Courrier de lecteur – La 6ème République : un enjeu réunionnais

 De scandale, l’affaire Cahuzac devient  crise politique.

Ce scénario n’avait pourtant rien d’évident.

 

Repensons aux 45 millions d’euros offerts rubis sur l’ongle à Bernard Tapie, au titre du « préjudice moral » sur les instances d’une ministre et – peut-être – celles du président de la République.

 

Avec ses quelques millions placés sur un compte en Suisse, l’ex ministre du Budget ferait presque figure de gagne-petit.

 

Quant au « mensonge », il n’est exceptionnel que par son aveu…

 

Spirale du désenchantement


C’est moins dans les faits eux-mêmes, que dans le contexte où ils s’inscrivent, que les scandales trouvent leur dynamique.

Ici, la disgrâce de M. Cahuzac, va-t-en-guerre de la rigueur, coïncide avec un désenchantement fortement médiatisé envers la politique de François Hollande.

 

L’affaire dévoile de surcroît un réseau de connivences liant l’ancien ministre socialiste au Front national – c’est un lepéniste influent qui a ouvert le compte – et à l’UMP, dont vingt députés demandent l’amnistie fiscale.

 

Ainsi est renforcée l’intuition populaire d’un establishment d’argent et d’affinités, en surplomb des clivages partisans.

Et cette fois, on voit que les « anti-systèmes » proclamés en croquent eux aussi.

 

La spirale gagne en puissance, avec la mise en cause de ministres emblématiques tels que Pierre Moscovici et Laurent Fabius et, par ricochet, celle du Président de la République : le directeur de la fameuse campagne du « changement » vient d’être épinglé par la presse comme « client » d’un paradis fiscal…

 

Vers la crise de régime ?


« Personne ne contrôle un scandale », dit le sociologue.

Et nul ne peut prédire que la crise politique deviendra crise de régime.

Il n’en reste pas moins que cette issue n’est plus, aujourd’hui, inimaginable.

 

La désacralisation de la fonction présidentielle, accentuée par Nicolas Sarkozy et achevée par un Hollande pris dans la morne koljak de la normalité ; les défaites consenties sur le front social, à Florange, PSA et ailleurs ; le renversement par la rue de gouvernements européens (Slovénie et Bulgarie)…

 

Ce qui n’était pas concevable peut être conçu : un renversement de l’ordre des choses.

Renversement de la routine politique : élections-déception-alternance-élections.

Renversement des dogmes du désengagement de l’Etat et de l’austérité…

 

Saisir l’occasion

 

Jean-Luc Mélenchon appelle pour le 5 mars prochain à marcher sur Paris, pour la 6e République.

 

Forgée par Maurice Duverger dès 1962, l’idée d’une « 6e » avait été portée par François Mitterrand…qui n’eut guère de mal, entré à l’Elysée, à endosser un costume dans lequel il admit qu’il « se sentait bien ».

 

Repris par Arnaud Montebourg, le thème de la 6e est aussi au centre du projet porté par le Parti de Gauche.

 

A La Réunion, c’est notamment en réaction à la Ve République et à son aspiration au pouvoir personnel que les dirigeants de la Fédération réunionnaise du PCF ont créé en 1959 le Parti communiste réunionnais, qui dominait à gauche dans le pays jusqu’aux récents scrutins.

 

D’ailleurs, la place de La Réunion dans l’ordre institutionnel républicain a-t-elle jamais cessé d’être au cœur du jeu politique réunionnais, ne serait-ce qu’en filigrane ?

 

Un verrou à faire sauter


On ne cesse de le répéter dans notre île : notre modèle politique et économique est à bout de souffle, coupé de son environnement géographique, 52% des Réunionnais sont pauvres et presque 40% sont chômeurs.

 

Pourquoi ne pas constater, aussi, que ces limites au « modèle » se trouvent inscrites dans les institutions elles-mêmes ?

 

L’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution, qui interdit à la collectivité ultra-marine de La Réunion – et à elle seule ! – de prendre des mesures dans le cadre de l’habilitation, n’est qu’un premier verrou à faire sauter.

 

C’est dire que la revendication d’un cours nouveau ne pourra aboutir dans l’édifice vermoulu d’aujourd’hui ; que le cadre rénové dont l’on parle tant ne pourra être construit en bricolant des planches cariatées.

 

Un horizon réunionnais


A l’horizon d’une République sociale, se profilent les grandes mutations que nous sommes nombreux à pressentir et qu’il convient d’ouvrir au débat : la protection de nos productions, pour que prospère notre agriculture et que renaisse notre industrie.

 

La nationalisation des monopoles et leur réunionnisation, sous la direction des salariés, des consommateurs et des élus, pour mettre fin aux tarifs abusifs.

Le contrôle des prix et des loyers, pour en finir avec les extorsions organisées et légalement garanties.

 

La personnalité juridique internationale, pour établir avec les Etats voisins un régime d’échange fondé sur l’égalité et non plus la prédation de leurs ressources.

Une responsabilité accrue des Réunionnais, pour le développement du bilinguisme et le rayonnement de la culture réunionnaise…

 

Dès lors, devrions-nous, aujourd’hui, avancer ici aussi le mot d’ordre de 6e République ?

Nous en sommes convaincus : nous n’avons à y perdre que notre retard et nos blocages.

 

Soyons au rendez-vous du 5 mai !

Geoffroy Géraud Legros

<http://www.7lameslamer.net/_Geoffroy-Geraud-Legros_.html>

 

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