives des associations, stimulant ces dernières dans leur rôle de ferment démocratique.

 

Les associations prennent en effet comme la presse une part grandissante dans le débat d’une démocratie participative.

Comment faire reconnaître leur travail de proposition ?

 

Nous proposons à votre Conférence de proposer au gouvernement la mise en place d’une instance consultative regroupant les associations dans une chambre « consulaire », un conseil des sages…

 

Ainsi les associations – siégeant dans une instance reconnue – seraient valorisées et responsabilisées dans leurs projets.

Cette instance permettrait au mouvement associatif multiforme de trouver un lieu d’échange permanent avec les collectivités publiques.

N’importe quel individu ou association pourrait saisir cette instance.

  

Pour le Groupement Citoyen

ALTERNATIVES TRANSPORTS REUNION – ATR

Bruny PAYET

bruny.payet@live.fr

 

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2 Commentaires sur

Tribune libre – Propositions du groupement Alternative Transport Réunion – ATR à la Conférence Economique et Sociale

  • georges de LourtiouxNo Gravatar |

    Bravo pierre la tu me fais plaisir depuis le temps qu’on aurait dû le dire c’est bien raisonne dans ce sens ça prend vraiment tout un sens un réel développement de la réunion prendra tout sont sens si la route passe par la montagne
    Georges de Lourtioux

  • Pascal LegleyeNo Gravatar |

    Le projet du tram-train était un bon projet pour l’avenir du département -région Réunion. Il posait les jalons des solutions de l’après pétrole et s’ouvrait sur les énergies renouvelables. Il n’en est pas de même du tout essence -gaz-oil . Le chois de son abandon était uniquement politique-méprisable car partisan et au mépris de l’intérêt général.

    J’ai vu la construction de l’actuelle route en corniche et je vois l’usure des tétrapodes et leur remplacement périodique : c’est un indice mesurable de l’érosion marine.

    Il n’est pas bien sorcier de prévoir le sort des piliers et des digues du projet de l’actuelle région. Une simple règle trois (un benêt peut le faire) montre que nos enfants auront à souffrir de ce mauvais choix.

    Les actuels locataires de la pyramide sont-ils à ce point des nigauds ?

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