Éducation : 40.000 postes supprimés mais pas d’économie !

 

   « Tout ça pour ça ! »

Non, il ne s’agit pas d’un énième article sur le remaniement mais plutôt sur les sous-économies réalisées grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans l’éducation nationale.

 

Pour mémoire, 40.700 postes d’enseignants ont été supprimés depuis la rentrée 2008.

Le budget 2011, prévoit 16.000 autres suppressions pour la rentrée prochaine.

 

Or un rapport de la Cour des comptes, pour la commission des finances de l’Assemblée nationale, vient de révéler qu’en 2009, l’économie nette induite par ces suppressions dans l’éducation nationale, qui représente tout de même près de la moitié de la masse salariale de l’Etat, n’a été que de 138 millions d’euros.

 

Une paille par comparaison avec les 15 milliards d’euros d’économies qu’une réforme des niches fiscales pourrait rapporter.

Et avec les 100 milliards d’économies promises d’ici 2013 à Bruxelles.

 

Au total, révèle la Cour des comptes dans ce rapport sur les conditions d’une stabilisation en valeur de la masse salariale de l’État, les 13.500 suppressions de postes de la rentrée 2009 ont permis d’économiser 396 millions d’euros.

 

Mais d’une part, une partie des gains (138 millions d’euros) a été reversée aux enseignants sous forme de primes. Cela reste moins que prévu puisque le gouvernement avait promis de redonner la moitié des gains de productivité aux fonctionnaires.

 

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L’augmentation du coût des heures supplémentaires

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Et d’autre part, sur la même période, le coût des heures supplémentaires a augmenté de 120 millions d’euros dans l’éducation.

 

Calcul : 396 millions (économie annoncée) moins 138 millions (primes) moins 120 millions (heures sup), cela donne 138 millions d’euros d’économie réelle.

 

« On supprime des postes mais comme il faut assurer le fonctionnement du système scolaire, on impose des heures supplémentaires, » explique Fabienne Bellin, secrétaire nationale responsable de la politique scolaire au Snes.

 

« D’une part, une heure supplémentaire payée à un prof revient moins cher qu’une heure poste, d’autre part ça permet de respecter l’affichage du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et c’est dans la logique du travailler plus pour gagner plus. »

 

D’autant que ces heures n’engagent pas le ministère sur le long terme.

« Créer un poste, c’est aussi créer une retraite, etc., tandis que l’on peut abandonner des heures supplémentaires d’une année sur l’autre », expliquait déjà en 2008 Patrick Gonthier, secrétaire général de l’Unsa-éducation.

 

Le coût des heures supplémentaires dans l’éducation nationale est ainsi passé de 960 millions d’euros en 2007 à 1,286 milliard en 2010.

 

Il faudrait ajouter à ce chiffre leur coût pour les finances publiques, puisque ces heures supplémentaires ne font l’objet d’aucun prélèvement fiscal ou social.

 

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Économies de bouts de chandelle

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« D’un côté on supprime 16.000 postes et tous les crédits de formation initiale et continue des profs, de l’autre, pour boucher les trous, on augmente le nombre de vacataires et d’heures supplémentaires », regrette Yves Durand, député socialiste, co-rapporteur de la mission parlementaire sur les rythmes scolaires.

 

« On fait là des économies de bout de chandelle, mais il y a aussi une politique tout à faite consciente de dévalorisation du service public car les suppressions sont plus importantes dans le public que dans le privé. »

 

Le budget 2011 suit le même chemin puisqu’il prévoit 16.000 nouvelles suppressions de postes (8.967 dans le primaire et 4.800 dans le secondaire, 600 dans l’administration et 1.633 dans le privé sous contrat), malgré l’augmentation prévue de 63.400 élèves, et près de 1,45 milliard d’euros pour les heures supplémentaires.

  

Au passage, lors d’un décompte de ses effectifs le ministère vient de « retrouver » fort opportunémenent 20.000 emplois.

 

Dans Les Echos, Philippe Marini, rapporteur général (UMP) du budget au Sénat, s’interroge sur la possibilité de corrections « gonflées » pour afficher plus facilement les suppressions de postes demandées.

 

Selon Fabienne Bellin, seul le discours change.

 

« Jusqu’ici le gouvernement se justifiait par la démographie, l’amélioration de l’utilisation de la gestion des remplaçants, etc., cette année, à court d’arguments, il ne dit pas à quel titre il supprime les emplois et demande aux recteurs de trouver sur le terrain les gisements d’emplois », note Fabienne Bellin.

 

C’est encore l’ancien directeur des ressources humaines de L’Oréal et actuel ministre de l’éducation nationale, Luc Chatel, auditionné en commission élargie à l’Assemblée nationale le 2 novembre, qui résume le mieux la méthode :

« Somme toute, nous ferons l’année prochaine ce que fait n’importe quelle organisation humaine, n’importe quelle entreprise, n’importe quelle administration : faire confiance à ses cadres intermédiaires pour examiner comment rendre le système plus efficace à moindre coût. »

 

Article de Louise Fessard 

 

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