Le président de la CCIR ou le président d’un comité de censure de l’identité réunionnaise ?

 

  La troupe de théâtre Talipot a été contrainte, jeudi, d’arrêter son spectacle après 3 minutes et 40 secondes de performance. 

Le spectacle devait durer seulement 40 minutes.

 

Un arrêt brutal : pas pour une quelconque raison technique ou un  impératif météorologique. 

Seulement parce que le spectacle semblait ne pas convenir à l’organisateur de la soirée : Ibrahim Patel, président de la CCIR.

 

CCIR qui avait bénéficié de la villa du département, prêtée pour l’occasion.

Les invités des assises du commerce, outre celles et ceux de La Réunion, venaient des outremers et des îles de l’Océan Indien.

 

Ces personnes garderont, sans nul doute, un étrange souvenir de cet événement.

Outre le fait que le contenu de la manifestation n’ait pas tenu ses promesses, le brutal arrêt d’une représentation, pour cause d’humeur, est une chose extrêmement rare.

 

Analysons l’entretien accordé au JIR par Ibrahim Patel (paru lundi dans le JIR).

« J’ai juste demandé à ce qu’on écourte le spectacle. Il y eu un gros malentendu ».

 

L’explication d’Ibrahim Patel est-elle convaincante ? Non.

Ce serait très certainement un « énorme malentendu » si, lors de la prochaine assemblée plénière de la CCIR, on demandait à M. Patel d’écourter son discours !

 

Ibrahim Patel veut se justifier, mais il semble à peine vouloir s’excuser, de cet acte inacceptable.

Car, en plus, ce n’est que trois jours après, qu’il a accepté de répondre aux questions d’un journaliste. Ce qui est, en soi, une nouvelle provocation.

 

L’explication donnée (les invités de la CCIR sont partis seulement dimanche soir) n’est pas recevable.

S’il voulait être tout le temps avec ses invités, pourquoi a-t-il accepté les invitations des media durant la durée de la manifestation de la CCIR ?

 

Si l’acte d’arrêter une représentation est inacceptable, indécent, intolérable, le fait de mettre la faute sur les autres, ne participe pas à redorer l’image de marque de Ibrahim Patel.

 

Parmi les déclarations incroyables d’Ibrahim Patel :

« Nos invités étaient fatigués et une longue journée les attendait le lendemain vendredi ». 

 

Voilà donc une nouvelle provocation : ce serait donc la faute à la fatigue des invités (qui sont, soit dit en passant, tout de même restés à table, jusqu’à près de minuit, bien après la « fin du spectacle »).

 

Deuxième bouc émissaire : 

«  Normalement, c’est Johnny Hospital, le producteur, qui devait se charger de faire passer l’information ».

 

 Les reproches qui lui seront faits sont à peine « voilés » : 

« Le spectacle n’était pas adapté à la soirée. Il était un peu trop dénudé et a même mis mal à l’aise certains de nos invités. Certains gestes étaient un peu trop osés ».

 

Si Ibrahim Patel se lance dans de tels raisonnements, il fustigerait les publicités pour les ventes de voitures où tout le monde, enfants compris, y voit des femmes dénudées !

 

À moins, en poussant le raisonnement de ce monsieur par l’absurde, que ce ne soit le fait qu’il s’agit d’acteurs masculins qui se déshabillent… en plus, pas entièrement, pour se vêtir de costumes traditionnels africains !

 

Ibrahim Patel « achète » donc sans savoir ce qu’il achète.

Dur dur, pour quelqu’un qui prétend défendre le Commerce, le petit comme le grand !

 

La suite n’est pas mieux : 

« Malheureusement, c’est la communication de la chambre qui s’en est chargée. C’est une erreur. Je le reconnais ». 

 

Et un troisième bouc émissaire : le service communication !

 

Et de manière générale : 

« Si chacun avait fait son travail, on n’en serait pas là ».

 

En fait, tout le monde a fait des bêtises.

 

Mais, lui, il n’est aucunement fautif : 

« Franchement, on me fait beaucoup de reproches aujourd’hui alors que je le répète, à aucun moment j’ai voulu censurer les artistes de Talipot. On ne peut pas me reprocher d’être raciste. Tous ceux qui me connaissent peuvent en témoigner ».

 

Si ce n’est pas de la censure, cela y ressemble néanmoins fortement !

Quant au racisme, il est bien évident qu’il sévit toujours à La Réunion.

 

De plus en plus, notre pays connaît des dérives dangereuses en termes de déni d’histoire. 

Didier Robert est par exemple coutumier du fait.

 

En décembre 2010, (voir sur mon blog mon article du 23 décembre 2010), j’écrivais que le conseil régional de La Réunion se prenait les pieds dans l’histoire de notre île et réalisait « Liberté métisse », à Saint-Pierre.

 

Relisons la déclaration de  Didier Robert qui justifiait le but de l’opération :

«Il s’agit de rendre hommage à tous les Réunionnais qui nous ont précédés mais également de mettre en avant toute la richesse culturelle qu’ils nous ont laissée ».

 

Le tout dans

« un espace dédié au métissage et à la liberté, des stands destinés à promouvoir les musées Régionaux, le FRAC et le PRMA, un espace dédié à une exposition d’art plastique, une performance de grapheurs sera également proposée au public ».

 

Et pas n’importe quel musée, encore, celui de Stella Matutina, monument à la gloire d’une culture monopolistique, expression des rapports de domination économique, sociale et culturelle de cette même période coloniale.

 

Jamais la Région n’avait employé le mot « esclavage » dans sa com’.

Cela ne peut être un simple oubli. 

 

C’est en fait un déni d’histoire.

Une réfutation du passé.

 

L’intervention d’Ibrahim Patel ne s’inscrit-elle pas dans cette même ligne de pensée?

Effacer toute trace de l’esclavage et plus généralement, de toute trace africaine.

 

Un pays dont les responsables politiques et économiques s’installent dans le déni d’histoire : est-ce comme cela que La Réunion va pouvoir s’affirmer ?

                                                                                                                                          

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5 Commentaires sur

Le président de la CCIR ou le président d’un comité de censure de l’identité réunionnaise ?

  • Jean-JacquesNo Gravatar |

    Excellente analyse, bravo
    honte à Ibrahim Patel, son attitude est inacceptable, méprisante et ses explications n’arrangent pas le problème

  • ManuellaNo Gravatar |

    il ne faut pas laisser passer le truc est-ce que cela peut faire l’objet d’une plainte au judiciaire?
    je ne suis pas artiste, mais je trouverai tout à fait logique que plus AUCUN artiste ne se produise lors des manifestations organisées par Ibrahim Patel (à la CCIR comme ailleurs)
    boycottons Ibrahim Patel

  • MorganNo Gravatar |

    il ne faut pas laisser passer le truc est-ce que cela peut faire l’objet d’une plainte au judiciaire?
    je ne suis pas artiste, mais je trouverai tout à fait logique que plus AUCUN artiste ne se produise lors des manifestations organisées par Ibrahim Patel (à la CCIR comme ailleurs)
    boycottons Ibrahim Patel

    +1

  • SophieNo Gravatar |

    M. Patel ne semble pas très cultivé. En effet, qui connaît le travail de Talipot sait que depuis des années Philippe Pelen Baldini Thierry Moucazambo, et toute la troupe de Talipot travaillent sur les origines, notamment africaines, de l’homme réunionnais, sur ce qui l’unit à la nature, aux ancêtres, le langage du corps et de l’esprit. Un travail, je dirais même un militantisme pour la fraternité, pour l’amour. Merci Talipot de nous faire rêver à un monde meilleur.

  • Eliane T.No Gravatar |

    Une des meilleures façons de répondre à ça est d’aller voir le spectacle de Talipot au théâtre du Grand Marché. Il reste encore des places pour samedi 26 à 18 h 00.

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