Vers une biodiversité artificielle : l’homme peut-il vivre en symbiose avec les autres espèces ?

 

   L’homme vit en symbiose avec la biodiversité, mais sa consommation extensive de la biosphère l’amène à prendre la place d’autres espèces.

 

Jusqu’où l’homme peut-il s’étendre et dans quelle mesure peut-on faire coexister l’homme et la diversité ?

 

Je vous propose de partager les éléments de réponses avec Denis Couvet, correspondant à l’Académie d’agriculture d’après le livre Ecologie et biodiversité qu’il co-signe avec Anne Teyssèdre-Couvet.

 

Denis Couvet est ingénieur agronome, professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) et à l’Ecole Polytechnique, correspondant à l’Académie d’agriculture.

Il dirige le laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations, CNRS/Muséum.

 

L’empreinte de l’homme est visible presque partout sur la planète.

En ce sens, on peut dire que les écosystèmes d’aujourd’hui sont des écosystèmes artificiels.

 

« Il faut bien avoir en tête que si nous voulons poursuivre la création d’écosystèmes artificiels, nous devons conserver un ensemble d’écosystèmes initiaux suffisants.

Même dans l’agriculture intensive, cette extension de la nature repose sur des systèmes écologiques », précise Denis Couvet.

 

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L’expérience « biosphère II » de création artificielle d’un écosystème

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L’expérience « Biosphère II » menée en Arizona dans les années 1990 amène à réfléchir sur le positionnement de l’homme sur la nature.

 

Cette expérience consistait à créer un écosystème de toute pièce dans une bulle en verre d’une surface au sol de un hectare.

 

« Mais l’expérience a été écourtée car la régulation n’a pas fonctionné.

Rapidement, le CO2 était en trop grande quantité dans la bulle, les pollinisateurs ont disparu, le système s’asphyxiait », explique Denis Couvet.

 

Le maillage de réseaux entre les espèces est bien plus compliqué qu’il n’y paraît et l’homme ne sait pas le maîtriser.

 

En revanche, s’il ne peut pas « créer » un écosystème de toute pièce, il peut le restaurer.

« C’est ce que nous appelons la préservation d’espaces, mais tout dépend de l’interprétation que nous en faisons ».

 

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Lhomme et les expériences de sélection naturelle

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L’homme intervient depuis très longtemps dans le croisement des espèces, il les optimise en adéquation avec ses besoins.

 

Mais tous les essais n’aboutissent pas forcément.

  

À ce sujet, Denis Couvet revient sur une anecdote :

 

« Je me souviens d’une étude faite en laboratoire sur un saumon transgénique, plus gros que les autres car plus vorace.

 

Les chercheurs ont étudié l’impact que cette nouvelle espèce aurait eu si elle s’était évadée dans la nature : le résultat aurait été catastrophique…

 

Les saumons plus voraces auraient pris plus de risques pour se nourrir, donc leur taux de mortalité aurait augmenté.

Imaginez l’impact que cela aurait eu si les saumons sauvages et transgéniques s’étaient croisés…

 

Cela aurait sonné le glas du saumon sauvage.

Tout ceci est resté à l’échelle d’étude.

 

Le risque était trop important, l’espèce transgénique n’a finalement pas vu le jour ».

 

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Les conséquences d’une extinction d’espèce

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Tous les êtres vivants interagissent entre eux par le biais d’un maillage écologique très complexe.

 

« La difficulté est de savoir ce qui se passe dans ce maillage lorsqu’une espèce s’éteint. Certains réseaux ont plus de poids que d’autre, mais encore faut-il les identifier ».

 

« Il existe plusieurs types de relations.

Par exemple, les plantes et les pollinisateurs fonctionnent en réseau emboité : si une plante disparaît, a priori elle n’entraîne pas l’extinction d’une espèce d’insecte.

 

Mais pour d’autres réseaux, il existe une amplification en chaîne où la raréfaction d’une espèce entraîne la raréfaction d’une autre. C’est le cas des relations proies / prédateurs », explique Denis Couvet.

 

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Le rôle des super-prédateurs

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Le loup et l’orque font partie des super-prédateurs (tout en haut de la chaîne alimentaire).

 

« Le loup a été éliminé en Europe et aux États-Unis, mais cet aspect compétiteur du loup envers l’homme a un peu disparu.

 

Dans le parc de Yellowstone par exemple, le loup a été réintroduit initialement pour limiter la croissance des wapitis et restaurer la végétation.

 

L’impact a été encore plus positif qu’une simple chasse à l’élan car le loup rôdant dans le parc, le wapiti a changé ses habitudes.

 

En évitant les endroits les plus défavorables pour lui, et donc son territoire, il a de ce fait limité ses naissances« .

  

Sur la totalité des prélèvements, un tiers résulte de la mort des wapitis consommés par les loups et deux tiers résultent de la simple peur du loup.

 

Très nombreux et trop gourmands, la régulation des wapitis s’est faite grâce à la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone.

 

En revanche, dans le milieu marin, la question reste assez prégnante pour les orques et les phoques.

 

Comme ils consomment beaucoup de poissons, certains pêcheurs peuvent y voir un manque à gagner.

 

« Pourtant, un phoque va consommer certaines espèces consommées aussi par l’homme, mais aussi d’autres qui sont en compétitions avec les espèces consommées par l’homme, et par ailleurs sans valeurs commerciales pour les pêcheurs.

Faire disparaître le phoque pourrait avoir des répercussions plus négatives que positives ».

 

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L’empreinte écologique et l’urgence de moins consommer

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Pour rappel l’empreinte écologique mesure l’impact de l’homme sur la biosphère, ce qu’il consomme de la production primaire produite par les végétaux.

 

« On considère qu’en moyenne les hommes dans le monde consomme 25% de la production primaire produite par la biosphère.

 

Cela veut dire aussi que 25% des espèces n’auraient plus suffisamment de ressources disponibles pur survivre.

 

Mais cette empreinte écologique est très différente selon les ensembles régionaux : l’Asie consomme 60 % de la production primaire, l’Europe consomme 40%…

 

Il ne reste pas grand-chose pour le fonctionnement des écosystèmes ».

 

Malheureusement, cette prise de conscience d’empreinte écologique aurait tendance à repousser le problème chez le voisin :

 

« La Finlande et la Chine ont commencé à protéger leurs forêts ce qui a eu pour conséquence de faire exploser les importations de bois venant de la Russie.

 

Le problème n’est pas tant de protéger nos espaces, c’est de limiter nos consommations », termine Denis Couvet.

  

La biodiversité, est l’ensemble du règne vivant, une diversité et une abondance des espèces qui interagissent entre elles.

L’écologie consiste en l’étude des interactions entre les êtres vivants.

 

À nous de ne pas l’oublier.

 

Pour en savoir plus :

Adresse directe du fichier MP3 :

http://www.canalacademie.com/emissions/ecl663.mp3

Adresse de cet article : http://www.canalacademie.com/spip.php?article6027

Muséum national d’histoire naturelle / Denis Couvet, Anne Teyssèdre-Couvet, Ecologie et biodiversité, des populations aux sociosystèmes, édition Belin, 2010  

                                                                                                                                                                                                                              

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1 Commentaire sur

Vers une biodiversité artificielle : l’homme peut-il vivre en symbiose avec les autres espèces ?

  • ArisinoéNo Gravatar |

    oups… biodiversité artificielle, espèces transgéniques, création d’écosystèmes… tout cela, je dois le dire, ne me remplit pas d’enthousiasme… bien au contraire

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