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2011
« Le Monde a faim de terre et la France la gaspille »
Catégorie : Agriculture
Le site « Localtis » a publié le mardi 8 mars 2011, cet excellent article sur la consommation des terres agricoles.
Déjà deux décrets sur la consommation des terres agricoles, pris en application de la loi de modernisation de l’agriculture, sont parus.
Mais pour le directeur de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSafer), André Barbaroux, ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux, alors que la consommation des terres s’accélère pour s’établir à 86.000 ha par an.
. LOCALTIS : La Chine, l’Inde, les pays du Golfe se ruent vers les terres africaines. La France, qui perd des terres agricoles à un rythme de plus en plus rapide, n’est-elle pas en décalage avec ce qui se passe dans le monde ?
. ANDRÉ BARBAROUX, directeur général de la FNSafer :
Le monde a faim de terre et la France la gaspille.
C’est le « paradoxe français », thème que j’avais souligné dans la revue Demeter de 2009.
Entre 1992 et 2003, la consommation de terres agricoles était de 61.000 ha par an ;
entre 2005 et 2009 elle est passée à 74.000 ha/an, et selon les derniers résultats,
de 2010 à aujourd’hui, on est passé à 86.000 ha/an.
Malgré toutes les bonnes volontés, le phénomène s’accroît.
Le seul moyen de l’enrayer serait de soumettre à autorisation le fait d’empiéter sur les terres agricoles, comme nous l’avions proposé.
L’exemple le plus probant est celui du Québec où une commission sur les terres agricoles existe depuis 1978.
Les villes ont continué à se développer mais selon des axes cohérents et en récupérant des terrains en ville.
Pendant ce temps, la spéculation foncière liée au changement d’usage a disparu, la croissance des prix en zone périurbaine a diminué. On a ordonné la croissance des villes. C’est ce qui a permis à la fois le développement des villes et la protection des terres.
. LOCALTIS : Pourtant en France, la loi de modernisation de l’agriculture a prévu de nouvelles mesures, comme la création de commissions départementales de la consommation des espaces agricoles…
. ANDRÉ BARBAROUX :
On est sur la ligne de plus grande pente, j’ai bien peur que cela ne change rien.
Cette mesure a en partie été dénaturée.
Au lieu que le préfet se prononce sur avis conforme d’une commission d’experts, il le fera sur avis simple d’une commission de composition très large où toutes les parties prenantes à la consommation des terres seront représentées.
Or il est tellement plus facile d’aller empiéter sur les terres agricoles, c’est moins cher et cela demande moins de travail que de rebâtir la ville dans la ville, de réhabiliter les friches, de construire dans les dents creuses, de densifier.
Cela me fait beaucoup penser à la commission d’urbanisme commercial de la loi Royer, elle n’a jamais rien changé au fleurissement des centres commerciaux construits en rez-de-chaussée avec parkings autour, qui dévorent les terres agricoles.
Le gouvernement n’a pas voulu ou pu franchir le pas et a considéré que l’urbanisme était de la compétence locale.
En revanche, les terres agricolessont un facteur de production de l’agriculture, c’est une politique non décentralisée, donc d’État.,
L’État, à travers le préfet, aurait très bien pu présider une commission de protection des terres agricoles à caractère décisionnel.
Avec le projet d’ordonnance prévu par la loi de modernisation de l’agriculture, c’est la solution qui semble prévaloir pour les DOM dont la situation est catastrophique.
Dans vingt ans, si rien ne change, il n’y aura plus de terres agricoles en Martinique. Dans ce cas, c’est l’avis conforme qui a été retenu.
. LOCALTIS : Un nouveau décret du 6 mars prévoit que l’Etat puisse désormais faire appel aux concours technique des Safer, au même titre que les collectivités. Cela permettra-t-il de mieux connaître le phénomène ?
. ANDRÉ BARBAROUX :
Attendu depuis la loi de modernisation de l’agriculture, ce décret ajoute un élément intéressant.
Jusqu’à aujourd’hui, les collectivités territoriales et leurs établissements publics pouvaient faire appel au concours technique des Safer pour gérer leur patrimoine foncier, leur droit de préemption, etc.
Or une collectivité n’était pas prévue : l’Etat.
Le décret corrige cette situation.
Les Safer communiqueront aux préfets les données statistiques relatives à l’évolution des prix et les changements de destination des terres agricoles.
Mais il faut une transmission homogène car il y a quelques différences qu’il va falloir gommer.
Une convention doit être signée avec le ministère de l’Agriculture pour fixer les modalités pratiques mais aussi financières de l’opération.
Un groupe de travail va être mis en place très vite avec le ministère de l’Agriculture pour vérifier que nos données sont bien homogènes entre elles.
Parallèlement, la FNSafer travaille avec les ministères de l’Agriculture et de l’Écologie sur l’élaboration d’indicateurs qui serviront à l’observatoire sur la consommation des terres agricoles prévu par la loi.
Dans tous ces dispositifs, il y a beaucoup de bonne volonté mais ce n’est pas suffisant.
On pense qu’il suffit de faire savoir la situation aux citoyens, aux décideurs, voire de la leur montrer avec un observatoire, pour que tout le monde devienne vertueux.
Mais en la matière, d’autres facteurs jouent.
Les Allemands consomment deux fois moins de terres que nous.
Depuis 1965, ils ont entrepris une réforme communale qui a permis de ramener le nombre des communes à 9.000.
Elles ont toutes plus de 12.000 habitants, ce qui leur permet d’avoir des services d’urbanisme dignes de ce nom. Le maire est plus éloigné des habitants, il a moins de mal à résister aux pressions.
. LOCALTIS : À vos yeux, le Grenelle de l’environnement constitue-t-il un rendez-vous manqué alors qu’il n’a pas permis de rendre les PLU intercommunaux ?
. ANDRÉ BARBAROUX :
L’intercommunalité en France est une feuille de plus dans le millefeuille.
Les mairies ont délégué leurs compétences mais ont trop souvent gardé leur personnel, le coût de gestion pour la nation est maximal.
C’est une illustration de la « composition grenellienne ».
Vous mettez ensemble tous les intéressés, vous pensez que va sortir de là la vérité, le bon choix.
Mais les propositions se trouvent neutralisées les unes après les autres.
Le combat pour la terre reste à mener.
. LOCALTIS : Vous n’êtes pas beaucoup plus tendre avec la taxe additionnelle sur les plus-values de cessions de terres agricoles rendues constructibles, autre mesure de la loi, dont le décret est en attente.
. ANDRÉ BARBAROUX :
Malheureusement, le seul effet de cette mesure risque de faire monter les prix puisque les propriétaires intégreront le coût de la taxe dans leurs prix.
Cela dit, le produit de cette taxe sera consacré à l’installation des jeunes agriculteurs, ce qui constitue objectif de politique agricole et d’aménagement du territoire non contestable.
Propos recueillis par Michel Tendil – Localtis – « Paradoxe du foncier et enjeux pour les structures agricoles », dossier coordonné par André Barbaroux, directeur général de la FNSafer, Demeter 2009.
Commentaires : Malgré la progression de la tache urbaine, la surface agricole utile à La Réunion est maintenue à hauteur de 43.000 ha (43.641 ha en 2005 et 43.072 ha en 2000) dont 25.000 pour la canne, selon les chiffres de l’AGORAH (document daté de 2006).
L’AGORAH précise que « cette stabilité globale résulte d’un équilibre, sur la période, entre des phénomènes de pertes de terres agricoles et de reconquêtes de friches. »
« Ces dernières s’appuient notamment sur l’irrigation dans l’Ouest (Antenne 4 à Saint-Paul et Pointe au Sel à Saint-Leu) et sur la mise en œuvre de la procédure terres incultes à Sainte-Rose ou Saint-Benoît. »
« Cette stabilité de la SAU s’observe depuis le SAR 1995 ».
Une note de l’AGORA (janvier 2011) précise également que « Le territoire Sud fait partie des territoires les plus consommateurs d’espaces entre 1997 et 2008.
Certes, cette croissance de l’espace urbanisé peut s’expliquer en partie par une forte croissance démographique et le défi de répondre aux besoins en logements.
Mais cette croissance traduit aussi la faiblesse des extensions « organisées » et la place importante laissée aux formes individuelles peu denses en continuité ou non du tissu urbain existant.
Parallèlement ce territoire au tissu distendu subit un effet de remplissage de dents creuses plus prononcé mais qui n’apparaît pas suffisant pour contenir l’étalement urbain constaté ».
Les « petites cases à terre » de Didier Robert consomment beaucoup de terrains !
Mais sans doute certains « politiciens » cultivent l’adage « après moi le déluge »…
il ne faut pas reprocher à Didier Robert sa vision de voir les reunionnais, reunionnaises dans une petite case par terre.Qui n’a pas envie sur notre ile, d’avoir son chez soi, une petite case, pas une grande, une petite, 2 chambres pour les enfants, une chambre pour les parents?et son petit jardin pour avoir le sourire ausx levres.Meme mon chien quand il arrive au Tampon dans sa famille reunionnaise faut voir comment il gambade, jamais vu cà.Normal ici il est en appart.
Pourquoi il y aurait que les riches qui devraient avoir droit à belle villa, piscine, et tout le bataclan? Si les animaux realisent c’est ce qui leur faut, nous les humains c’est pire, sinon on se sent frustrés.
Comprendre le souhait de tout un chacun ne justifie pas le positionnement irresponsable d’un élu qui sait que le coût des services liés à l’orientation de ne pas densifier l’habitat coûte cher à la collectivité. Il s’agit donc de vendre très cher le terrain pour la construction individuelle, et favoriser l’habitat collectif qui peut être autre chose en matière de confort de vie que ce qui se fait jusqu’à présent. Sinon, on ment à la population, surtout celle qui n’a pas de moyens de construire et que la collectivité doit aider.
L’aménagement du Tampon, c’est du n’importe quoi… les kaz à terre pour tous les Réunionnais: une promesse démagogique.
mais la préservation des terres, notamment agricoles, est nécessaire. l’article le démontre pour la France, c’est encore plus vrai pour La Réunion; A La Réunion, se pose la question de la construction (pour les agriculteurs) de maisons sur leur terrain agricole. se rajoute divers problèmes (comme celui du morcellement des terrains), la question n’est pas aussi simple.
si le SAR à La Réunion donne les grandes lignes (et jusqu’à ce que Didier Robert s’en mêle) gardait les équilibres (urbanisation, agricole, industriel ), les SCOT et les PLU devraient apporter plus de précision. ce n’est pas toujours facile pour des élus municipaux de ne pas déclasser des terres agricoles, compte tenu de la nécessité de construire et d’autre part, de la pression des propriétaires agriculteurs.
il est tout à fait raisonnable de penser que le juste équilibre à trouver, pour la prise de décision concernant la vocation des terres, est celle de l’intercommunalité (SCOT). d’autant plus que c’est au niveau des EPCI que va se jouer les jeux de pouvoirs dans quelques temps