Identité Réunionnaise – « Tous étrangers à La Réunion pour mieux être Réunionnais quelque part »

 Un courrier des lecteurs a particulièrement retenu mon attention, car il met en débat un sujet qui trop souvent « dérape » : « qu’est-ce qu’être Réunionnais ? ».

 

Sujet ô combien difficile à appréhender compte tenu notamment de la situation économique et sociale.

 

Ainsi, on entend trop souvent que la résolution à nos problèmes résulterait du renvoi des « étrangers », perçus d’abord comme étrangers de nationalité, ensuite et bien vite visuellement comme étrangers de peau, de couleurs, d’habillement et de cultures.

 

On entend aussi, parfois pour « légitimer » la position que je viens d’illustrer, que « celui qui vient du froid » est le premier des coupables… même si celui-ci a déjà des origines réunionnaises, ou revendique la possibilité d’en avoir demain. Cela lui serait-il interdit ?

 

C’est pourquoi il est intéressant d’avoir des contributions qui élèvent le débat sensible sur l’identité Réunionnaise, tant il est vrai que ce n’est pas simple de cerner les contours de cet identité.

 

Les contours ? Et les limites ? Y en a-t-il ?

 

Je me rappelle de la formule que j’avais employée à l’occasion de la campagne de l’IRT (Île de La Réunion Tourisme), lorsque j’en étais le président avant 2010. 

 

C’était à propos de la présentation du slogan « Chez nous, vous êtes chez vous », comme pour marquer l’une des qualités réunionnaises, celle de l’hospitalité.

 

Certains m’avaient à ce sujet exprimé leurs réserves en disant qu’il ne faudrait pas que ces touristes traduisent cela comme une autorisation de « prendre leurs aises ».

C’est vrai qu’il existe partout des « esprits tordus »… mais quand même !

 

La formule que j’avais employée était celle-ci, m’appuyant sur la formation de peuplement de notre Île, et la parole réunionnaise que nous devons délivrer au monde :

« Nous somme tous des étrangers à La Réunion pour mieux être des Réunionnais quelque part ».

 

« Quelque part » signifiant « dans quelque endroit de la planète, y compris et surtout à La Réunion », mais aussi « d’une certaine façon ».

 

Ci-dessous la contribution de Patrick Singaïny (les caractères en gras, et parfois avec soulignement, sont de moi. Que l’auteur veuille bien m’en excuser)

  

« On ne naît pas Réunionnais, on le devient »

 

La Réunion sera toujours une terre d’immigration : il y aura toujours des étrangers à intégrer en terre réunionnaise (intégration ne saurait être confondue avec assimilation).

 

Les étrangers que je désigne ici sont ceux qui ne sont pas de culture réunionnaise et sont citoyens de la Nation… comme le sont également les Réunionnais.

Ainsi, de même qu’il est communément admis que les Mahorais et les Malgaches sont étrangers, les Hexagonaux le sont aussi.

Mais ce qui est le plus important à souligner est que certains réunionnais ne sont pas réunionnais bien qu’étant de culture réunionnaise.

 

« On ne naît pas Réunionnais , on le devient » est une curieuse affirmation qui signifie simplement que, 

de même qu’il existe un « projet France » – un projet universel d’intégration qui s’articule autour de la  fameuse devise tripartie (Liberté, Egalité, Fraternité) – 

il existe selon moi un projet Île de la Réunion qui  prend racine dans la devise française mais qui voudrait transformer d’emblée l’exigence d’égalité en désir d’équité 

car ici, de façon plus aigue qu’ailleurs, l’on sait où mène cette tentation abusive qui consiste à transformer l’autre jusqu’à le faire disparaître : 

« je veux que tu sois non pas mon égal mais comme moi, ainsi tu ne seras plus toi ».

 

Le désir d’équité prend racine dans la recherche du Semblable chez l’autre.

J’aime à penser que notre terre a été initialement labourée par les Anciens de telle sorte qu’elle puisse en faire son exigence fondamentale.

 

Alors, selon moi, un Réunionnais devrait être celui qui recherche avant tout ce caractère semblable chez l’autre.

 

Brandir une réunionnité qui exclut ira toujours à l’encontre de ce pourquoi nos ancêtres se sont battus : la fin d’un système de pensée qui divise, racialise et infériorise.

 

Mais, cela ne veut pas dire que la recherche du semblable chez l’autre ne va pas sans l’exigence chez ce même autre d’un élémentaire respect quant à l’apport du peuplement historique.

 

Ainsi, tout citoyen vivant en terre réunionnaise se doit de

respecter l’apport du peuplement historique –us et coutumes- et de

s’efforcer d’apporter sa pierre à la pérennisation du projet « Île de La Réunion »

en le rendant compatible avec son apport personnel, que l’on soit de culture réunionnaise ou venant d’une autre culture (hexagonale, mahoraise, malgache etc.).

 

Si vous allez vous promener à Saint-Denis, je vous invite à vous rendre à la Villa Angélique située à la rue de Paris, en face de l’artothèque et du musée Léon Dierx.

 

Vous y verrez une exposition* d’une artiste-photographe, Séverine Chauveau, qui vit et travaille à La Réunion depuis près de 20 ans.

Vous vous apercevrez que les images de Séverine Chauveau ne jugent pas, ne racialisent pas et ne folklorisent pas : elles sont paradoxalement réunionnaises.

 

Il ne s’agit pas d’images seulement esthétiques.

Il ne s’agit pas d’images appauvries (qui ne font qu’illustrer un message comme celles que fabrique le monde de la publicité ou de la communication).

Il s’agit d’images qui sont d’authentiques œuvres : elles interrogent d’emblée à la fois l’humain dans sa genèse et l’ensemble de la société réunionnaise dans son  évolution sociétale.

 

« On ne naît pas Réunionnais, on le devient » signifie qu’il faut mériter pour l’être et se montrer particulièrement exigeant envers soi-même. Etre Réunionnais est un état d’esprit.

 

Saint-Denis, 19 février 2013.

 

* J’ai effectivement vu cette exposition.

Elle appelle de ma part quelques impressions que j’ai ressenties.

D’abord, la présence d’une enfant dans les paysages photographiés témoigne de la fusion très forte entre les territoires et les populations à La Réunion.

Sur la 3ème et la 4ème photo, mon imagination m’a conduit à voir respectivement des morceaux d’arbres illustrant une tête de chat et une tête de biche.

Et sur celle posée au pied de l’escalier de cette belle villa, la relativité de l’être humain, grand et en même temps petit, lorsque de petites fleurs devant la… petite fille apparaissent comme des lilliputiens.

En tout cas, bravo à Séverine Chauveau.

 

Un dernier mot. 

 

La contribution de Patrick Singaïny m’a remis en mémoire le résultat d’une démarche exemplaire que nous avions conduit lorsqu’il s’est agi de trouver une mascotte au projet Tram Train.

Nous avions opté pour un concours national, et reçu 317 propositions, de participants de tous âges (le plus jeune participant au concours avait 8 ans et le plus âgé 67), venant de La Réunion, de France continentale ou encore du Burkina Faso.

Un jury de citoyens résidant à La Réunion (composé de conseillers régionaux, d’administratifs des services du tram-train et de la Région, d’enseignants, de journalistes et d’usagers des transports en commun), qui devait juger des œuvres sans connaître l’identité des auteurs. 

Et c’est une zoreille « pur jus », Béatrice Bourloton, amoureuse de notre île sans jamais y avoir mis les pieds, qui a remporté le concours.

La mascotte appelée Zéko était née de cet amour pour notre Île 

 Conférence de presse pour présenter la participation de la SR21, chargé de la communication du projet Tram Train, au Téléthon (sur la photo, de g. à d., Noël Thomas, Francis Touchard, sa mère Yvonne Touchard, Pierre Vergès et Gérard Sangaria. En arrière plan, Zéko, la mascotte du Tram Train)

 

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1 Commentaire sur

Identité Réunionnaise – « Tous étrangers à La Réunion pour mieux être Réunionnais quelque part »

  • kalouNo Gravatar |

    J’aime à penser que notre terre a été initialement labourée par les Anciens de telle sorte qu’elle puisse en faire son exigence fondamentale.
    Le désir d’équité prend racine dans la recherche du Semblable chez l’autre. –
    Mais, cela ne veut pas dire que la recherche du semblable chez l’autre ne va pas sans l’exigence chez ce même autre d’un élémentaire respect quant à l’apport du peuplement historique.
     
    -Brandir une réunionnité qui exclut ira toujours à l’encontre de ce pourquoi nos ancêtres se sont battus : la fin d’un système de pensée qui divise, racialise et infériorise.
    Ainsi, tout citoyen vivant en terre réunionnaise se doit de
    respecter l’apport du peuplement historique –us et coutumes- et de
    s’efforcer d’apporter sa pierre à la pérennisation du projet « Île de La Réunion »
    en le rendant compatible avec son apport personnel, que l’on soit de culture réunionnaise ou venant d’une autre culture (hexagonale, mahoraise, malgache etc.).
     On ne naît pas Réunionnais, on le devient » signifie qu’il faut mériter pour l’être et se montrer particulièrement exigeant envers soi-même. Etre Réunionnais est un état d’esprit.
     
    j’ai pris note j’aime aussi, à penser c’est comme ça je vois la Réunionité. Et je fais mienne et j’ai toujours pensé comme ça. Mais, un détail que vous n’avez pas associer l’histoire dans notre construction car l’histoire nous appartient et nous détermine et nous identifie.Et c’est là aussi, qu’on retrouve non pas notre réunionitémais notre identité.

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