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2013
Mes commentaires sur les contributions au débat relatif à la nécessité ou non d’une évolution institutionnelle de notre Île. Quelques remarques relatives aux contributions du Professeur André Oraison
Catégorie : CONTRIBUTION AU DÉBAT, INSTITUTIONS - COLLECTIVITÉS LOCALESDiverses contributions au débat relatif à la nécessité d’une évolution institutionnelle ou non de notre Île ont retenu mon attention.
Il s’agit de celles du Professeur de droit André Oraison et de celle de mon collègue conseiller général Cyrille Hamilcaro.
L’article ci-dessous sera consacrée aux contributions du Professeur Oraison.
Un deuxième article sera consacré à la tribune libre de Cyrille Hamilcaro.
Je ne vais pas les reprendre in extenso.
Mais sans en dénaturer l’esprit, je me permets d’en reprendre des extraits, afin d’y apporter mes commentaires.
André Oraison : « Dans un contexte de crise économique et sociale sans précédent que connaît La Réunion, un processus de rénovation des institutions locales s’impose. » (1)
« (…) La crise économique et sociale de plus en plus grave que connaît ce DOM se décline aussi au plan statutaire. » (1)
Commentaires – Entièrement d’accord.
André Oraison : « (…) Après consultation des populations directement intéressées, déjà fixée au 7 avril 2013, une nouvelle entité publique — la Collectivité territoriale d’Alsace — devrait en effet se substituer à la Région et aux deux Départements alsaciens existants afin de réaliser des économies dans le fonctionnement de services publics alsaciens et lui permettre d’agir avec une plus grande efficacité auprès des populations locales. » (1)
Commentaires –
1°- Il est absolument nécessaire qu’une large information des citoyens ait lieu ;
2°- Il est absolument indispensable que les citoyens soient consultés
Article 72-4 de la Constitution française :
« Aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l’alinéa précédent et est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. »
À propos de La Réunion, on peut lire ceci :
André Oraison : « (…) Seule une collectivité territoriale unique à La Réunion permettrait d’abord d’éviter un double emploi des fonds publics, un doublon inadmissible à un moment où l’on constate une crise aiguë des finances publiques à tous les niveaux. La coexistence de deux entités territoriales sur la même aire géographique et visant le même groupement humain est inutile et coûteuse. » (1)
André Oraison : « Faut-il rappeler qu’il n’y a dans cette île que 24 communes pour régler le sort de 850.000 habitants alors même qu’il en faudrait au moins le double pour rapprocher de manière satisfaisante les administrés de l’Administration ? » (2)
Commentaires –
1°- La Réunion, dans son environnement indian océanique, n’est pas une région frontalière comme l’Alsace qui a une histoire, une situation économique, sociale, cultuelle et culturelle, différente de celle de notre île ;
2°- Il me paraît périlleux de placer au rang des préoccupations premières les économies de fonctionnement de services publics à La Réunion quand on connaît les retards dont La Réunion est sujette en la matière.
3° – Regrouper en une seule entité deux collectivités sur un même territoire ne signifie pas diminuer le nombre de personnes travaillant pour la nouvelle collectivité. Ce n’est donc pas sur le poste « dépenses de personnel » que les économies seront faites.
Certes, le personnel pourrait être « redéployé » pour une meilleure efficacité… cela reste à vérifier.
Tout dépend des élus en place. Il paraît que l’effectif de la Région Réunion, de 1200 agents avant mars 2010, est passé avec la majorité de Didier Robert à environ 2200 agents. Sans commentaires !
4°- Je me méfie de l’efficacité d’une assemblée unique avec à sa tête une équipe de « casseurs de grands projets » augmentant en parallèle les dépenses de fonctionnement et notamment de personnel, qui auraient les coudées franches pour « enfoncer » un peu plus La Réunion dans un modèle de non développement.
5°- La mobilité territoriale vers des communes nouvellement créées, permettant ainsi « d’atténuer » la charge de personnel des collectivités départementale et régionale, n’est pas automatique, et le gain financier, voire même la plus grande efficacité des services publics, issu de ce redéploiement, doit être démontré.
André Oraison : « (…) Agir avec une plus grande efficacité à l’égard de la population locale au plan économique sans remettre en cause les avantages sociaux découlant de la départementalisation et le régime de l’identité législative applicable dans les DOM depuis 1946. » (1)
Commentaires –
1°- On ne peut qu’être d’accord sur la nécessité d’une efficacité accrue des initiatives économiques.
Déjà, pour ce faire, il faudrait définir de nouvelles règles en consultant les acteurs, notamment parce que ceux-ci se plaignent de la « frilosité », pour ne pas parler plutôt de « dureté » des organismes bancaires devant les initiatives des entreprises, notamment en matière de recherche-développement et d’innovation.
2°- On ne peut être que d’accord sur la nécessité de ne pas remettre en cause les avantages sociaux.
Mais ne devrait-on pas réfléchir à la mise en place de dispositifs favorisant le renforcement du lien social ?
Un exemple : pourquoi ne pas rétablir un service citoyen d’une année, mais uniquement basé sur des initiatives d’utilité sociale, visant les aides à l’environnement et à la personne, l’objectif étant par ailleurs de rappeler un certain nombre de règles de vie en société, qui ont tendance à être oubliées par des jeunes trop souvent en détresse sociale.
André Oraison : « (…) La réforme ne porterait pas davantage atteinte au statut européen de Région ultrapériphérique (RUP) attribué à La Réunion et, par suite, aux financements émanant des fonds structurels de Bruxelles. » (1)
Commentaires – Voilà une solution de sagesse. Mais il serait opportun de réfléchir sur la nécessité au plan européen d’appliquer à La Réunion non pas des dispositifs légitimes adaptés aux régions continentales européennes, mais bien des stratégies particulières, qui peuvent diverger des stratégies applicables à ces régions continentales de l’Europe.
André Oraison : « (…) Cette restructuration démocratique s’impose (…) après suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation, selon le cas, du Parlement ou du gouvernement dans une série de matières stratégiques comme l’emploi local, l’énergie, l’enseignement, la fiscalité, la protection de l’environnement terrestre et marin ou encore les transports publics. » (1)
Commentaires – L’article 73 de la Constitution française stipule :
Alinéa 1
« Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »
Alinéa 2
« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement.
Alinéa 3
Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement.
Alinéa 4
Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.
Alinéa 5
La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.
Alinéa 6
Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.
Alinéa 7
La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »
Il faut évidemment la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation.
La « chasteté » ne se mesure pas au port d’une ceinture comme cela se faisait pour les femmes au Moyen-Âge.
Et personne, ou à peine une poignée d’individus, n’envisage de bénéficier d’une plus grande responsabilité locale pour s’affranchir à terme de l’appartenance à la République.
Cela ne signifie toutefois pas que cela entraîne automatiquement comme solution la création d’une collectivité unique.
André Oraison : « (…) La loi de décentralisation du 31 décembre 1982, portant organisation des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. Cette loi applique à la lettre le droit commun en reconnaissant dans chacun des DOM l’existence de deux collectivités territoriales – la région et le département – dotées chacune d’un pouvoir exécutif et d’une assemblée délibérante. » (3)
Commentaires – L’existence de deux entités administratives sur un même territoire n’est donc pas contradictoire pour le législateur, ni pour le Conseil constitutionnel.
André Oraison : « (…) On doit la considérer comme un « pur non-sens » dès lors qu’une telle coexistence comporte inévitablement et de manière quasi permanente des « risques d’incertitude, de double emploi, de dilution des responsabilités et de conflits d’attributions » . (3)
« (…) Un territoire insulaire caractérisé, de surcroît, par l’étroitesse de son assise territoriale (2 512 kilomètres carrés de terres émergées) et la faiblesse numérique de sa population (850 000 habitants). » (1)
Commentaires –
1°- La différence entre ces deux entités doit donc se situer au niveau de leurs compétences, et au niveau du mode de désignation de leurs membres.
Il est impératif de faire preuve d’innovation pour éviter les chevauchements et autres superpositions de compétences.
Par analogie, on peut constater que le périmètre d’intervention de l’Assemblée Nationale et du Sénat est le même, mais que la Constitution règle les niveaux d’intervention de ces deux assemblées, le pouvoir législatif revenant, pour les lois dites « ordinaires », en dernier ressort à l’Assemblée Nationale, par un vote en « dernière » lecture.
Les députés ont une parcelle de la souveraineté nationale, élus au suffrage universel direct sur des circonscriptions, tandis que les sénateurs sont élus au suffrage indirect, désignés par les élus de leurs départements.
2°- L’étroitesse d’un territoire, celui de La Réunion, plus grand que la cité Etat de Singapour, ou la « faiblesse » de sa population (plus importante que celle de l’Islande – environ 320 000 habitants – ou celle de l’Etat du Monténégro – environ 700 000 habitants – pour ne citer que ces deux pays) ne sont pas en soi des arguments rédhibitoires.
André Oraison : « Seule une collectivité unique pourrait rendre beaucoup plus audibles et crédibles les aspirations des Réunionnais auprès des instances nationales. » (2)
Commentaires – Cela reste à démontrer. Ce n’est pas l’institution qui fait l’autorité.
Aujourd’hui, nous avons 6 députés de la majorité gouvernementale, dont 5 du Parti socialiste.
Il ne me semble pas que nous ayons une écoute attentive de Paris à la mesure des enjeux locaux.
À moins de considérer que la responsabilité ne leur incombe pas, et relèverait des exécutifs des assemblées locales, aujourd’hui pas suffisamment crédibles.
André Oraison : « (…) La Réunion n’est pas seulement une région ultramarine qui doit maintenir des liens étroits avec la France métropolitaine. (2)
Commentaires – Entièrement d’accord.
André Oraison : « (…) C’est aussi une Région ultrapériphérique de l’Union européenne, située à 10.000 kilomètres de Bruxelles. C’est dire qu’il faut tenir compte de sa localisation géographique. (2)
Commentaires – Encore une fois entièrement d’accord.
André Oraison : « (…) La création d’une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département de La Réunion serait de nature à faciliter la nécessaire intégration économique et culturelle de cette petite entité insulaire dans son environnement indianocéanique immédiat qu’est la zone Sud-Ouest de l’océan Indien. » (2)
Commentaires – Là, j’en reviens à mon propos exposé plus haut : il y a à discuter de la notion de « chef de file » en matière de coopération régionale.
Cela peut se faire au prix d’une clarification des compétences et des responsabilités respectives du Conseil régional et du Conseil général, sans pour autant conclure que cela n’est envisageable que dans l’hypothèse de la création d’une collectivité territoriale unique.
André Oraison : « (…) La création d’une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département de La Réunion permettrait déjà de mieux utiliser les leviers offerts par la Constitution en matière d’expérimentation. (2)
Reconnue par l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution à toutes les collectivités métropolitaines et ultramarines, cette possibilité de déroger à la loi et au règlement national « à titre expérimental et pour un objet et une durée limités » mériterait ainsi d’être concrétisée à La Réunion pour tenir compte de ses multiples spécificités locales. » (2)
Commentaires – Encore une fois, je dirai que le droit à l’expérimentation reconnue par l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution à toutes les collectivités métropolitaines et ultramarines, n’a à mon sens pas été suffisamment exploité.
Mais ce droit n’appartient nullement aux seules collectivités territoriales uniques.
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Pour conclure, je préciserai qu’il ne s’agit pas, à l’heure où certains ont le mérite de ne pas rester muets et de donner leur point de vue, d’un jugement sur les contributions ou tribunes qui paraissent.
Mon vœu le plus cher est de participer à l’enrichissement du débat, afin d’essayer d’être un citoyen responsable.
(1) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Radioscopie d’une réforme institutionnelle urgente : la création d’une collectivité territoriale unique et efficiente à La Réunion
(2) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Les avantages résultant de la création d’une collectivité territoriale unique à La Réunion
(3) Extrait de la tribune du Professeur André Oraison intitulé Le fondement de la création d’une collectivité territoriale unique à La Réunion