Énergie – Urgence énergétique – La véritable énergie disponible (2ème volet)

 

   Expatrié en Nouvelle-Zélande depuis plus de 20 ans, le docteur Louis Arnoux est un expert en énergie.

 

Louis Arnoux cumule 40 années d’expérience en développement industriel et R&D dans le domaine des nouvelles technologies et des réseaux d’énergie. 

Il est co-inventeur du réseau IndraNet et du système nGen. 

 

Expatrié en Nouvelle-Zélande, il conseille l’Australasie dans sa mutation énergétique au travers d’un partenariat public-privé. 

 

Il a adressé une note de synthèse très pédagogique à MoneyWeek, traduit par Simone Wapler,  sur le Peak Oil et la raréfaction du pétrole, dont je vous livre ici le 2e volet.

 

Les barils de pétrole ne sont pas équivalents selon leur origine en terme d’énergie contenue.

 

La filiale hollandaise de l’ASPO a récemment souligné qu’exprimer la production en BTU (British Thermal Unit) ou joules permettait d’avoir une vue plus claire de l’existence d’un point culminant en 2008.

 

Mais, au demeurant, depuis 2005, il s’agit d’un sommet assez plat, donc, compte tenu des incertitudes affectant les données, on ne doit pas chicaner sur l’année du pic absolu.

 

Ce qui est clair c’est que le pic est en train de se produire.

 

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La quantité annuellement disponible pour chacun d’entre nous

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Le second point plus important concerne la production d’hydrocarbure (c’est-à-dire gaz naturel inclus) par habitant et par année et, bien sûr, sa vraie répartition puisque certains d’entre nous obtiennent bien plus que la moyenne et d’autres bien moins.

 

Là, le pic est très clair.

 

Il s’est produit en 1979 (second choc pétrolier).

 

Depuis lors, le monde a parcouru un plateau plutôt bosselé, après une succession de crêtes de la production annuelle, le déclin a commencé, avec une pente assez raide.

 

Les conséquences de cette situation sont évidemment intenables.

 

C’est pourquoi, dans un passé récent, le pouvoir militaire d’un grand nombre de nations, divers organismes de réassurance et un certain nombre de capitaines d’industrie du monde entier (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Chine, Brésil ou Japon) ont exprimé leur inquiétude et ont commencé à se préparer stratégiquement.

 

De ce que j’ai pu observer, un point de vue émerge : sauf miracle – auquel personne de sensé ne croit –, quelque 10 millions de barils par jour (Mbpj) vont probablement manquer sur le marché à l’horizon 2015.

 

C’est plus que 11% de la demande (1).

 

Les analystes considèrent que 1% de baisse de l’offre de pétrole conduit à 1% de baisse du PIB mondial.

 

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Méga-depression ou chaos économique ?

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Comme les institutions auxquelles je me référais en ont tardivement pris conscience, ceci signifie un risque élevé de chaos économique dans un futur relativement proche (2015) étant donné l’extrême dépendance au pétrole de toute activité vaguement économique.

 

La seule alternative réaliste est que cette crise devienne une méga-dépression.

 

Quelque soit le scénario, l’issue est également sombre. 

 

Selon moi, ces tendances signifient que, selon le principe de précaution, tout business doit à partir de maintenant se blinder, revoir et adapter ses procédés, stratégies et financements et assurer son indépendance énergétique, et aussi vis-à-vis des transports et des communications.

 

Il n’y a pas une entreprise – et encore moins un individu – qui ne sera pas profondément touché par ce qui est en train de se produire.

 

Comme d’habitude, il y aura des gagnants et des perdants, mais probablement pas de demi-mesure, d’après ce que je peux en juger.

 

Les conséquences vont être très contrastées et, bien sûr, c’est extrêmement important pour les investisseurs. Sur ce point, bien comprendre ce qui va suivre est vital.

 

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Le retour énergétique sur investissement ou eroi

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Comme nous le savons tous « un déjeuner gratuit, ça n’existe pas ».

 

Pour obtenir de l’énergie, nous devons d’abord investir de l’énergie, c’est-à-dire utiliser de l’énergie pour forer un puits de pétrole, extraire du charbon, faire marcher une centrale électrique, etc.

 

Le ratio important est le retour énergétique sur investissement énergétique ou EROI.

 

Le paramètre clé absolu est l’énergie nette disponible, ou l’énergie disponible pour mener à bien toutes nos activités économiques (y compris la nourriture que nous consommons pour rester en vie) une fois que tous les coûts énergétiques directs et indirects ont été retranchés.

 

Cela peut sembler de la comptabilité primaire mais ce principe est ignoré de la plupart des comptables et financiers qui préfèrent calculer en dollar plutôt qu’en joule.

 

Quand j’étais petit, dans les pays industrialisés, l’EROI était en général de 60 pour 1, un très bon EROI.

 

Ailleurs, dans les pays en voie de développement, comme on disait à l’époque, l’EROI était généralement très bas, typiquement à 2 pour 1.

 

Mais personne ne s’en préoccupait puisque les principales puissances économiques étaient encore largement prémunies.

 

Dans notre monde dit globalisé, la donne a radicalement changé.

 

Comme la crise commencée en 2007 l’a largement mis en évidence, toutes les économies sont étroitement imbriquées.

 

Maintenant, c’est l’EROI global qui compte et les professionnels (2) de ce secteur l’estiment à 3 pour 1 et tendant rapidement vers 1 pour 1.

 

Nous estimons qu’au rythme actuel, un EROI de 1 pour 1 (« ground zéro ») sera très probablement atteint avant 2030 (3).

 

À 1 pour 1, il n’y a plus d’énergie disponible et tout s’arrête.

Bien sûr, 1 sur 1 ne sera jamais véritablement touché, les événements deviendront très chaotiques bien avant (4).

 

Bref, durant environ 50 ans, le monde développé et industrialisé a vécu largement au-dessus de ses moyens en terme d’énergie nette qu’il peut consommer chaque année.

 

Au fond, cette crise est un gigantesque retour de balancier face à la réalité têtue de la thermodynamique.

 

La masse monétaire de la planète n’est plus convertible en joules d’énergie nette par an et sa valeur décline rapidement et inexorablement en comparaison de l’énergie disponible.

 

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Le Peak Oil revu a la lumière de l’EROI

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Ces tendances d’EROI sont au coeur des conséquences du peak oil.

 

Les réserves les plus faciles à exploiter sont d’abord épuisées, des plus difficiles sont découvertes et amenées en production.

 

Durant cette séquence, la production croît rapidement et la demande est vite assouvie.

 

Cependant, une fois le pic passé, satisfaire une demande toujours grandissante réclame de basculer rapidement vers des réserves toujours plus difficiles à exploiter qui requièrent des dépenses d’énergie toujours plus grandes et diminuent l’EROI.

 

Par exemple : forer toujours plus profond dans les océans, avec les dangers récemment mis à jour par l’explosion de la plateforme BP dans le golfe du Mexique.

 

C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

 

Et nous verrons à quel point nous sommes lancés dans une course contre la montre et quelles sont les technologies d’avenir.

 

(1) Voir par exemple : « Washington considère un déclin de la production mondiale à partir de 2011 » Oil Man – Blog LeMonde.fr le 19 juillet 2010. http://petrole.blog.lemonde.fr/

Voir Charles A. S. Hall, Stephen Balogh et J. R. Murphy, 2009, « Quel est l’EROI minimal que doit avoir une économie durable » Energies, 2, 25-47 ; doi : 10.3390/en2010025

http://news.goldseek.com/GoldSeek/1250621683.php

http://www.synapse9.com/issues/Spiral&Relief.htm

 

 

(2) Économiquement, ce n’est jamais une bonne idée de dépenser plus que ce que l’on gagne.

Mais on peut toujours provisoirement emprunter auprès d’une banque.

Pour l’énergie globale, toutefois, il n’y a pas de banque auprès de laquelle emprunter.

On ne peut tout simplement pas consommer plus d’énergie que ce qu’on en a.

L’issue est mortelle.

 

(3) Par exemple, Robert Ayres, professeur émérite à l’INSEAD, a démontré que les économies la plus importante et la plus développée des économies, les Etats-Unis fonctionne avec seulement 13% de rendement énergétique, ce qui signifie qu’elle gaspille 87% de l’énergie primaire qu’elle consomme –

Robert U. Ayres and Edward H. Ayres, 2010, Crossing the Energy Divide: Moving from Fossil Fuel Dependence to a Clean-Energy Future, Pearson Prentice Hall.

 

(4) Un exemple historique est l’effondrement de l’Empire Romain d’Occident lorsque l’aristocratie romaine, la bureaucratie et l’armée ont consommé plus d’énergie que ce que les esclaves pouvaient fournir (sous forme de nourriture, de bois, de vêtements, etc. puisque cette économie était fondée sur le solaire et la biomasse). 

 

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4 Commentaires sur

Énergie – Urgence énergétique – La véritable énergie disponible (2ème volet)

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    nous voilà prévenus. maintenant, il s’agit pour nous non seulement de réduire notre consommation, mais de faire pression sur nos élus quels qu’ils soient pour qu’ils mettent la question de l’énergie au coeur de leur politique de développement, à l’échelon local comme national ou européen

  • Laurent CNo Gravatar |

    approche très intéressante mais quelque peu pessimiste
    en ce qui concerne les technologies nouvelles: je ne peux me résoudre à croire que les chercheurs – notamment ceux dans l’automobile – n’ont pas trouvé de solution. je crois que la solution existe, mais qu’ils perdraient trop de fric à faire de suite des voitures propres

  • Pierre VERGESNo Gravatar |

    Le problème de l’énergie ne se limite pas au problème des voitures. C’est cependant vrai que les lobbyes dans le secteur énergétique sont puissants et les enjeux financiers ( entendre profits) sont colossaux.

  • Laurent CNo Gravatar |

    @Pierre Vergès
    je ne voulais pas limiter la question de l’énergie à celle du carburant pour automobile, je voulais simplement dire que la recherche a fait d’énormes progrès et qu’il y a certainement des solutions pour stocker l’énergie (celle des voitures mais celles aussi consommées pour la vie quotidienne) – comme il y a des expériences menées dans des pays dits émergents pour trouver des alternatives. les pays riches – donc a priori plus équipés pour la recherche devraient montrer l’exemple – sauf, la France, bien sûr qui a tout fait pour tordre le coup à la recherche.
    les solutions pourraient venir de ces pays émergents… et alors là, quel pied de nez aux pays du Nord…

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