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2013
Collectivités et établissements publics de coopération intercommunale : attention à la tentation hégémonique !
Catégorie : INSTITUTIONS - COLLECTIVITÉS LOCALESIl y a quelques jours, la presse relatait un incident survenu lors d’une réunion des maires du TCO (Territoire de la Côte Ouest).
Ce « Conseil des maires » a été institué afin d’informer les exécutifs communaux sur les points qui doivent être examinés lors des conseils communautaires pour une validation par des délibérations.
La règle non écrite de l’unanimité…
Le but poursuivi est de parvenir à une position unanime sur un dossier avant son inscription à un prochain conseil communautaire.
« Rendons à César ce qui appartient à César » : cette manière de procéder avait été instaurée lors de la création du premier véritable établissement public de coopération intercommunale en octobre 1983, par Paul Vergès.
Cet établissement était le SIVOMR, le Syndicat intercommunal à vocation multiple de La Réunion, qui regroupait alors les communes de Sainte-Suzanne, La Possession, Le Port, Saint-Leu, Saint-Louis et Saint-Pierre.
L’exigence d’un vote unanime n’est pas une obligation, car les règles juridiques en la matière ne le permettent pas.
Néanmoins, cet objectif résulte d’une « règle non écrite » dont la finalité est d’illustrer la solidarité sans faille entre les membres d’une intercommunalité.
Cette démarche a été reprise dans la pratique par les autres intercommunalités qui se sont créées près de quinze ans plus tard.
Cette règle doit révéler un état d’esprit exemplaire en termes de respect mutuel.
… quel que soit le « rapport de forces »
Que les communes membres de l’intercommunalité soient « petites », « moyennes », « grandes », ou « très grandes », notamment en population.
Ainsi, pour le TCO, on peut considérer, sur la base de la population de 2008, comme « petite » la commune de Trois-Bassins (6 994 habitants), « moyennes » les communes de La Possession (28 798 habitants) et Saint-Leu (29 925 habitants), « grande » la commune de Le Port (38 279 habitants), et « très grande » la commune de Saint-Paul (103 008 habitants).
Cette réunion des maires peut donner lieu à de vifs débats.
L’essentiel est que l’esprit de courtoisie et de respect mutuel doit constamment prévaloir.
Cela peut notamment trouver son expression dans la répartition des sièges au sein de l’intercommunalité.
L’accord du maire de Saint-Paul Alain Bénard
Ainsi, à l’origine, Alain Bénard, alors maire de Saint-Paul, avait, au nom de l’exigence de solidarité entre les communes de l’ouest, et pour donner une identité forte à la micro région du « grand ouest », accepté une représentation qui ne soit pas basée sur le critère de proportion de population des communes.
En effet, sur la base du recensement général de population à prendre en compte, celui de 1990, Saint-Paul, avec 71 669 habitants, pouvait prétendre à 47 sièges au sein du TCO, sur la base des 97 sièges actuels.
En divisant la population totale des cinq communes de 148 673 par 97, on obtient une population de 1 532 habitants (1532,71) à prendre en compte pour 1 siège.
Alain Bénard a accepté de réduire la représentation Saint-Pauloise à 31 sièges dans un conseil communautaire de 97 membres , dont 10 vice-présidents dans un bureau de 29 membres.
Au nom de la solidarité entre les communes de l’ouest, liées par la volonté de faire rayonner la micro région ouest, et non pas sa seule commune.
La Possession, sur la base du recensement général de population à prendre en compte, celui de 1990, avec 15 614 habitants, pouvait prétendre à 10 sièges au sein du TCO, sur la base des 97 sièges actuels.
Elle en a obtenu 17, dont 5 vice-présidents 5.
Le Port avec 34 692 habitants, 22 sièges.
Elle en a obtenu 23, dont 6 vice-présidents.
Un fait nouveau est venu changer « la donne ».
En effet, l’obligation est faite aux communautés d’agglomération de se mettre ne conformité avec les dispositions de la loi L 5211-6-1 modifié par la LOI n°2012-1561 du 31 décembre 2012 du CGCT (Code général des collectivités territoriales) qui stipule en son article 1 :
I. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 5212-7, le nombre et la répartition des délégués sont établis :
– soit, dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, par accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié des conseils municipaux des communes intéressées représentant les deux tiers de la population totale.
Cette répartition tient compte de la population de chaque commune.
Chaque commune dispose d’au moins un siège et aucune commune ne peut disposer de plus de la moitié des sièges.
Le nombre de sièges total ne peut excéder de plus de 25 % le nombre de sièges qui serait attribué en application des III et IV du présent article ;
– soit selon les modalités prévues aux II à VI du présent article.
Passer de 97 sièges à 64 sièges
Pour les communautés d’agglomération ayant une population totale comprise entre 200 000 à 249 999 habitants, le nombre maximum de sièges est de 64 sièges.
Le TCO ayant une population totale de 207 004 habitants, obligation lui est donc faite de réduire de membres du conseil communautaire actuel, le TCO ayant choisi de passer de 97 élus à 64 élus.
Les maires des communes membres souhaitaient se mettre en conformité avec cette disposition en réduisant leur représentation tout en gardant les mêmes proportions qu’avec les 97 élus actuels du conseil communautaire.
Ainsi il aurait pu y avoir la représentation suivante :
– La Possession : 11 membres, dont 3 vice-présidents ;
– Le Port : 15 membres, dont 4 vice-présidents ;
– Saint-Paul : 21 membres, dont 7 vice-présidents ;
– Trois-Bassins : 6 membres, dont 2 vice-présidents ;
– Saint-Leu : 11 membres, dont 3 vice-présidents.
La volonté hégémonique de Mme Bello
C’était sans compter sur la volonté hégémonique de la nouvelle équipe de Saint-Paul derrière Mme Bello.
En effet, la députée-maire de Saint-Paul souhaite disposer de la… moitié des sièges. Rien que ça !
Sur la base stricte de la population, elle réclame 32 sièges parce que la population de Saint-Paul (103 008 habitants) représente 49,76 % de la population totale des cinq communes membres (207 004 habitants), et 9 vice-présidents sur 19.
La Possession avec une population de 28 798 habitants représentant 13,91 % de la population totale recueillerait 9 délégués, dont 3 vice-présidents.
Saint-Leu avec une population de 29 925 habitants représentant 14,45 % de la population totale recueillerait 9 délégués, dont 3 vice-présidents.
Le Port avec une population de 38 279 habitants représentant 18,49 % de la population totale recueillerait 12 délégués, dont 4 vice-présidents.
Mais surtout Trois-Bassins, avec une population de 6 994 habitants représentant 3,37 % de la population totale recueillerait 2 délégués, dont… 0 vice-président !
Devant une telle obstination à vouloir « dominer » les autres communes membres, les maires et autres élus du TCO décident sereinement de s’en remettre à la loi.
Or, que dit celle-ci, au travers de la loi L 5211-6-1 modifié par la LOI n°2012-1561 du 31 décembre 2012 du CGCT (Code général des collectivités territoriales) ?
Que « le nombre et la répartition des délégués sont établis… par accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de celles-ci… ».
L’accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées existe : 4 communes sur 5 !
Et pour ce qui est de la moitié (103 502 habitants) de la population totale (207 004 habitants) de celles-ci, la population des quatre communes restantes est de… 103 996 habitants, soit plus de la moitié !
La répartition actuelle que souhaitent préserver en proportion de délégués les maires du TCO, sauf Mme Bello, tient compte de la population, comme le recommande la loi L 5211-6-1 modifié par la LOI n°2012-1561 du 31 décembre 2012 du CGCT (Code général des collectivités territoriales) qui stipule :
« Cette répartition tient compte de la population de chaque commune. »
Ce qui est le cas puisque le nombre actuel (31 membres sur 97) et souhaité pour l’avenir (21 membres sur 64) reste le plus important du TCO.
Il est dommage qu’en ces temps de crise pour les collectivités locales, avec la poursuite de la politique de rigueur malgré le changement présidentiel de 2012, les élus d’une commune, au lieu de se serrer les coudes avec leurs collègues de la région ouest, souhaitent marquer une nouvelle page de l’intercommunalité sous le sceau de l’hégémonie.
Affaire à suivre…
Le concept de « La solidarité » est le fondement même des piliers qui constituent le combat des progressistes pour la justice sociale. Mais la solidarité c’est aussi le ciment de la société Réunionnaise. Mais il est vraie que depuis quelques temps, on peut observer une altération de cette valeur pour ne pas dire vertu. ..
A partir de la, nous devons comprendre que les membres qui siègent dans des institutions démocratiques au nom du suffrage universel sont assignés aux valeurs de solidarité. Car le citoyen qui réside dans une petite ou une grande ville est en droit d’aspirer aux mêmes égalités de développement. Et à ce juste droit, l’outil institutionnel guidé par le CGCT qui regroupe les communes petites, moyennes ou grandes permet de pallier ces différences et offre au territoire une cohésion structurelle s’appuyant sur les forces et les atouts dans une démarche solidaire. …
Projetons à l’ensemble des Réunionnais des petites ou grandes ville une exemplarité de solidarité. ..
La connaissance des textes de loi et la sagesse doivent conduire l’acte politique.