Environnement – Quand San Francisco se lève, quand San Francisco s’éveille…

déchets tri sélectif environnement développement durable   Sous le titre « Comment San Francisco s’approche du « zéro déchet », le site Le Monde plonge dans l’univers de la grande ville californienne qui révolutionne le système de gestion des déchets.

Séries d’articles passionnants dont je vous livre les résumés. D’autant que nous pouvons à La Réunion y trouver matière à réflexion, au moment où nous nous dirigeons tout droit vers l’incinération comme solution et non comme recours ultime s’il en faut.

Une stratégie « zéro gâchis »

L’expression « Zero Waste » en anglais, pour « zéro déchet », se traduit également par « zéro gâchis ».

A Vacaville, au nord de San Francisco, avant le lever du jour, des dizaines de camions viennent après une heure de route déverser environ 600 tonnes de restes de nourriture, d’herbe coupée, de branchages.

Objectif : produire au bout d’un mois un riche compost aussi fin que du sable à partir de ces déchets organiques.

San Francisco souhaite parvenir, d’ici à 2020, à zéro déchet non recyclé ou composté. De ce fait, la ville évite d’utiliser des décharges ou des incinérateurs, très polluants.

Résultat : le « taux de récupération des déchets » pour le recyclage et le compostage atteint aujourd’hui 80 % dans la ville.

Pour parvenir à une telle réussite dans une aussi grande ville dans le monde, San Francisco fait preuve de volontarisme politique et multiplie les initiatives législatives, indispensable pour asseoir sa stratégie environnementale.

L’histoire commence en 2002, avec l’adoption de l’objectif « zéro déchet » en 2020, marqué par un point d’étape de 75 % en 2010.

Le pessimisme et l’ironie étaient de mise chez les détracteurs. Pourtant, selon une étude qui avait été réalisée, la quasi totalité des déchets (90 %) finissant dans les décharges pouvaient être recyclés, la plus importante étant la nourriture.

Pour Robert Reed, chargé des relations publiques à Recology, la coopérative qui collecte et traite les déchets de San Francisco, il ne faut pas voir « les déchets comme une charge, mais comme une valeur », qui « peuvent être utilisés »

1er objectif : les structures génératrices d’importants déchets organiques.

L’argument développé était simple pour Jared Blumenfeld, ancien directeur du département de l’environnement de San Francisco et actuel directeur régional de l’Agence de protection environnementale (EPA) : « les poubelles des recyclables et des compostables coûtent beaucoup moins cher, chaque mois sur la facture, que celles des déchets non recyclables. Si vous recyclez et compostez tous vos déchets, alors vous aurez besoin de moins de poubelles « normales », ou bien des plus petites. Et vous économiserez de l’argent. »

Le système est une pleine réussite : le Hilton, productrice de 7500 repas chaque jour, économise en un an 200 000 dollars (145 000 euros) et l’initiative est alors très vite étendue à l’ensemble des professionnels.

2ème objectif : l’incitation à un système adapté aux habitants.

Le système est alors proposé aux habitants qui le souhaitent. Jared Blumenfeld se félicite de la réussite : « En quatre ans, entre 2001 et 2005, nous sommes passés de 42 % à 60 % de nos déchets qui étaient recyclés ».

Chaque habitant de San Francisco est désormais habitué à trier ses déchets dans trois poubelles : en noir, celle destinée à la décharge ; en vert celle pour le compost ; et en bleu les recyclables.

Puisqu’il est compliqué de faire payer chaque habitation en fonction du poids de déchets généré, San Francisco a mis en place un système incitant financièrement à recycler et composter.

La facture mentionne spécifiquement les trois poubelles, les charges pour la verte et la bleue étant largement inférieures à celles pour la noire.

Pour cette dernière, le coût varie selon la taille : si vous recyclez et compostez peu et remplissez donc une grande poubelle noire, cela vous coûtera beaucoup plus cher que de se conformer au système et, in fine, de réduire sa taille, puisque la grande majorité des déchets ira dans les deux autres.

Pour éviter que certains mettent les déchets dans les mauvaises poubelles pour réduire leur facture sans faire l’effort de recycler, des contrôles sont régulièrement effectués.

Des agents sillonnent la ville et regardent le contenu des poubelles.

S’ils constatent que la poubelle des recyclables ou des compostables est manifestement remplie avec de « mauvais » déchets, ils laissent un avertissement. Après plusieurs avertissements, l’habitation concernée paiera un malus sur sa facture.

3ème objectif : la gestion importante des déchets du BTP

Depuis 2006, tous les professionnels du bâtiment sont obligés de recycler au moins 65 % de leurs débris tels le béton, le métal ou encore le bois, dans des centres agréés. Une suspension de six mois est prévue pour les contrevenants.

En parallèle, la ville s’engage à n’utiliser que des matériaux recyclés pour des travaux publics comme l’asphalte, les trottoirs ou encore les gouttières.

4ème étape : sacs plastiques bannis

En 2007 et 2008, le taux de récupération des déchets stagne aux alentours de 70 %.

Pour redonner un élan à sa politique volontariste dont l’objectif intermédiaire était de 75 % en 2010, la ville décide en 2008 de bannir les sacs plastiques, et invite les supermarchés à proposer des sacs payants (en papier ou en plastique compostable) pour inciter les clients à ramener leur propre sac.

5ème objectif : la responsabilisation des habitants

En 2009, le recyclage et le compostage sont rendus obligatoires pour tous les habitants.

Le même système que pour les hôtels et restaurants est appliqué : chaque maison et immeuble reçoit une facture détaillée et peut l’alléger en utilisant de moins en moins la poubelle « normale » pour préférer celles dédiées au recyclage et au compostage.

Des contrôles sont effectués régulièrement et des avertissements sont suivis d’amendes pour les contrevenants, pouvant aller de 100 à 1 000 dollars (73 à 730 euros).

Et dès que la politique répressive prolonge la politique préventive, les citoyens renâclent. Pour Jared Blumenfeld, « cela a été notre mesure la plus controversée » car pour certains, il s’agissait d’une « police environnementale ».

Et l’ancien directeur du département de l’environnement de San Francisco de préciser : « Nous avons longuement expliqué que ce n’était pas le cas et que tout le monde avait à y gagner. Si nous l’avions tout de suite rendu obligatoire, cela n’aurait pas marché, il fallait que ce soit progressif. »

L’effort paye : la ville atteint 77 % de recyclage en 2010 et a aujourd’hui dépassé les 80 %.

6ème objectif : l’utilisation du compost par les agriculteurs

« Le compost est très riche car il est constitué de multiples déchets organiques et il n’a que des effets bénéfiques : il fixe le carbone dans le sol et apporte beaucoup de nutriments à la vigne ». Tel est le constat effectué par Dave Mella, qui gère le vignoble Chateau Montelena, dans la Napa Valley.

Ce domaine a acquis une notoriété mondiale en remportant une dégustation à Paris en 1976 devant des vins français – et dont un livre, Le Jugement de Paris, puis un film, raconteront l’histoire.
Il confie avoir été « terrifié à l’idée de changer le vin ». Aussi a-t-il « d’abord testé le compost sur une petite partie du domaine ».

A la fin, il l’a « progressivement étendu car le vin était meilleur… et c’est meilleur pour le sol ! », déclare-t-il.

Celui-ci utilise le compost de Recology depuis bientôt dix ans.

7ème objectif : le « second souffle » pour arriver à 100 %

La responsabilisation des habitants ne s’arrêtent pas aux portes de la maison.

Robert Reed, de Recology, l’effort doit être accentué : « Par exemple, sensibiliser les habitants sur le fait qu’ils recyclent beaucoup dans la cuisine, mais n’ont souvent qu’une seule poubelle dans la salle de bains, avec des déchets qui se retrouvent à la décharge alors que des éléments pourraient être recyclés. »

De plus, selon Robert Reed, il est indispensable d’agir « directement à la source, sur le packaging, comme l’interdiction du polystyrène et du cellophane et développer l’usage des couches-culottes lavables et réutilisables, car c’est quelque chose que nous ne pouvons pas recycler. »

D’autres grandes villes américaines, comme Seattle, s’engagent dans cette voie.

La ville de Minneapolis, dans le Minnesota (nord), ne recycle que 37 % de ses déchets, mais s’apprête, elle aussi, à adopter l’objectif 100 %.

8ème objectif : gérer les recycleurs

C’est un aspect de la question qui doit nous interpeller à La Réunion, où le taux de chômage est très important.

Dans la ville qui vise à recycler 100 % de ses déchets, les centres de recyclage « communautaires » permettent à chacun de récupérer la « consigne ».

Rapporter ces « déchets » constitue une source de revenus non négligeable pour les sans-abris et les plus modestes. Mais plusieurs de ces centres ont été contraints de fermer en moins d’un an.

Scott Weiner, conseiller municipal de San Francisco, justifie cette évolution : « De mauvais comportements ont lieu près du centre et le vol dans les poubelles du voisinage sont en augmentation ».

Mais pour bon nombre de San Franciscains, il s’agit d’une tendance à l’embourgeoisement (« gentrification ») : « Il y a eu quelques problèmes dans le quartier, mais pas par ceux qui viennent recycler. Ils ne veulent tout simplement pas voir les pauvres qui viennent ici. San Francisco a la plus grande inégalité de revenus et elle s’accroît à un rythme effrayant. Enlever aux pauvres gens cette source de revenus ne fera que précipiter leur fin. »

9ème objectif : interdire les bouteilles d’eau en plastique

La ville a ainsi décidé l’interdiction de la vente et de la distribution de petites bouteilles d’eau en plastique dans les espaces publics de la ville (sauf lors d’événements majeurs sur la voie publique, évènements exceptionnels comme la Gay Pride).

À la place, seront installées de nombreuses fontaines d’eau et des gobelets compostables pourront être distribués pendant des événements.

Pour le conseiller municipal David Chiu, le risque pour la santé justifie cette mesure dont il est l’initiateur. En effet, des composés chimiques comme les phtalates pouvent s’infiltrer dans l’eau et « perturber les hormones et ainsi accroître le risque d’infertilité, de cancer et de fausses couches ».

De plus, selon lui, « Les bouteilles d’eau en plastique coûtent cher à produire et ont un coût environnemental considérable. Il lui faut mille ans pour qu’elles se dégradent ».

Et pourquoi pas envisager une interdiction totale ? « Si nous pouvons les interdire dans l’espace public, que les gens comprennent que c’est totalement faisable, alors nous pourrons aller plus loin » se plaît à rêver David Chiu.

Un système qui coûte moins cher à la collectivité

Un système « zéro déchet » coûte en réalité moins cher à la collectivité, selon des études effectuées.

La 1ère économie résulte du ramassage adapté, une fréquence régulière pour les déchets organiques, qui pourrissent vite, mais plus espacée pour les déchets « secs ».

La 2ème économie résulte du traitement, alors beaucoup moins cher que des dispositifs comme les incinérateurs, « solution » très prisée en France.

La 3ème opportunité concerne la création d’emplois forcément locaux pour bien trier les déchets, et cela pourrait être décisif d’avoir des « recycleurs-péi » dans une île comme La Réunion où le chômage est important, et le milieu insulaire est contraignant.
De plus, la responsabilisation des habitants est un défi pour restaurer un lien social déstructuré avec l’urbanisation rapide que notre Île a connue.

La 4ème opportunité est que la revente des matériaux recyclés et du compost génère des avantages financiers.

Enfin, la 5ème opportunité est environnementale. En effet, les décharges produisent du méthane et les incinérateurs des gaz très toxiques.

A partir des liens suivants :
http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/05/28/comment-san-francisco-s-approche-du-zero-dechet_4421676_3244.html
http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/05/29/le-systeme-zero-dechet-de-san-francisco-en-7-questions_4424222_3244.html

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