Co-développer dans la zone indo-océanique : responsabilité et intérêt partagé

carte de l'Afrique et de l'Océan Indien zones militarisées Ce matin, j’ai, au nom de la Présidente du Conseil général de La Réunion, prononcé un discours pour présenter les actions menées par le Département dans le cadre de la coopération, et proposé des pistes de réflexions pour une meilleure coordination des politiques en la matière au nom de La Réunion. Je vous en livre le contenu ci-après.

Discours prononcé à l’occasion de la Conférence de Coopération régionale 18 et 19 décembre 2014 à la Réunion

Mesdames et messieurs,

N’y voyez pas un manque de délicatesse et une entorse à la politesse voire à la courtoisie, mais je souscris à l’énumération du salut protocolaire exprimée par Mr le Préfet, et de l’Ambassadrice Mme Ledoux. Aussi, je me restreindrai à vous dire à toutes et tous, réunis pour réfléchir à une stratégie partagée en matière de co-développement

Au nom du Conseil général et de sa Présidente Nassimah Dindar, je vous souhaite la bienvenue dans notre île.

Nous sommes à un tournant de l’histoire de cette partie du Monde, l’Océan Indien, qui connait des mutations profondes.

La conférence qui nous réunit, arrive à point nommé car elle s’inscrit dans un contexte particulier. J’évoquerai :

1°- la volonté exprimée par le gouvernement français en 2013 de refonder la politique de Développement :

– le gouvernement a ainsi engagé à travers les Assises du développement clôturées en mars 2013 un chantier d’envergure. Celui-ci a généré un projet de loi d’orientation et de programmation avant la fin 2013. 

– des réflexions ont été également engagées sur l’action extérieure des collectivités locales (je pense notamment au rapport du sénateur Laignel). De nouvelles orientations du Ministère des Affaires Etrangères ont été dévoilées à cette époque.
2°- l’élaboration de la stratégie de coopération territoriale européenne pour la période 2014/2020 en tenant compte du nouveau statut de Mayotte.

Nous sommes donc aujourd’hui « à une croisée des chemins », encore plus placés face à nos responsabilités.

Car quel est l’enjeu de notre rencontre ?

Compte tenu des bouleversements géopolitiques notamment dans la zone Océan Indien et du contexte de crise, il nous revient de nous accorder sur les voies et moyens d’une stratégie cohérente et opérationnelle de coopération régionale.

En effet, il s’agit de favoriser le processus d’intégration effective de la Réunion et de Mayotte dans notre environnement régional.

Ce processus doit favoriser un co-développement mutuellement profitable.
Certaines initiatives, sur le plan régional et local, peuvent être perçues comme des jalons d’une stratégie globale. Elles contribuent à donner de la cohérence à notre politique de coopération.
C’est par exemple l’évolution de la Commission de l’Océan Indien vers une organisation de développement en faveur des projets structurants de désenclavement aérien et maritime et pour la belle idée d’Indo-océanie.

C’est aussi la recherche de l’articulation des fonds européens du FED et du FEDER.
C’est enfin le développement des partenariats avec les collectivités locales à l’initiative de l’Agence Française de Développement de la Réunion.
Ce sont là des évolutions positives à souligner.

Mais par delà ces motifs de satisfaction, se posent également des interrogations que le Conseil Général souhaite exprimer :   
– Interrogation quant au contenu et à la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation sur le Développement.

– Interrogation concernant le contenu et la portée des nouvelles orientations du Ministère des Affaires Etrangères. Ainsi, des pays cible de coopération dans la zone ont été identifiés ; quelles seront donc les conséquences de cette nouvelle hiérarchie et géographie d’intervention ? Quelle sera l’articulation avec la stratégie de coopération territoriale européenne?

– Interrogation quant à la capacité des acteurs à faire adhérer les populations, dans un contexte de crises, à cette nécessaire ouverture sur l’extérieur, et à renforcer l’appropriation citoyenne des projets de coopération.

– Interrogation quant à la capacité des collectivités locales, dans un contexte financier extrêmement contraint, de préserver les crédits de coopération.

CETTE CONFERENCE EST DONC UNE NECESSITE :
compte tenu des bouleversements géopolitiques mondiaux qui concernent notamment cette partie du monde, dont nous sommes partie prenante,
et compte tenu du contexte de crises structurelles, au-delà des crises conjoncturelles, que nous subissons,
cette conférence offre l’opportunité d’une réflexion collective.
L’objectif de cette réflexion est de tenter de faire émerger une stratégie cohérente de co-développement, parce que partagée par l’ensemble des acteurs, parce qu’elle devrait profiter à nos populations et aux générations à venir.
Cette réflexion peut aussi contribuer à l’émergence d’approches nouvelles, de solutions innovantes.

D’ORES ET DEJA, LE CONSEIL GENERAL DE LA REUNION ENTEND INSCRIRE SES ACTIONS DE COOPERATION DANS LE CADRE D’UNE STRATEGIE PARTAGEE :
Notre collectivité a décidé dans le cadre de la mandature de renforcer son action extérieure.
Le Département de la Réunion a ainsi consolidé ses actions de solidarité internationale.
Il s’est résolument engagé dans la réalisation de projets inscrits dans une démarche de co-développement, dans des secteurs relevant de son champ de compétences, et présentant des enjeux majeurs tels l’appui au renforcement des capacités dans des secteurs-clés du développement. A titre d’exemple :

– L’Education, et plus précisément l’appui à la francophonie (enseignement et aide à la re-dynamisation du français) dans les pays francophones et anglophones de la zone Océan Indien ;
– L’Agriculture à travers le soutien aux projets de développement des agricultures familiales, notamment à Madagascar et aux Comores ;
– La protection de l’enfance en Inde, à Madagascar et aux Comores ;
– L’accès à l’eau potable et à l’assainissement dans les Pays les Moins Avancés (Comores, Madagascar)
– La Sécurité Civile grâce à la contribution du SDIS à Madagascar en matière de formation des personnels et d’équipement des casernes malgaches ;
– Le soutien aux projets culturels qui constitue à notre sens une « coopération socle » et participe à la construction de notre communauté de destin indo-océanique. A cet égard le projet ICONOTHEQUE de l’Océan Indien porté par le Département ainsi que le projet de la mise en place d’un Institut créole de l’Océan Indien aux Seychelles sont à notre sens pertinents.
– L’appui au secteur hôtelier des Seychelles à travers l’affectation de personnel francophone qualifié ;
– Je ne peux oublier, et là encore plus au nom de la Présidente, de citer la mise en œuvre, dans le cadre de la stratégie du GENRE, des axes stratégiques de la PLATEFORME des Femmes Politiques dans l’Océan Indien visant à l’insertion citoyenne des femmes. 4 plateformes nationales ont été constituées et lancées (Maurice, Madagascar, Réunion, Seychelles).

CES ACTIONS NE FERAIENT PAS SENS, NE SERAIENT PAS COHERENTES SI ELLES NE S’INSCRIVAIENT PAS DANS UNE VISION POLITIQUE : celle du Département de la Réunion est que la coopération régionale soit un levier majeur de la mobilité et de l’insertion professionnelle des jeunes qualifiés de la Réunion mais également de ceux de la zone OI.

Ce qui a conduit notre collectivité à engager, en lien avec l’association France Volontaires, un partenariat visant à soutenir l’affectation dans la zone de Volontaires de Solidarité Internationale (10 missions ont été contractualisées pour 2012/2014) et à mettre en œuvre à Madagascar le Service Civique à l’étranger (10 missions agréées pour 2013/2014).

Le Département de la Réunion a décidé par ailleurs de consolider et d’élargir son dispositif de « Volontaires du CG » mobilisant les dispositifs d’insertion dans le cadre de sa politique d’appui à la francophonie, en mobilisant son partenaire le CNARM.

Pour mémoire plus d’une cinquantaine d’assistants d’éducation en langue française (AELF) soutenus par le Conseil Général de la Réunion ont pu être déployés depuis 2008 dans des établissements scolaires ou des Alliances Françaises et centres culturels de la zone (Seychelles, Afrique australe et orientale) répondant ainsi aux besoins exprimés par les pays partenaires ou le réseau des opérateurs de la francophonie.

Notre conviction est que l’appui à la francophonie est une carte d’excellence à jouer pour la Réunion. Selon l’OIF, l’Afrique seule devrait compter plus de 700 millions de locuteurs en français dans les prochaines décennies.

Il y a donc un réel enjeu pour la Réunion à se positionner sur les créneaux de l’enseignement et de la promotion du français dans notre environnement régional. Ainsi le Département contribuera à partir de La Réunion à la politique de la France de préservation de la francophonie.

Nous devons tenir compte des atouts liés à notre système éducatif (l’Université dispose en son sein d’une Licence/master FLE).

Nous devons tenir compte des atouts liés à l’expertise des opérateurs tels le CIEP dont un centre régional est basé à la Réunion et de l’association France Volontaires.

En d’autres termes, le Conseil général a souhaité apporter sa contribution à l’appui à la francophonie dans la zone dans le cadre de la stratégie de coopération éducative de l’Océan Indien fédérant les acteurs de la Réunion regroupés au sein du Conseil de Coopération Educative.

Et Notre objectif a été d’élargir cette action à d’autres pays et partenaires.

D’où le soutien apporté cette année au projet d’aide à la redynamisation du français à Madagascar en partenariat avec le Ministère de l’Education malgache et l’Ambassade de France qui a permis la création de clubs de français dans 8 lycées de la grande île animés par des animateurs qualifiés en Français Langue étrangère de la Réunion ; ainsi que l’élargissement de ce programme d’appui à la francophonie à des pays tels l’Afrique du sud ou les Comores.

Il y a donc un réel enjeu à préserver les soutiens de l’Etat et de l’Union européenne à travers le Feder/POCT.

SI La mobilité et l’insertion professionnelle des jeunes constituent pour notre collectivité la pierre angulaire de notre politique de coopération, compte tenu de la qualité des formations dispensées par les institutions et les opérateurs de la Réunion, l’objectif est d’encourager par ailleurs « la réciprocité » et le renforcement de l’accueil et de la formation de jeunes qualifiés issus des pays de la zone.

Pour aller plus avant dans cette politique, le Conseil Général est favorable à soutenir la mise en place « de résidences de savoir faire » dans la zone OI permettant de mettre au cœur du parcours d’insertion professionnelle de notre jeunesse, le partage d’expérience, le transfert et les échanges de savoir-faire, l’accompagnement vers des opportunités d’insertion professionnelle durable dans les secteurs publics et privés.

Dans cet esprit, nous travaillons actuellement avec le Ministère de l’Environnement des Seychelles à la conception et la mise en place d’un projet de gestion et de valorisation d’un bois exotique (« le bois movey »), fort de l’expérience engagée à la Réunion dans ce domaine.

NOUS AVONS EN DEFINITIVE la conviction que la mise en œuvre des projets de coopération répondant aux besoins exprimés par les partenaires de la zone ne pourront être pertinents et s’inscrire dans la durée qu’à une triple condition :

Qu’à la condition qu’ils s’inscrivent dans une vraie démarche de co-développement mutuellement profitable favorisant notamment les mobilités et l’insertion professionnelle de nos jeunes de la Réunion et des pays de la zone.

Il nous faut ouvrir des perspectives, encourager et soutenir ces échanges au sein de notre environnement régional et ce dès l’école.
L’enjeu est la définition d’une politique ambitieuse d’échanges scolaires et d’échanges de savoir faire.
La perspective d’un programme ERASMUS pour l’Océan Indien suscite notre intérêt à la condition qu’il soit également ouvert à des publics en insertion disposant de qualifications.

La mobilisation des Emplois d’Avenir en coopération que notre collectivité a proposée et qui a reçu un avis favorable des services de l’Etat nous permet aujourd’hui de déployer un premier contingent de huit jeunes pressentis pour un départ prochain vers les pays de la zone océan indien.

2) Qu’à la condition que ces projets soient discutés, concertés avec les partenaires locaux et extérieurs, qu’ils s’inscrivent dans une stratégie collective partagée : notre conviction est qu’en matière d’action extérieure, la Réunion ne pourra gagner que si elle joue « collectif », que si l’ensemble des acteurs publics et privés sont mobilisés autour d’une stratégie cohérente, opérationnelle ; que nos actions soient aiguillonnées par la recherche d’une franche concertation, d’une meilleure coordination, d’une mise en réseau par la création d’un site internet dont la création, et l’enrichissement des informations, devront être l’objet d’une validation collégiale ; par la recherche de synergies et de mutualisations.

Qu’à la condition que nos populations adhèrent à cette vision politique et partagent le bien fondé de la nécessaire ouverture de notre île sur l’extérieur.
Ce qui était hier une orientation devient aujourd’hui, compte tenu notamment de la crise majeure qui nous affecte et de la nouvelle donne géopolitique, une NECESSITE et UNE ESPERANCE.

Nous formulons donc le souhait que ces 2 journées de travaux constituent un temps « d’intelligence collective » et aboutisse sur des propositions concrètes opérationnelles au bénéfice d’une politique de co-développement réaliste.

Nous formulons le vœu que la politique engagée par le Conseil général de la Réunion en matière de mobilité et d’insertion professionnelle de notre jeunesse soit considérée comme une piste d’action concrète et bénéficie des soutiens attendus.

Je vous remercie.

 

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1 Commentaire sur

Co-développer dans la zone indo-océanique : responsabilité et intérêt partagé

  • LesauvageNo Gravatar |

    Bonsoir, Monsieur Vergés.
    Je compte ouvrir un espace Zen, avec un rayonnement d’art Contemporain Océan Indien, en proposant un accueil d’Oeuvre en Expo. Et ceci dans l’Hérault vers le canal du Midi. Car je n’oublierais ce pays.

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