Oubli pa nout’ racine : gadiamb 20 désamb pou nou toute !

  Le 11 octobre 1991, alors maire du Port, j’inaugurais le chantier de construction de la Médiathèque qui portera, à ma demande, le nom de Benoîte Boulard.

J’y attachais une grande importance à plus d’un titre.

 

D’abord parce qu’au moment où la ville poursuivait sa politique volontariste en faveur de l’épanouissement de l’identité réunionnaise, il m’avait semblé fondamental qu’un établissement ouvrant à la connaissance porte le nom d’une femme comme Benoîte Boulard.

 

Une femme courage qui a connu les moments difficiles de la vie des plus défavorisés au sortir de la période coloniale, et n’a donc pas eu la chance de nombre d’entre nous.

 

Ensuite, parce qu’il me semblait qu’après la reconnaissance tardive de la légitimité de la célébration de l’abolition de l’esclavage le 20 décembre 1848, il était utile de donner un signe fort à l’opinion trop habituée à ce que des édifices publics portent le nom d’hommes, et de surcroît issus de la « bonne société ».

 

Et puis, parce qu’enfant, j’ai été bercé par les romances de cette grande dame… et j’ai connu certains de ses enfants qui étaient d’ailleurs de bons footballeurs.

 

Je m’étais réjoui d’avoir en 1992 initié l’essentialité de rendre un hommage « aux esclaves réunionnais qui n’ont pas connu leur Île ». 

 

Je l’avais alors exprimé pour bien montrer que parmi nos ancêtres se trouvaient des hommes et des femmes arrachés de leur terre natale et qui, ne pouvant rejoindre en bonne santé notre terre réunionnaise, ont été jetés à la mer par les transporteurs négriers.

 

Ces êtres humains, morts dans les cales des bateaux, emportés par la maladie, suicidés, agonisants, épuisés, affamés lors des disettes à bord, assassinés, méritaient à plus d’un titre que nous leur rendions alors hommage.

 

Ce qui explique la stèle que j’avais posée à côté de l’entrée de la médiathèque, sur laquelle sont gravés les mots écrits par un ami d’enfance devenu un poète essentiel de notre Île essentielle, Patrice Treuthard :

« O mer moire mémoire du peuple noir


Mer mer plus amère que margoz amer


Redis-moi les têtes crépues de l’innombrable


Enfouies sans nom dans l’abîme… ».

 

Gadiamb 20 désamb pou nou toute !

Pour ne jamais oublier…

 

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