Entretien du 15 mai avec Zinfos974 : la retranscription intégrale

Cilaos  Le 15 mai 2014, j’ai eu un entretien avec la journaliste de Zinfos974. Cela concernait principalement la politique touristique.

J’ai été interrogé en tant qu’ancien président de l’IRT de décembre 2007 à Mars 2010. Je tiens à remercier le site de Zinfos974 pour m’avoir interrogé.

Devant l’impossibilité bien compréhensible de ce site de retranscrire intégralement le contenu de cet entretien, je le fais bien volontiers sur mon blog. J’ai pris la liberté d’en faire une traduction écrite, édulcorée des formules inhérentes au langage parlé, et d’insérer des intertitres pour en faciliter la lecture.

Maëlys Peiteado (pour Zinfos974) : Pierre Vergès, vous avez été président de l’Île de La Réunion Tourisme. Quel regard portez-vous sur l’action menée par celle qui vous a succédé, Jacqueline Farreyrol ?

Pierre Vergès : Je ne souhaite pas attaquer Mme Farreyrol. Elle ne fait qu’incarner une structure qui était sous l’autorité et le contrôle direct du président de Région Didier Robert. C’est donc une équipe qui a géré cette structure pendant ces 4 années.
Je dirai simplement que, comme cela a été aussi le cas au Sénat, elle n’a pas fait preuve d’une efficacité redoutable.
Je crois que c’est parce qu’on est parti sur de mauvaises bases à partir de 2010.
Pour bien comprendre ce que je dis, je prendrai un premier exemple.

L’ABSENCE D’UTILISATION DU PATRIMOINE FONCIER DE LA REGION

La Région dispose d’un patrimoine foncier et immobilier.
En face de l’Evêché, là où réside l’évêque Mgr Aubry, il y a deux immeubles qui appartiennent à la Région.

Ce sont de vieilles cases d’architecture créole. L’une a été rénovée et sert de lieu d’exposition.

L’autre est toujours dans l’attente d’une rénovation. Cela se voit. Tout le monde qui passe rue de Paris, peut le constater, c’est à l’angle de la rue de Paris et de la rue Mgr de Beaumont.

Cet immeuble est sur un terrain qui fait environ 900 m2, ce qui n’est pas rien.
Nous avions, avant que le sort n’en décide autrement, prévu que l’IRT puisse intégrer cet immeuble à rénover appartenant à la Région. Avec à l’arrière la possibilité de structurer beaucoup plus l’espace pour avoir des bureaux suffisants pour y accueillir notamment l’IRT.

L’objectif était simple : puisque ça appartient à la Région, même si on paye un loyer, cela rentre dans les caisses de la Région, puisqu’il s’agit de son patrimoine. Et c’est donc une opération qui est teintée d’économie.

La Région et l’IRT en ont décidé autrement. A l’époque, vous-même ou d’autres sites de presse, en avez parlé : un peu plus de 900 000 euros sont dépensés chaque année dans des loyers, notamment pour des locaux à Savannah Saint-Paul.

900 000 euros multipliés par 4 années, cela fait 3 600 000 euros. Avec ça, on ne va pas acheter quelque chose. Mais on peut largement rénover ces bâtiments rue de Paris, et y intégrer l’IRT. Cela éviterait à la Région de subventionner des loyers onéreux de l’IRT.

Cette exemple illustre l’incapacité et l’incompétence, à moins qu’il y ait d’autres intentions inavouées, mais que je ne pourrai pas avancer parce que justement c’est incompréhensible.

L’ACCESSIBILITE DE L’ÎLE ET LE PROBLEME DES VISAS

Deuxième exemple : lorsque je parle d’incohérence dans le positionnement de la Région et de l’IRT sur la stratégie touristique, je ne prendrai qu’un élément pour l’illustrer : le problème de l’accessibilité de La Réunion pour des touristes étrangers.

Et notamment pour ceux qui viennent d’Afrique du Sud. Il y a un avion de la compagnie aérienne Air Austral desservant Johannesburg, qui est à peu près plein dans le sens Réunion-Johannesburg, mais quasiment vide pour le retour, hormis les touristes réunionnais.

J’avais souligné que la bataille principale à propos de l’Afrique du Sud était celle concernant les visas. Notamment parce qu’il y a des accords permettant aux Australiens de venir plus facilement à La Réunion, avec une délivrance plus facile des visas, au contraire des Sud-Africains.

J’avais, sous forme de boutade, exprimé cette interrogation : comment empêcher les gens de penser qu’en Australie, à part les Aborigènes, il n’y a pas beaucoup de gens de couleur ?

Alors, pourquoi l’Australie bénéficie de cette faveur alors que ce pays est bien plus éloigné de La Réunion que l’Afrique du Sud ?

MON REFUS DE SIGNER LA CHARTE DE DESTINATION TOURISTIQUE

Et c’est en ayant ces éléments, outre ceux concernant l’Inde et de la Chine, que j’avais refusé la signature d’une charte de destination touristique.

Et ce bien qu’étant à l’initiative de la demande d’une telle charte auprès de l’Etat avec l’objectif de redonner confiance aux acteurs professionnels de ce secteur.

Cette charte permettait d’identifier les obligations de chacun.

Combien la Région, compétente en matière de tourisme, est-elle prête à mettre financièrement sur la table ? Quelles sont les initiatives qu’elle prendrait pour faire la promotion de La Réunion ?

La Réunion est un territoire où la propriété domaniale du Département est importante. Le Département a ainsi la gestion d’une grande partie de l’intérieur de l’Île.
Que pourrait faire le Département, dans des délais fixés par un calendrier établi, pour la réalisation du PDITR, le plan départemental des itinéraires touristiques de randonnées ?
Le Département aurait dit : « nous ne pouvons pas faire ça en une année, car nous avons plus de 800 kilomètres de pistes de randonnées ».
Donc, le problème est d’identifier en combien de temps cela se fera.

Et l’Etat, dans la charte de destination touristique, devait s’engager sur un certain nombre de points, notamment la facilitation des visas.

LE REFUS DE L’ETAT DE RECONNAÎTRE UNE DEMANDE LEGITIME

On ne peut pas du jour au lendemain penser que l’Etat accepterait qu’il n’y ait plus de contrôle accru pour les étrangers.
Pour les ressortissants des pays ciblés, par exemple l’Inde, l’Etat aurait pu dire « laissez-nous un délai, un an deux ans ou autres ».

Mais le délai aurait été fixé.

Pourtant, au terme de la négociation, l’Etat avait refusé d’inscrire cela dans la Charte.
J’ai alors, en tant que président de l’IRT, et en accord avec la Région, déclaré qu’il était hors de question en ce qui nous concerne de signer une telle charte en l’état.

Certains acteurs professionnels, et les représentants actuels de la Région, ont fustigé à l’époque le président de l’IRT, traité d’irresponsable parce que nonobstant le problème des visas, il y aurait eu des possibilités d’avancer.

Et 4 ans après, qu’est-ce que je lis comme déclaration dans la presse de la part de Patrick Serveaux, nouveau président de l’IRT soutenu par Didier Robert, président de Région ? Celui-ci déclare que le problème principal pour le tourisme à La Réunion est la complication dans la délivrance des visas, ne facilitant pas l’accessibilité de notre Île.

Alors, il faudrait savoir !

LA MAUVAISE SOLUTION D’INTEGRER L’ESPACE SCHENGEN

Et quand à l’époque, le Secrétaire d’Etat au Tourisme (Hervé Novelli), pour essayer de « temporiser » devant ma position ferme, promettait d’envisager d’intégrer La Réunion dans l’Espace Schengen, à mon avis, c’était encore une fois « rouler les Réunionnais dans la farine ».

En effet, nous avons au contraire la chance de ne pas être dans l’Espace Schengen.
La raison de notre « exclusion » vient de l’assimilation du statut des départements d’outremer, au cas de la Guyane où l’immigration non contrôlée est plus facile sur ce territoire de 90 000 kilomètres carrés.

Donc, nous disons vouloir rester hors espace Schengen.

Mais la délivrance plus aisée des visas, non pas pour tous les pays (par exemple pas pour les pays dits « à risque » du fait du danger du terrorisme), est envisageable pour des pays comme l’Afrique du Sud, la Chine ou l’Inde.

Ainsi, la France aurait pu, et pourrait encore, cibler des pays pour lesquels la délivrance des visas serait facilitée, avec bien sûr quelques conditions, par exemple sur les capacités financières des demandeurs de visas. Les autorités du pays concerné peuvent le faire, en cas d’accord avec la France.

Et quand on n’est pas dans l’Espace Schengen, c’est un avantage à saisir dans le cadre du tourisme. En effet, l’Espace Schengen consacre un statut qui permet la libre circulation des personnes étrangères, titulaires d’un visa pour un pays membre de l’Union Européenne, sur l’ensemble des pays de l’UE, SAUF les départements d’outremer.

LE FAUX PRETEXTE D’UN RISQUE D’IMMIGRATION NON CONTRÔLÉ

En effet, il y a aujourd’hui un problème d’immigration non contrôlée en Europe. On le voit bien avec l’immigration clandestine en Italie, à partir de Ceuta et Melilla.
Nous, à La Réunion, n’avons pas ce problème.

Quelqu’un qui aurait l’idée avec un visa de venir à La Réunion dans le but de partir après en France continentale, et puis en Europe, déchanterait aux contrôles de Police des Frontières à Gillot, car il lui serait signifié que La Réunion ne faisant pas partie de l’Espace Schengen, il lui est impossible de rejoindre l’Europe sans un visa pour l’un des pays d’Europe.

Donc, l’argument selon lequel faciliter la délivrance des visas poserait un problème d’immigration clandestine pour la France, c’est essayer de faire croire qu’on serait revenu à l’époque du « marronnage », où on verrait des Chinois, des Indiens ou des Sud-Africains se cacher dans la forêt de La Réunion.

Cette remarque ne tient pas, mais c’est à la hauteur même de la bureaucratie qui nous bloque.

L’EXIGENCE D’UN FRONT COMMUN DE TOUS LES REUNIONNAIS

J’attends de voir. Mais la stratégie qui devrait être adoptée, c’est celle d’un front commun de tous, toutes tendances politiques confondues, pour dire à l’Etat :

« Cela suffit maintenant, c’est vous qui bloquez la possibilité d’ouvrir le marché réunionnais aux touristes étrangers. Et nous vous demandons de nous dire dans quels délais vous comptez lever ces obstacles pour des pays cibles dont la désignation fera publiquement l’objet d’un débat entre l’Etat, les élus réunionnais et les acteurs professionnels du tourisme ».

Même si je considère que la Région et l’IRT ont fait preuve d’incompétence et d’incohérence. Je ne vois pas ce qui est compliqué là-dedans.

Nous avons perdu du temps.
Nous aurions pu avoir ce front commun avant 2010.

Troisième exemple : nous avions opté pour la diminution des dépenses de communication et de promotion par affichage.

DES SPOTS SUR LES TELES ET RADIOS A DES HEURES DE GRANDE ECOUTE

Avec l’accord des professionnels, nous nous étions orientés vers la promotion de l’Île par des spots télévisuels et radiophoniques sur les grandes chaînes nationales.

Cela a un coût. Mais ce coût est supporté en partie par l’Europe qui était d’accord sur une telle démarche, sur les fonds du FEDER (fonds européens de développement régional).

Cette campagne est passée sur des chaînes comme TF1, Antenne 2, des radios comme France Inter, RTL, Europe 1…
Et les gens ont pu voir cette île en ce disant : « finalement, ce n’est pas si mal ! ».

Et on avait opté pour deux messages : La Réunion est un des rares territoires au monde où la visiter sans connaître la population n’a pas de sens. De plus, c’est un territoire marqué par l’histoire de cette osmose entre la population et l’espace, puisque vous avez même des endroits habités inaccessibles en voiture, Mafate par exemple.

C’est donc bien sur l’intérieur de l’île qu’il faut axer ce message.

Et j’entendais récemment une restauratrice de Boucan Canot faire une remarque de bon sens : d’abord l’intérieur de l’île, mais à un moment donné, ces personnes vont bien descendre sur le littoral pour pouvoir notamment s’adonner aux activités nautiques et se restaurer. Donc on pourra gagner un peu là-dedans.

SAVOIR POSITIONNER LA REUNION

Il faut savoir positionner La Réunion.

La Réunion n’est pas compétitive au niveau de ses plages par rapport à d’autres territoires aux plages paradisiaques.
Mais il est hors de question de dire qu’il n’y a pas de plages à La Réunion.

Il n’en demeure pas moins que c’est vers l’intérieur majestueux de l’île qu’il faut s’orienter.

Et le pire, c’est que La Réunion est reconnue comme un des « hot spots » (points chauds) de la biodiversité au niveau mondial, parce que nous avons des espèces endémiques rares au point pour l’UNESCO de consacrer les pitons, cirques et remparts au patrimoine mondial de l’humanité.

Je ne comprends pas qu’on ne communique pas plus fortement là-dessus.

D’autant que cet intérieur de l’île, si pour y parvenir on mettait 5 heures comme c’est le cas dans d’autres pays, je comprendrais que cela pose un problème de communiquer dessus.

Mais on est parfois à une demi-heure de ces hauts de l’île qui sont aménagés. Je ne comprends pas.

C’est donc l’image de ces pitons, cirques et remparts majestueux qu’on a pu développer avec l’aide de l’Europe, ce qui explique la multiplication des chambres d’hôtes, gîtes et autres fermes auberges.

Je voudrais faire une remarque là-dessus quand certains disent que ce n’est pas de l’industrie touristique.
Quand il y a des problèmes de saisonnalité et de conjoncture et qu’il y a une baisse de la fréquentation touristique, financièrement c’est plus supportable pour des petites structures que pour des grosses qui ont des frais généraux et des charges de personnel plus lourds.

Certains s’interrogent aussi sur le niveau de confort de ces petites structures.
Pour celles et ceux qui fréquentent régulièrement ces structures, le constat est clair : avant, vous n’aviez pas l’internet, maintenant vous l’avez. Avant, vous n’aviez pas une bonne télévision, aujourd’hui il y en a même à écran plat. Aujourd’hui les chambres sont de qualité. Et à propos du personnel, dans ces structures vous avez une approche familiale, les gens s’occupent de vous.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas parfois des couacs, comme dans les grandes structures !

Je retiens surtout qu’il y a une passion qui anime les personnes qui ont ces petites structures. Elles marchent bien grâce aussi au tourisme intérieur.
Tous ces éléments du tourisme intérieur doivent être valorisés.

SAVOIR VALORISER LES ACTEURS DU TOURISME

Quatrième exemple : valoriser les acteurs du tourisme.

Pour valoriser le travail de ces acteurs touristiques, j’avais décidé de la création d’un bulletin de liaison avec eux.
C’était la lettre mensuelle de l’IRT.

Dans cette lettre de 8 pages, outre mon éditorial en tant que président de l’IRT qui faisait à peine un tiers de page, la parole était donnée aux acteurs institutionnels (département, communautés d’agglomérations…) mais surtout aux acteurs professionnels, surtout ceux exploitant des petites structures, qui donnent le cachet particulier au niveau touristique à La Réunion.

Où est la lettre de l’IRT ?

De plus, lorsqu’il y a eu la crise du chikungunya, Dieu merci, les Réunionnais ont soutenu le secteur touristique en fréquentant ses structures. Car il y avait eu une sacrée baisse de la clientèle touristique, affinitaire ou autre, venant de l’extérieur.

Si vous avez ce geste de solidarité de la population réunionnaise pour ce secteur, il faut l’honorer.

Ce qui explique que nous avions instauré chaque année la fête du tourisme local, où nous aidions les acteurs et les structures, en donnant aussi des prix à des Réunionnais qui aiment prendre leurs week-ends dans ces structures d’hébergement.

Aujourd’hui, cela n’existe plus.

Ce n’est plus la préoccupation de l’IRT.

LA DISPARITION DU COMITE D’ORIENTATION

Un autre exemple l’atteste : la crise du chikungunya avait conduit à des tensions entre les acteurs du tourisme en crise et les institutionnels, en premier lieu la Région, compétente en matière de tourisme.

On m’avait demandé (notamment le préfet de l’époque Pierre Henri Maccioni en janvier 2007 lors de la signature des Accords de Matignon entre la Région et l’Etat) avec la SR21 de travailler à redéfinir les conditions d’une reprise de l’activité touristique en réinstaurant la confiance entre les acteurs du tourisme et la Région.

On m’a ensuite sollicité pour prendre la présidence de cette structure, l’IRT, qui remplaçait le comité de tourisme régional.

Nous avions consacré une gouvernance qui restait sous maîtrise de la Région, laquelle assume la quasi totalité du budget de cette structure, les privés n’apportant rien. C’est tout le contraire à l’Île Maurice.

Il y avait ainsi des administrateurs qui étaient des personnalités du monde du tourisme désignées par le président de Région, mais qui après devaient avoir l’accord des autres acteurs professionnels administrateurs.

Le « contentieux » entre la Région et les acteurs du tourisme étant plutôt celui de la Région avec les grosses structures, c’est vers eux que nous nous sommes tournés pour la gouvernance, car ils réclamaient plus de représentation, mais aussi d’implication.

Les petites structures n’avaient pas vraiment une juste place (ni avant 2007 d’ailleurs).
C’est la raison pour laquelle, en accord avec la Chambre de commerce, qui était représenté par Paul Caro, nous avons mis en place un Comité d’orientation.

Ce comité n’avait pas de pouvoir décisionnel, mais pouvait donner son point de vue, faire partager ses problématiques, parce que ces gérants de petites structures sont également des acteurs importants du tourisme à La Réunion.

Où est le Comité d’orientation ? Disparu !

Tous ces exemples ne plaident pas en faveur d’un bilan positif de l’IRT pour ces 4 années passées.

DE 286 000 TOURISTES EN 1987 A 471 000 EN 2010 ET 55 000 TOURISTES EN MOINS DEPUIS 2011

Et pour conclure, je voudrais signaler que lorsque nous avons pris en main l’IRT, en remplacement du CTR, le comité de tourisme de La Réunion, les chiffres de fréquentation étaient de 286 000 touristes en 2006.

Ils sont remontés à 421 000 en 2009, soit proches des 432 000 qui était le meilleur chiffre jamais atteint avant la crise du Chikungunya.

Et dans la foulée de notre politique, les chiffres de 2010 ont été de 471 000 touristes.

On ne peut pas venir me dire que ce sont les fruits récoltés du travail du roi du nougat Didier Robert. Roi du nougat car il s’était fait honorer comme tel à Montélimar au début de son mandat en 2010.

En fait, à partir de 2011, badaboum ! Les chiffres de fréquentation touristique sont redescendus de 55 000, pour arriver en 2013 à 416 000 touristes.

Et j’ai peur, mais je souhaite avoir tort, que l’année 2014 soit pire encore que 2013.

ARRÊTER LA POLITIQUE DE L’ESBROUFE

Alors, il faut arrêter l’esbroufe, les voyages aux Îles Seychelles ou à Adelaïde en Australie.

Il faut travailler concrètement et restituer des résultats.

A titre d’exemple, je faisais une conférence de presse quasiment tous les mois, non pas seul, mais avec mes collègues administrateurs, acteurs publics comme acteurs privés professionnels.

Aujourd’hui, je ne vois plus trop cette information, à part quand il y a un salon ici ou là.

A ce propos, je me rappelle des attaques ridicules du style « l’IRT est une association « bat’karé ».

Aujourd’hui, il est aisé pour des journalistes de demander les chiffres des sommes consacrées aux voyages pour aller à des salons, à des foires ou autres, par l’ancienne équipe de l’IRT et les chiffres pour la période d’après mars 2010.

Pour tout cela le bilan est désastreux.

Maëlys Peiteado : En fait, vous critiquez un manque de communication approprié ?

Pierre Vergès : Manque de communication appropriée, sabotage de ce qui se faisait avant leur arrivée.

Maëlys Peiteado : Que pensez-vous de la désignation d’un acteur privé à la présidence de l’IRT ?

Pierre Vergès : Le fait de désigner un acteur privé à la tête de l’IRT ne change rien à l’affaire, bien au contraire.
Car qui définit la politique du tourisme à La Réunion, sinon la Région qui apporte les crédits ?

C’est trop facile de reporter aujourd’hui la responsabilité sur un privé pour mieux reporter demain la faute sur les privés en cas de mauvais résultats.

En effet, s’il y a des erreurs de stratégie, ou sur telle ou telle initiative prise, il ne faudrait pas que ça retombe sur ce représentant professionnel, qui risque d’être soupçonné par ailleurs de favoriser ses intérêts.

Quand c’est un acteur privé qui est à la tête de la structure, vous l’exposez donc.
D’autant que c’est un acteur privé parmi des centaines d’autres.

Maëlys Peiteado : Vous pensez donc que Mr Patrick Serveaux n’aura pas les moyens de réussir ?

Pierre Vergès : J’ai exprimé mes réserves, mais j’ajouterai que le nouveau président ne dispose que de peu de temps, 10 mois voire 16 mois en cas de report des élections régionales en automne 2015.
Le délai est très court.

Ce qui est regrettable, c’est que la Région, au lieu d’afficher son intention de s’impliquer plus, en associant encore plus les acteurs privés, opte pour le transfert de la responsabilité à un privé.

C’est un manque d’affirmation par la Région de sa volonté politique de résoudre les problèmes.

Et ce ne sont pas les initiatives du type « Îles Vanille » qui résoudront les problèmes, puisque tout s’appuie sur les séjours dans les autres îles qui laisseraient une partie du combiné à La Réunion.

De plus, la Région n’a rien inventé. Des séjours combinés ont déjà été mis en place bien avant 2010, par des acteurs privés entre l’Île Maurice et La Réunion.

Et pour les touristes concernés, le constat a été que même si l’Île Maurice présente d’indéniables atouts (hôtels, plages, etc.), La Réunion a une richesse plus variée et est donc plus attractive.

Et c’est peut-être pour ça que ce genre de combinés n’a pas fait long feu.
Je comprends les Mauriciens, qui veulent en profiter d’abord. C’est pareil pour les Seychellois.

Voilà pourquoi je pense que c’est une erreur à mon sens, parce que nous ne bénéficierons pas d’une importante clientèle seychelloise ou mauricienne, ni même étrangère fréquentant ces îles.

Il faut donc développer notre propre stratégie, ce qui n’est pas le cas.

Maëlys Peiteado : Si vous étiez resté président de l’IRT, quelles auraient été les autres priorités au-delà de ce que vous avez exposé tout à l’heure ?

Pierre Vergès : La priorité majeure était de consolider ce qui a été fait, avec l’objectif d’un lien plus fort avec tous les acteurs, privés comme publics.

LA MISE EN VALEUR DE NOS TERRITOIRES PAR UNR SIGNALETIQUE ADAPTEE

Ensuite un travail de mise en valeur des territoires aurait été urgent.

A La Réunion, dans un milieu insulaire contraint, mais qui regroupe des populations qui se connaissent et se côtoient, nous avons la possibilité de mettre en avant les identités de territoires.

La région Est ne ressemble pas à celle du Nord, ni à celle de l’Ouest ou du Sud.

Où sont les panneaux qui pourraient indiquer les « portes d’entrée » de l’Est, de l’ouest, du Nord ou du Sud ?

Les messages et images sur ces panneaux auraient nécessité bien sûr un travail professionnel de design.
Cette démarche aurait justifié qu’il y ait une signalétique adaptée et généralisée sur tous le territoire.

Aujourd’hui, vous avez des structures d’hébergement ou de restauration, à vocation culturelle ou de loisirs où, pour y accéder, c’est un parcours du combattant. Ce n’est pas normal.

Et l’argument de dire que le public ne va pas faire la publicité de la localisation de ces structures privées ne tient pas. D’abord, ce sont des acteurs touristiques qui font connaître le territoire, et ensuite qui font marcher l’économie.

Il faut donc une signalétique adaptée sur toute l’Île permettant d’accéder à ces structures, hôtels, restaurants, chambres d’hôtes, gîtes ou autres fermes auberges, et de ce fait favoriser leur mise en valeur.

Ce travail, c’est vrai, nécessite une coordination, doublée d’une certaine détermination de la part de l’IRT et de la Région, des différents acteurs, notamment institutionnels, car les communes ou les communautés d’agglomération auxquelles elles appartiennent, ont à gérer d’autres priorités.

Il faut faire preuve de persuasion pour que « fleurisse » une signalétique qui soit agréable et laisse un meilleur souvenir aux touristes.

Cette signalétique, qui concerne aussi les routes des hauts de l’Île, aurait pour effet d’atténuer l’impression d’errer, ou de prendre trop de temps pour arriver là où on veut aller.

L’objectif est de rendre encore plus agréable le trajet, au-delà des paysages… et de la route bien sûr, à regarder.

Ce travail ne peut être fait sans l’accord de la Région pour les routes nationales, du Département pour les routes départementales, et des communes pour les voiries communales.

Cette signalétique cohérente vantant les identités de territoires et leurs structures aurait été un challenge que j’aurais aimé relevé.

Maëlys Peiteado : Quand vous parlez de cette signalétique, vous pensez à ce qui se fait en Métropole quand on est dans certaines régions ?

Pierre Vergès : Il existe des territoires qui mettent en avant leurs terroirs. Mais il faut aller plus loin et prévoir une signalétique adaptée et généralisée sur l’ensemble de La Réunion.

Cela aurait en plus le mérite d’être utile.

Prenons l’exemple du trajet de la bretelle de dégagement de la route des Tamarins jusqu’à Trois-Bassins. Aujourd’hui, vous courrez le risque de vous perdre dans les chemins de canne, car la signalétique est pour le moins absente.
La signalétique à mettre en place permettrait de plus la mise en valeur de cette jolie commune des hauts de l’Ouest.

L’IMPLICATION DE TOUS POUR LA MAÎTRISE DE LANGUES ETRANGERES

Enfin, avec une procédure de facilitation dans la délivrance des visas pour les ressortissants de certains pays, anglophones ou lusophones, il aurait fallu mettre en place des cycles d’initiation aux langues étrangères au bénéfice des acteurs privés.

Mais de plus, moyennant un dispositif d’aide financière visant à encourager les étudiants en langues étrangères qui en seraient d’accord, ces jeunes étudiants pourraient aider les acteurs, et se rendre disponibles lors d’arrivées de touristes de croisière effectuant une escale à La Réunion.

A la lumière de ce que j’ai exposé jusqu’alors, c’est vrai qu’il est difficile de mettre en mouvement tous les intervenants potentiels dans le domaine du tourisme.

Il faut sensibiliser les acteurs publics (Région, Département, communes et intercommunalités, offices de tourisme intercommunal), les acteurs privés (responsables de structures de différentes tailles) et le public réunionnais, regroupé en association ou non.

Mais je dirais que c’est notre « karma »… et que c’est le gage d’une meilleure réussite quand tout le monde est dans le coup.

Et c’est l’exigence portée par la dénomination de notre Île : La Réunion.

UNE POLITIQUE QUI NE DOIT PAS SOUFFRIR PAS D’APPROXIMATION

Mais la coordination nécessaire des acteurs doit être constante et ne doit pas souffrir d’approximations.

Je prendrai un exemple : récemment, un bateau de croisière est arrivé un dimanche au Port Est, en baie de La Possession.

La Région et l’IRT savaient sans aucun doute possible la date de cette escale réunionnaise.

Et pourtant, c’est le jour qu’a choisi la Région pour fermer la route du Littoral pour cause de travaux !

Je veux bien qu’il faille opérer des travaux de sécurisation, mais cela n’aurait-il pas été possible de faire ces travaux un samedi ou un autre dimanche ?

Manifestement, cela dénote un laisser-aller. Oserais-je dire un « je m’en foutisme » ?

Je suis dur, mais c’est parce que je songe qu’au-delà de ces erreurs, de ces fautes, il y a des personnes responsables de ces structures touristiques qui essayent de « faire bouillir la marmite », et qui font preuve d’un remarquable courage.

Maëlys Peiteado : Que pensez-vous de la crise « requin » ?

Pierre Vergès : Je n’ai pas eu l’occasion de m’immiscer dans le débat, qui parfois partait dans tous les sens.

Il est évident que l’on ne pourra pas mettre des filets ou des dispositifs de protection partout.

Mais quand vous avez des sportifs réunionnais qui réussissent au plus haut niveau, national voire international, ne peut-on pas avoir un espace qui puisse être sécurisé ?

Et on leur dit « débrouillez-vous, faîtes une croix sur votre sport ».

Ce n’est pas acceptable !

 

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