Biodiversité : le danger d’une mainmise de l’OMC avec la bienveillance de l’ONU (1er volet)

 

   Relevé sur le site Marianne.fr, cet intéressant article sur la « marchandisation » de la biodiversité.

En voici d’importants extraits :

 

« Agnès Bertrand, co-auteur de « OMC le pouvoir invisible », et Françoise Degert, journaliste, tirent le signal d’alarme : la financiarisation de la nature rapporte aux banques en leur permettant de se garantir sur les actifs naturels.

Mais elle représente un véritable danger pour la préservation des écosystèmes. »

 

La biodiversité est sous les feux de la rampe.

Se basant sur les atteintes irréversibles portées au monde du vivant, l’Organisation des nations unies (ONU) a déclaré 2010 « année de la biodiversité ».

 

Le battage médiatique est à son comble. Point d’orgue : la Convention sur la biodiversité, issue du Sommet de la terre de Rio en 1992, réunira en octobre prochain, à Nagoya (Japon) les 193 États signataires du traité.

 

Cette 10ème conférence des Parties (COP 10) – www.cbd.int/cop10/ – se déroulera au siège du Keidaren, le puissant syndicat patronal japonais.

 

Pour cet événement qu’ils ont largement sponsorisé, une présence massive des lobbies d’affaires est attendue. Sur la table des négociations à Nagoya, les enjeux seront aussi faramineux qu’ils sont occultés.

  

Sous prétexte de préservation de la biodiversité, se prépare un recadrage complet de la structure et des finalités de la convention.

 

Petite histoire d’une formidable imposture.

 

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Une identité « génétique » avec l’AGCS

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La notion de biodiversité ne se limite plus aujourd’hui à « la diversité des êtres vivants et de leurs caractères génétiques ».

 

Dans un parallélisme parfait avec les services environnementaux de l’OMC (organisation mondiale du commerce), établis dans  l’Accord général sur le commerce des services (AGCS)«Le complot de l’OMC contre les services publics» sur Marianne2 -, la biodiversité s’étend à « tout le matériel » susceptible d’être mis en valeur.

  

Elle inclut non seulement les plantes, les animaux, les gènes, mais également les paysages, les forêts, le captage et la filtration de l’eau, les savoirs faire traditionnels, les cultures, la « sensibilisation » du public, etc.

 

Dans les coulisses de la Convention, de nombreux organismes publics et privés, des États  s’affairent depuis près d’une décennie : l’ONU et ses organismes satellites, l’Union européenne, en particulier la France et l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, etc.

 

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La théorie de la comptabilité environnementale

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S’appuyant sur les penseurs néo libéraux, ils décrètent, avec Pavan Sukhdev, que la seule solution est d’offrir « une argumentation économique exhaustive et irréfutable pour la conservation des écosystèmes et de la biodiversité ».

 

Ce responsable des marchés internationaux de la Deustche Bank à Bombay est également fondateur d’un programme de « comptabilité environnemental » en Inde. La finance se pose en sauveur de la planète.

 

Mais le problème est de donner une valeur marchande à des millions d’espèces et de molécules différentes.  

 

Pour contourner la difficulté, l’évaluation de la biodiversité ne porte plus sur les espèces mais sur tous « les services économiques », depuis la pollinisation à la filtration de l’eau, rendus à l’homme par la totalité des écosystèmes (forêts, zones humides, prairies, récif corallien…).

 

Des services estimés par le professeur américain Robert Costanza, professeur en économie environnementale à l’université d’Etat de Portland, à 33 000 milliards $ en 1997 soit le double de la valeur mondiale brute produite cette année là.


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Boîte a outils planétaires

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Pour donner une valeur aux écosystèmes, de 2001 à 2005, l’ONU a élaboré le Millenium Ecosystem Assessment (MEA) – Évaluation des écosystèmes pour le millénaire -.

 

Il doit être décliné à l’échelle de la France avant la fin de l’année. Ce document identifie 31 services rendus, classés en 4 catégories.

 

Ces catégories ont été recoupées avec la cartographie complète fournie les bases de données géographiques transmises par les satellites – la base de données Corine Land Cover couvre déjà trente-huit pays européens -.

 

L’ensemble permet de connaître l’état des sols, des sous-sols, les gisements de ressources naturelles, les ressources marines etc.

 

Au prétexte d’établir des zones de protection de la biodiversité, les fameuses trames vertes et bleues,  le globe terrestre est ainsi scruté et transformé en parts de marché.

 

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Une approche monétariste des services éco systémiques

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Mais le zèle économétrique ne s’arrête pas là.

 

Depuis 2007, c’est le TEEB (The Economics of Ecosystems and Biodiversity) qui élabore, toujours sous la direction du banquier Pavan Sukhdev, un système complexe pour calculer la valeur monétaire de chaque « service éco systémique » (sic !).

 

Discrétion oblige, les conclusions de ces constructions mathématico financières ne seront présentées qu’en octobre 2010 à Nagoya.

 

Sans attendre la conférence de Nagoya toutefois, un premier symposium destiné au monde des affaires, intitulé le « business of biodiversity », s’est tenu à Londres le 13 juillet.

 

Julia Marton-Lefèvre, directrice de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), a présenté l’étude « TEEB for business » pour faire un appel du pied aux transnationales.

 

Le rapport promet  aux entreprises près de 1 100 milliards de $ de profits supplémentaires en 2050, grâce aux services éco systémiques – Site général  du « TEEB » : rapport du « TEEB for business » -.

 

Parmi les contributions au symposium, notons celles de William Evison, de Price Waterhouse Coopers, Mikkel Kallesoe, du World business Council for sustainable development qui regroupe des multinationales aussi notoirement écologiques que Dow Chemical.

 

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Pouvoir offshore, élus hors sol

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Il reste à mettre en place le système qui va organiser et contrôler ce marché.

 

En mai 2010, à Nairobi, « un groupe de travail  spécial à composition non limitée » de la CDB propose la création d’une plate-forme science politique pour appliquer un plan stratégique, tout en déclarant « qu’il était prématuré d’en discuter ».

 

En juin 2010, en Corée, les représentants de 90 États  adoptent cette proposition : l’Intergovernmental science-policy platform on biodiversity and ecosystem services (IPBES – Plate-forme intergouvernementale sur la science et la politique de la biodiversité et des services éco systémiques)  est lancée.

 

En écho, le G8 réuni le 25 juin au Canada, applaudit sa création. Elle doit être entérinée en septembre, à New York, lors de la 65 éme Assemblée générale de l’ONU.

 

L’IPBES réunira des représentants des États, mais également des experts, des firmes et des financiers. Cette plate-forme sera chargée de fournir l’expertise scientifique en matière de biodiversité.

 

Mais contrairement au GIEC Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat -, dont elle prétend être la réplique pour la biodiversité, elle aura également un mandat politique.


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L’ipbes investie d’un pouvoir supranational 

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Forte de l’aval de l’ONU, l’IPBES sera, à Nagoya, investie d’un pouvoir supranational.

 

Elle contrôlera l’application d’une convention sur la diversité biologique (CDB) complètement détournée de ses objectifs d’origine.

 

Le plan stratégique, qui sera adopté à Nagoya, couvre une période jusqu’à 2020.

Quant aux instruments pour y parvenir, le monde des affaires aura carte blanche.

 

« L’intérêt et les capacités du secteur privé (…) dans la conservation et l’utilisation durables de la biodiversité et des services des écosystèmes comme source de futures opérations commerciales, et comme condition à de nouvelles possibilités commerciales et de débouchés (…) » est salué ad nauseum par un groupe de travail préparatoire à la 10ème conférence de la CDB*

 

* Conférence des Parties  à la Convention sur la diversité biologique. Dixième réunion Nagoya, Japon, 18-29 octobre 2010. Point 10 de l’ordre du jour. Rapport du « groupe de travail spécial à  composition non limitée » de l’application de la convention sur les travaux de sa troisième réunion.

 

Le 2ème volet paraîtra lundi.


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5 Commentaires sur

Biodiversité : le danger d’une mainmise de l’OMC avec la bienveillance de l’ONU (1er volet)

  • chloéNo Gravatar |

    À l’heure actuelle, rien que pour les espèces connues, sont menacés 12% des oiseaux, 21% des mammifères, 30% des amphibiens et 25% des végétaux.

  • virginieNo Gravatar |

    Tout s’achète, tout se vend, on vit une époque de plus en plus révoltante…. nous devons réagir

  • EricNo Gravatar |

    2010 : Année de la biodiversité, qu’ils nous disait. L’UICN déclarait:
    « Il est temps que les gouvernements envisagent sérieusement de sauver des espèces et s’assurent que la conservation soit une priorité de leur agenda l’an prochain, dans la mesure où nous manquons réellement de temps »
    S’il faut en plus lutter contre les gros zozos, j’ai bien peur que notre biodiversité soit fichue.

  • PalhumourNo Gravatar |

    La mouche bleue, elle, elle se porte bien. Allons confier la gestion de la biodIversité à certains organismes de recherches !!!!

  • TwiggyNo Gravatar |

    Quand je lis ce genre d’article, j’ai l’impression d’étouffer sous les tentacules internationales !

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