La commission d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ou le constat des liaisons dangereuses entretenues avec des laboratoires pharmaceutiques

 

Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines, le scandale du Mediator a révélé de graves disfonctionnements dans la chaîne française du médicament.

 

Une des illustrations des dérives du système est caractérisée par le fonctionnement de la commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM).


Ainsi, selon le rapport de l’Igas sur le Mediator,

« Ce cœur ne fonctionne pas.

Il est certes mal alimenté, par des expertises biaisées.

Mais son indépendance propre est également en cause alors que cette commission a la lourde tâche de proposer qu’un médicament soit autorisé, puis, en cas d’alerte, qu’il soit retiré du marché. »

 

Comment envisager une indépendance des membres de cette commission, qui ont la lourde tâche de juger les médicaments, quand ces membres ont des liens financiers directs avec les laboratoires ?

 

Selon Mediapart,

« …Depuis la remise du rapport, le ministre Xavier Bertrand a déclaré que les professionnels de santé devaient rendre publics leurs intérêts éventuels avec les labos.

Le problème, c’est que concernant les membres de la commission d’AMM, cette transparence existe depuis la fin des années 1990.

Et qu’elle n’a visiblement rien réglé.


La commission d’AMM a un rôle décisif : donner un avis impartial au directeur général de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).

 

Elle est composée de trois membres de droit (le directeur général de la santé, le directeur général de l’Afssaps, le directeur de l’Inserm),

assistés de cinq membres représentants des commissions compétentes en matière de médicament (commission nationale de la pharmacopée, de la transparence, de la pharmacovigilance, des stupéfiants, et de la publicité des recommandations sur le bon usage des médicaments).

 

Cette commission est complétée par 30 membres titulaires nommés par le ministre de la santé pour une durée de trois ans.


Depuis 1993, chacun de ces membres est tenu de faire une déclaration d’intérêts sur l’honneur, rendue publique depuis 1998, au moment de son entrée en fonction.

Ils doivent la renouveler annuellement.  


L’objectif est de gérer les conflits d’intérêts qui

«naissent d’une situation où l’intérêt personnel d’un expert, d’ordre financier, professionnel ou familial, est objectivement susceptible d’influencer l’exercice impartial de sa mission d’expertise».

 

Dans sa déclaration, chacun des membres mentionne donc ses liens, directs ou indirects, avec les entreprises et les organismes intervenant dans le secteur de la santé.

 

Résultat : selon le site Mediapart, qui s’est intéressé aux activités de ces membres,

« seuls deux des 30 membres de la commission déclarent n’avoir pas du tout reçu d’argent des laboratoires au cours des cinq dernières années !

 

Trois autres ont reversé les sommes à leur institution (hôpital, etc.) ou à une association.

Deux membres ne donnent pas d’indication sur ce qu’ils ont fait de certaines rémunérations.

 

Les 23 autres ont personnellement touché de l’argent des laboratoires. »


Le docteur Michel Biour estime que

«Le problème, c’est le niveau d’expertise des commissions. Les industriels recrutent les meilleurs, les leaders d’opinion, qui ont une renommée internationale. La commission peut-elle s’en priver ? »

 

Le sénateur du Parti de Gauche François Autain, spécialiste de la santé, en a une, radicale :

«Il faut couper le lien entre ceux qui travaillent pour l’Etat et ceux qui travaillent pour les laboratoires.

Ce ne sont pas des surhommes.

En travaillant pour les deux, commment peut-on être libre et indépendant ? 

Et il ne faut pas exagérer : pour être experts à l’Afssaps, on n’a pas besoin des tout meilleurs.»


Le docteur Christian Riché, membre de la commission a renoncé à tout lien avec les laboratoires depuis 1998.

Il justifie sa position en précisant que

« ce n’est pas parce qu’on travaille pour les laboratoires et donc qu’on est en situation de conflit d’intérêts qu’on est malhonnête.

Mais il ne faut pas se mettre dans cette situation: c’est le seul moyen de se protéger de soi-même et de la façon dont la société vous voit.»

 

Ce médecin se sent exclu du système depuis qu’il n’a plus de liens avec les labos :

«Quand on coupe, on coupe.

Presque toute la formation continue est payée par les labos.

Donc on ne peut plus faire un seul essai, une seule étude.

Aller à des congrès devient quasi impossible. »

 

Il note l’impuissance des acteurs faute d’intervention de la puissance publique :

« Quand les laboratoires invitent les cardiologues du monde entier à un colloque, si je demande à mon administration de me payer le billet et l’hôtel, ils n’ont pas les crédits. 

Or pour publier, il faut aller à des congrès.

Si on ne travaille pas avec les labos, aujourd’hui, il n’y a pas de survie possible dans le système.»

 

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1 Commentaire sur

La commission d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament ou le constat des liaisons dangereuses entretenues avec des laboratoires pharmaceutiques

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    les étroites relations entre une partie du corps médical et les laboratoires ne sont pas un élément favorisant l’indépendance du premier vis à vis du second
    et les relations du hobby pharmaceutique avec le pouvoir sont extrêmement fortes
    et si l’on nationalisait l’industrie pharmaceutique?

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