Lu dans le Nouvel Obs : l’économie vue par Mme Le Pen


À lire, une intéressante chronique de Laurent Scholaers.

 

« La nouvelle présidente du FN était l’invitée du 20h de France2, hier soir.

En quelques instants, elle a montré le plus clairement et le plus candidement du monde la profondeur de l’idéologie d’un parti dont le succès ne repose que sur une communication populiste et sur des arguments de comptoirs.

 

Des arguments que les électeurs comprennent… mais qui sont faux. Et il ne faut pas se torturer les neurones fort longtemps pour imaginer vers quel monde ce parti nous mène.


Je vous invite d’ailleurs à consulter le livre de Jean-Pierre Le Goff, la Démocratie post-totalitaire, et ses références à l’œuvre d’Hannah Arendt qui s’est attachée à démontrer le fonctionnement des régimes totalitaires et leur communication.

Ces régimes, comme les religions d’ailleurs, transmettent leurs idées de manière à ce que leurs ouailles évitent, autant que possible, de penser.

 

Les arguments sont intégrés via des mythes et des chants, des idées courtes dont on ne peut douter mêmes si leur énormité ne résisterait pas à une fraction de seconde de réflexion lucide.

Sur le même thème, vous pouvez également vous tourner vers un livre plus compliqué mais d’une extraordinaire actualité: Propaganda de Edward Bernays (1928).

 

Revenons aux propos de Madame la Présidente qui, je n’en doute pas, vont faire le tour du web…

 

Alors qu’elle se vante d’être entourée d’éminents spécialistes et économistes, elle annonce une sortie de l’euro et un désendettement total de la France dès 2025, si son parti arrive au pouvoir.

 

En fait, il y a un truc. Un truc de magicien pour faire rêver les enfants.

Déjà, cette dette… Eh bien, si la France n’avait pas emprunté sur les marchés internationaux depuis 1973, elle aurait économisé 1300 milliards d’intérêts !

 

On se demande où elle aurait trouvé l’argent pour financer les infrastructures et les entreprises de pointe qui font, aujourd’hui, la fierté de la France (nucléaire, TGV, la participation aux programmes Ariane et Airbus, etc.).


On imagine bien qu’elle aurait imprimé ses chers vieux francs en plus grosse quantité et qu’en économie fermée, l’inflation et le taux de change auraient été le moindre de ses soucis.

 

Mais ça ne suffit pas. Les réserves du pays auraient été vite épuisées et les investissements réduits à leur plus simple expression, sans parler des mécanismes de solidarité (sécurité sociale, chômage, etc.).

 

Or, les importations auraient été beaucoup plus coûteuses (taux de change) notamment pour les denrées alimentaires et les machines, produits et connaissances qui permettent d’atteindre des rendements élevés, le pétrole ( !), les exportations moindres (pas de produits de pointe attrayants puisque les investissements en R&D auraient été fortement réduits), l’économie intérieure vite asphyxiée.


Et dans ces conditions, les individus disposant de moins de pouvoir d’achat n’auraient pas pu compenser l’absence de moyens attribués à la solidarité pour financer leur santé et les inévitables accidents de la vie.

 

D’ailleurs, le pays n’aurait pas eu les moyens de développer les centres de recherche, les hôpitaux, les moyens de communication et de transports qui permettent aujourd’hui de battre des records de longévité.

 

Mais a-t-on besoin de vivre plus de 80 ans ? N’est-ce pas M. Le Pen ?

 

C’est un fait, l’endettement du pays aurait évidemment dû être moindre, contenu, correctement orienté (vers la recherche, l’enseignement, les technologies,… plutôt que vers les frais de fonctionnement de l’Etat), mais il était indispensable, autant que la recherche de capitaux sur les marchés étrangers et le paiement d’intérêts.


La mondialisation a des conséquences dommageables pour nos économies mais elle est aussi une chance ; à nous d’y trouver notre place.

Quant au remboursement de cette dette, à part dénoncer les contrats en cours et refuser de payer leur dû aux créanciers, je ne vois pas bien comment elle ferait.

 

Emprunter auprès de la Banque de France ? C’est à se claquer un zygomatique, non ?

Mais je pense que le projet est clairement de ne pas rembourser et, donc, de se fermer aux marchés financiers puis, inévitablement, à une partie des échanges commerciaux.


Des centaines de milliers d’emplois seraient perdus, une politique d’austérité drastique serait alors indispensable avec, pour conséquence, une fuite des capitaux d’une part, et une réduction des mécanismes de solidarité, d’autre part.

Le FN fera fuir les riches, appauvrira les classes moyennes et achèvera les pauvres !

 

Quand on pense qu’il chasse désormais aussi parmi les désenchantés de gauche et les anciens communistes… Il est temps d’ouvrir les yeux, vous ne trouvez pas ?

Le Pen père disait récemment que son parti était un parti d’opposition et qu’en 2002, il aurait été bien embêté s’il était arrivé au pouvoir. Je n’en doute pas.  

 

Et d’ailleurs, je suis certain qu’il en irait de même en 2012, 2017,…

Il est déjà assez nuisible dans l’opposition, autant ne pas prendre le risque de le mettre au pouvoir !


Et vous aurez remarqué que nous n’avons même pas parlé de sécurité, d’immigration ou de tout autre sujet qui fâche, n’est-ce pas ? »

 

Laurent Scholaers 19 01 2011

                                                                                                                                                                                      

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4 Commentaires sur

Lu dans le Nouvel Obs : l’économie vue par Mme Le Pen

  • EricNo Gravatar |

    pour une fois, je ne suis pas d’accord avec vous M. Vergès, parce que plus on parle de Lepen plus on lui accorde de la valeur… que ce parti n’a pas vraiment
    mais il est quand même indispensable d’expliquer non seulement les glissements électoralistes de ce parti, puisque Sarkozy s’occupe d’immigration et de sécurité

  • ùXBäNo Gravatar |

    c’est clair ! le fn ne sait et ne peut qu’éructer
    des propos à l’emporte-pièce , genre  » yaka « ou
     » fokon  » haineux..dès qu’il s’agit de présenter un programme ou de dérouler un argumentaire on voit bien que c’est juste n’importe quoi !
    le discours d’investiture de la pen au fn a été caractéristique selon tous les observateurs , passé les traditionnels  » tous pourris , tous dehors  » etc..il n’y a rien que du creux et du vide , totalement ridicule et stérile !
    la bonne stratégie pour réduire l’influence du fn serait-elle de les faire parler plus longuement et en détail de leur  » programme  » ? peut-être !
    mais à qui profite la manipulation de l’infâme marionette ? car comme l’a dit Fabius en son temps , le fn soulève parfois de vraies questions mais propose des « solutions » disons…absurdes !
    à force d’avoir nié les problèmes qu’il soulevait dans une forme  » d’angélisme  » on lui a laissé la  » propriété intellectuelle  » d’un certain nombre de problématiques , comme la sécurité ou l’immigration , qu’il n’est plus possible de considérer avec lucidité sans être taxé de collusion avec eux..ce que sarko n’a pas hésité à faire en 2007,et en rajoutant une couche!
    Si la gauche prétend représenter une alternative crédible , elle ne pourra se défausser d’aborder
    ces problématiques  » chaudes  » , mais de manière responsable et humaine , faute de quoi la défaite lui tend les bras en 2012 !

  • TwiggyNo Gravatar |

    Ouaouh ! On voit la profondeur de la pensée « économiste » (économe ? minimale ?) de Mme Le Pen. Qu’elle reste définitivement dans l’opposition, elle nous déridera dans les moments de crise : « Tu connais la dernière de Marine Le Pen ? »…

  • GéraldineNo Gravatar |

    Comme vous l’avez si bien indiqué, Monsieur Vergès, nous ne sommes pas censés « décortiquer » (le mot est trop fort, je sais) les propos de Mme Le Pen, car lorsque l’on le fait, on est vite désespérés de la bêtise que cela traduit…

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