Alimentation et agro écologie (afin que l’on s’en inspire pour les cahiers de l’agriculture) : penser globalement, agir localement

  Visualisation des services écologiques en fonction des pratiques agricoles (valeurs de services sur une échelle de 0 à 8) – D’après Dabouineau et Ponsero, extrait « Le râle d’eau », vol. 137 : 9-7, 2009  http://gtdesertification.org/ressourcotheque/files/Agro-part1.pdf

 

Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a publié récemment un rapport http://www.reuters.com/article/2013/02/18/unep-nutrients-report-idUSL5N0BEAHC20130218 appelant à diviser par deux la consommation de viande dans le monde afin d’éviter de graves dégâts pour l’environnement.

 

Pour Mark Sutton, auteur du rapport, le scandale retentissant de l’affaire du trafic de viande de cheval a révélé «le côté obscur » du mode de consommation.

 

Pour lui, cela devrait favoriser une prise de conscience sur les méfaits de l’élevage intensif.

 

Traçabilité, mais aussi impacts sur l’environnement  

 

C’est bien sûr le problème de la traçabilité qui est posé.

Mais si l’on examine le mode de production, ce sont les impacts sur l’environnement qui ont déjà des conséquences pour la santé humaine.

 

Ainsi, le rapport note que l’utilisation d’engrais, de  pesticides et d’herbicides pour faire pousser les céréales destinées à l’alimentation animale «ont causé une pollution de l’air et de l’eau qui nuit à la santé humaine».

 

Mark Sutton ne recommande pas de supprimer la consommation de viande mais d’en manger « moins souvent», et dans de moindres proportions.

 

Moins de viande et moins souvent, et plus de légumes  

 

Et Mark Sutton d’argumenter :

 

«La taille des portions est la clé.

Elles sont souvent plus grosses que ce que l’on veut vraiment manger.

Nous pourrions changer de culture et penser « J’aime ça, mais je n’ai pas besoin d’autant ».»

 

Et Mark Sutton de conseiller d’agrémenter la viande en légumes, lesquels légumes devraient être produits de manière peu polluante.

 

Réfléchir à nos pratiques alimentaires  

Ce rapport vise d’abord les pays riches, tels les Etats-Unis et l’Europe, gros consommateurs de viande.

 

Pour le PNUE, les pays en développement doivent pouvoir augmenter leur consommation de protéines animales, en échange d’une réduction des quantités consommées dans les pays développés.

 

Au moment où les principaux intervenant dans le domaine agricole (Etat et Département, Région pour l’industrie agro-alimentaire, Chambre d’agriculture) sont chargés de l’élaboration des Cahiers de l’agriculture censés fixer les objectifs pour parvenir dans les 10 années à venir à une agriculture durable, il est sage de réfléchir à nos pratiques alimentaires qui dicteront les objectifs à atteindre.

 

Revoir nos pratiques culturales : l’agro écologie  

 

Ainsi, développer l’agro écologie peut permettre d’améliorer les rendements tout en étant plus adaptée au changement climatique, estime Olivier De Schutter dans un rapport présenté le 8 mars dernier au Haut-commissariat aux droits de l’homme, à Genève.

 

Passer d’une agriculture intensive, à une agro écologie pour aider à nourrir la planète et sauver le climat, c’est possible, affirme le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation.

 

L’agro écologie associe le développement de l’agriculture à la  « protection régénération » de l’environnement naturel, estime le rapport qui loue le potentiel de ces techniques qui excluent les intrants.

 

Ces techniques incluent le contrôle biologique (lutte contre les maladies et les indésirables par des prédateurs naturels), l’agroforesterie (arbres et cultures sur les mêmes parcelles de terre), le stockage naturel de l’eau, les cultures intercalaires, l’utilisation de fumier biologique ou encore le mélange culture bétail.

 

Faible recours aux intrants extérieurs 

 

Toutes ces techniques ont faiblement recours, ou pas du tout, aux intrants extérieurs (engrais chimiques et pesticides).

 

Ces techniques culturales, comme le semis direct, permettent notamment de renouveler les sols en encourageant l’usage de phytosanitaires naturels :

 

– le neem, appelé également margousier, arbre originaire de l’Inde (parfois confondu avec le lilas des Indes) qui, à maturité, peut produire jusqu’à 50 kg de fruits équivalant à 30 kg de graines permettant de fabriquer un insecticide redoutable.

La pépinière municipale de la ville du Port en possède quelques spécimens, grâce à des graines rapportées par le maire de l’époque Paul Vergès, alors député au Parlement Européen, et président de la délégation parlementaire Europe-Inde ;

 

– le caelcedra, espèce d’arbre également appelé acajou du Sénégal, souvent utilisé comme arbre d’ombrage dans les vieilles rues coloniales des villes africaines, pouvant atteindre 30 à 35 mètres de haut, avec un fût court et trapu qui peut avoir jusqu’à 2 mètres de diamètre ;

 

– le cassia amara, petit arbre, cultivée pour le bois et utilisé en médecine traditionnelle comme fébrifuge, et qui sert à fabriquer la quinquina de cayenne, ou tisane de Quassia, pour lutter contre le paludisme ;

 

– cendres de bois, depuis toujours utilisées comme engrais (pour leur richesse en minéraux et en oligoéléments) notamment dans les techniques ancestrales de brûlis, écobuage et essartage.

Utilisées aussi comme amendement (une pelletée de cendres par m2 permet de recharger le sol en éléments minéraux), les cendres de bois ont un grand pouvoir alcalinisant dû à leur contenu élevé en chaux et en potasse.

 

Ces méthodes présentent aussi l’avantage de favoriser une fertilisation organique, la constitution de haies vives abritant la biodiversité ou encore le reboisement des surfaces.

 

Le site actu-environnement note que Concilier productivisme agricole et performance environnementale permet  « d’obtenir des rendements beaucoup plus importants que l’agriculture conventionnelle », comme l’assure le rapporteur de l’ONU.

 

Des techniques à  « haut rendement »…  

 

Pour Olivier de Schutter, ces techniques sont « plus efficaces que le  recours aux engrais chimiques pour stimuler la production alimentaire dans les régions difficiles où se concentre la faim ».

 

De plus, elles participent à «  l’adaptation au changement climatique ».

 

Actu-environnement note que l’auteur du rapport s’appuie sur plusieurs études scientifiques réalisées sur les approches agro écologiques et des rapports onusiens (FAO, PNUE).

 

Parmi ces études, celle pilotée par l’Université d’Essex (Royaume-Uni) qui a analysé 286 projets menés dans 57 pays en développement et couvrant une surface totale de 37 millions d’hectares.

 

Résultats : les projets agro écologiques ont montré une augmentation moyenne des rendements de 80% dans les 57 pays, « avec une augmentation moyenne de 116% pour tous les projets africains », souligne l’expert de l’ONU.

 

contre les crises alimentaires et climatiques…  

 

Les récents projets développés dans des pays d’Afrique ont permis  « un doublement des rendements des cultures sur une  période de 3 à 10 ans ».

 

En Tanzanie,  « le recours aux techniques d’agroforesterie et la participation paysanne ont permis de réhabiliter 350.000 hectares de terres en à peine 20 ans. Les bénéfices par ménage ont augmenté de 500 dollars US par an »,explique Olivier De Schutter, citant les exemples dans les provinces occidentales de Shinyanga et Tabora.

 

L’expert de l’ONU ajoute un autre exemple de bienfait de l’agroforesterie : utilisée au Malawi depuis 2005, l’agroforesterie a bénéficié à plus de 1,3 millions de petits producteurs  « avec des rendements de maïs passant de plus de 1 tonne par hectare à 2-3 tonnes / ha ».

 

L’agro écologie gagne du terrain  

 

L’auteur note également l’exemple des projets asiatiques développés en Indonésie, au Vietnam et le Bangladesh qui ont enregistré une diminution de 35 % à 92 % de l’emploi d’insecticides dans la culture du riz.

 

Et M. De Schutter d’affirmer : « Il est prouvé que ce type de technique à faible utilisation d’intrants externes, qui  préserve les ressources, peut accroître considérablement les rendements tout en fournissant de l’emploi rural et en réduisant le coût des traitements ».

 

Le rapport souligne le rôle clé des fermes écoles dans le développement des formations dédiées à l’agro écologie.

 

L’auteur renchérit : ‘‘Les pesticides et engrais étant remplacés par le savoir ».  

« Ce fut un pari gagnant, et des résultats comparables abondent dans d’autres pays africains, asiatiques et latino-américains ».

 

L’agro écologie gagne aussi du terrain dans les pays développés comme les Etats-Unis, l’Allemagne et la France, ajoute l’auteur.

 

Pour un  « réinvestissement » dans l’agriculture durable  

 

L’agro écologie permet aussi  « une meilleure adaptation au changement climatique ».

 

En effet, l’expert onusien plaide cette démarche au nom d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre, du fait d’une  gestion des sols permettant « un meilleur stockage du carbone ».

 

De plus, les techniques de culture agro écologique permettraient de mieux supporter des épisodes de sécheresse et d’inondations, comme l’atteste l’exemple du Malawi où l’on a constaté une amélioration de l’infiltration du sol.

 

Mais l’auteur cite d’autres exemples : en Éthiopie, en Inde et aux Pays-Bas, les expériences « ont démontré que les propriétés physiques des sols cultivés biologiquement amélioraient la résistance des cultures à la sécheresse ».

 

Trop d’efforts se concentrent actuellement  « sur les investissements à grande échelle : semences améliorées, fertilisants chimiques et recours aux machines », note Olivier de Schutter.

 

Pour une transition mondiale vers l’agro écologie  

 

Déplorant que « peu d’attention a été accordée aux méthodes agro écologiques qui ont pourtant prouvé leur capacité », l’auteur du rapport rappelle l’objectif poursuivi de « nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 », et en appelle à une « transition mondiale ».

 

Le rapporteur onusien appelle les Etats à réinvestir dans une agriculture  « durable », après la crise des prix alimentaires de 2008, à faire plus de place à l’agro écologie dans leurs stratégies de développement et aller au-delà du stade expérimental.

 

Et l’expert onusien d’affirmer que les défis de la faim dans le monde et des changements climatiques « ne se résoudront pas avec l’établissement de grandes fermes industrielles, mais avec la mise en œuvre de projets écologiques adaptés aux petits producteurs ».

 

Passer du stade de  projets pilotes au stade de politiques nationales  

 

Olivier De Schutter en appelle au courage des décideurs : « Tout ce qu’il faut pour cela, c’est la volonté politique. C’est elle qui permettra de faire passer ces projets pilotes au stade de politiques nationales ».

 

L’expert onusien prévient : « Nous devons faire vite si nous voulons éviter des catastrophes alimentaires et climatiques au 21e siècle ».

Ne serait-ce que parce que l’agriculture est déjà directement responsable de 14 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre totales.

 

Le chiffre grimpe à 33% si l’on inclut le CO2 produit par le prix de la déforestation aux fins d’expansion des zones de culture ou de pâturages).   

Et en guise d’avertissement, Olivier de Schutter avertit que « ces émissions pourraient augmenter de 40% d’ici 2030 sans un changement important dans les politiques mises en œuvre ».

 

Penser globalement, agir localement, a-t-on coutume de proclamer.

À nous d’apporter notre parole réunionnaise au monde.

 

Sources : Audrey Chauvet blog Le Monde – Rachida Boughriet Agro-Environnement

 

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