Énergie – Début de la bataille pour la décentralisation énergétique

  C’est le titre d’une tribune libre signée par Peggy Kançal,  conseillère régionale d’Aquitaine déléguée au plan climat, et Noël Mamère, député-maire de Bègles.

 

Cette tribune est parue dans le journal « Sud Ouest ». En voici l’intégralité.

 

L’engagement de 14 Régions, dont l’Aquitaine, qui se sont prononcées en faveur d’un processus de sortie du nucléaire dérange la ministre de l’Écologie.

 

Un malaise tel que la ministre s’empresse de signifier que les planifications énergétiques régionales en cours d’élaboration « ne doivent pas constituer des prises de position sur la politique énergétique globale », ajoutant que « des motions générales en faveur de la sortie ou du maintien du nucléaire, ou d’appui général aux énergies renouvelables, ne sont pas appropriées dans le cadre de cet exercice ».

 

Comment éluder, d’un coup de circulaire, une question aussi cruciale que le devenir de nos centrales, ou minorer la nécessité de soutenir les filières solaire et éolienne, rudement éprouvées par les différentes directives gouvernementales ?

 

Comment croire que les éléments clés du débat sur notre avenir énergétique doivent rester confinés entre les murs d’un cabinet ministériel ?

 

Pendant plus de trente ans, l’État nous a imposé le choix du tout nucléaire, et, alors que la France se trouve de plus en plus isolée dans ce positionnement devenu obsolète, la ministre évite le débat.

 

Les démarches de planification énergétique régionales seraient pourtant une occasion de poser les vrais enjeux de la substitution progressive du pétrole et du nucléaire par les énergies renouvelables, à une échelle pertinente.

 

Derrière cette fin de non-recevoir au sommet de l’État, on peut deviner en filigrane une volonté du pouvoir central de casser tout embryon d’autonomie énergétique susceptible d’émerger au sein des territoires

 

Le choix d’une autonomie locale au moyen d’énergies renouvelables rompt complètement avec notre système énergétique national en place.

 

Lorsque l’on observe des communes en autonomie énergétique en Allemagne et en Autriche, des traits de développement communs montrent à quel point un système énergétique local bouge les lignes des institutions.

 

Il est intéressant d’observer que ces projets sont principalement engagés et portés par les habitants, rarement par les élus ; la production d’énergie est souvent gérée sous forme de coopératives.

 

Aucun de ces projets n’a de caractère « partisan » mais, au-delà, il s’agit d’une nouvelle répartition des pouvoirs : entre habitants et élus, entre Commune et Région, voire à l’échelle nationale.

 

Les territoires découvrent alors une plus grande liberté politique : en France, le réseau Territoires à énergie positive, qui fédère des territoires ruraux autour de politiques énergétiques vertueuses, est né en juin dernier et participe pleinement de ce mouvement.

 

Cette autonomie a également une dimension économique. L’énergie est produite et consommée localement, ce qui permet une réflexion sur l’acte de consommation, et de nouvelles ressources financières.

 

Les habitants s’affranchissent des monopoles énergétiques et ont la liberté de fixer le prix de l’énergie, qui devient moins chère.

 

Cette relocalisation de l’énergie crée des emplois (plus de 1 000 en dix ans dans une ville allemande de 4 000 habitants) et en conserve d’autres (maintien des commerces locaux, des associations, des services publics…). 

 

La ministre de l’Écologie n’ignore pas que la question du devenir des centrales ne peut être confisquée par une circulaire.

 

En cas d’incident ou d’accident sur l’un de nos 58 réacteurs, ce sont bien les habitants, nous, nos enfants, les acteurs locaux qui seront touchés de plein fouet et mobilisés pour gérer la situation sanitaire.

 

Puisqu’il s’agit de notre vie, de notre environnement, de notre santé, de nos emplois, et non d’un banal « exercice » (selon les termes employés par madame la ministre), les citoyens, les acteurs associatifs et économiques comme les élus locaux sont légitimes pour faire valoir leur opinion sur notre devenir énergétique en région !

 

Ouvrons le débat efficacement et honnêtement ! À moins que l’esprit du Grenelle ne nous ait définitivement quittés…

 

Peggy Kançal et Noël Mamère

 

Commentaires:

 

Bien que la question du nucléaire ne se pose pas – heureusement – à La Réunion, la logique employée par les deux élus reste valable pour notre île.

Les démarches de planification énergétique régionales nous concernent également et la question « des vrais enjeux de la substitution progressive du pétrole (…) par les énergies renouvelables, à une échelle pertinente » est encore plus d’actualité à La Réunion.

 

Cette appréciation

« on peut deviner en filigrane une volonté du pouvoir central de casser tout embryon d’autonomie énergétique susceptible d’émerger au sein des territoires… »

prend à La Réunion une toute autre signification.

 

Cet objectif d’autonomie de production énergétique a été lancé par Paul Vergès.

Puis il a été repris par tous, y compris le Président de la République.

Aujourd’hui, le gouvernement fait donc marche arrière.

 

Mais à La Réunion, les communes, leurs regroupements, le conseil général, donc les élus, se sont emparés de la question.

La cité maritime, sous le slogan « Le Port, ville solaire », a été l’une des premières à se positionner.

D’autres communes ont suivi.

Le Département a mis en place des dispositifs pour les particuliers et élaboré une politique de maîtrise de la consommation et de production d’énergie propre.

 

La Région – avant l’arrivée de l’UMP Didier Robert – était en pointe, non seulement au niveau national mais international.

Depuis mars 2010, La Réunion a régressé.

L’énergie thermique des mers va faire les beaux jours de la Martinique.

 

Lorsque les auteurs de la tribune écrivent que,

« puisqu’il s’agit de notre vie, de notre environnement, de notre santé, de nos emplois, et non d’un banal « exercice » (selon les termes employés par madame la ministre), les citoyens, les acteurs associatifs et économiques comme les élus locaux sont légitimes pour faire valoir leur opinion sur notre devenir énergétique en région ! »,

comment ne pas leur donner raison ?

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2 Commentaires sur

Énergie – Début de la bataille pour la décentralisation énergétique

  • EricNo Gravatar |

    Analyse intéressante
    le Grenelle est détricoté, la filière photovoltaïque détruite. comment les communes ou le département vont-ils pouvoir continuer à aider les ménages les plus défavorisés pour s’équiper en chauffe-eau solaire?
    et pourquoi ne continue-t-on pas à faire des économies d’énergie? la route vers Gillot est éclairée avec une puissance trois fois trop importante. les enseignes des magasins restent allumées la nuit..

  • BANON MaxNo Gravatar |

    Continuer le combat pour une automie énergetique à LA REUNION c’est vital!
    Une loi a été votée par l’assemblée Nationale qui remet en cause tout le principe de nationalisation
    de l’énergie électrique partant de la production, le transport ,la distribution,et évidemment la péréquation tarifaire c’est : la loi NOME. Concernant notre département le combat qui se déroule actuellement sur la centrale du PORT doit capter notre attention,on n’est pas au bout de nos surprises déja c’était prévu le cout de la construction 350 millions euros on est passé à 500 millions d’euros et c’est pas fini, de plus c’est une centrale qui va servir d’appoint priorité sera donnée aux centrales privées ! qui ces mêmes centrales privées les plus gros actionnaires sont les fonds américains,les emplois sur cette nouvelle centrale sont divisés par deux par rapport à l’ancienne selon les premieres estimations,d’autre part la centralisation des moyens de production sur l’ile pose de véritable problème du transport de l’énergie et le désenclavement de la région sud et des écarts de l’ile,une réflexion de fond est plus que nécéssaire d’autant que faire autrement est possible!avec des combustibles gratuits et là on pourra véritablement parler de développement endogène.

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