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2010
La faim, la corruption : l’autre visage de l’Inde
Catégorie : OCEAN INDIEN
Une dépêche de l’AFP reproduite et commentée par « Aujourd’hui l’Inde » rappelle que, selon le nouvel index de pauvreté multidimensionnel (Multidimensional Poverty Index ou MPI), huit états indiens dont le Bihar, l’Uttar Pradesh ou le Bengal occidental, comptent plus de personnes souffrant de la faim (421 millions) que les 26 pays africains les plus pauvres (410 millions).
D’où des critiques de la part de l’opposition, le parti du Congrès qui met en cause l’incapacité du gouvernement à venir en aide aux plus démunis et à subvenir à leurs besoins alors que le parti au pouvoir fait ses meilleurs scores dans les zones rurales, grâce à son implication….dans la lutte contre la faim !
Le sujet fait donc débat en Inde.
« Doit-on passer d’un système – inefficace – de répartition de la nourriture à une organisation plus radicale, à savoir la distribution de tickets de rationnement ou même d’argent liquide ?
On discute sur le sujet, on se dispute, et on propose.
Sonia Gandhi, présidente du parti du Congrès souhaite créer un droit constitutionnel à la nourriture.
Le droit de manger.
Le droit de satisfaire un besoin vital.
Elle suggère aussi que l’accès au sac mensuel de 35 kilos de céréales, sucre et de kérosène (pour cuisiner)- réservé jusqu’à présent aux personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté – soit étendu à chaque famille indienne ».
Autre casse-tête : comment distribuer l’aide ?
Faut-il maintenir le système de livraison actuel ? Le démanteler ?
Faire appel au marché en distribuant, non pas des aliments mais une somme équivalente pour permettre aux pauvres de s’acheter ce qu’ils veulent où ils veulent, et de se libérer de l’appareil gouvernemental, bien trop lourd.
En tout cas, « elle est bien loin l’Inde montrée en exemple lors de la révolution verte.
Aujourd’hui près de 42% des enfants indiens de moins de cinq ans sont sous-alimentés. « La faute à une nourriture pourrie… par la corruption et l’inefficacité ».
L’’Inde paie un lourd tribut à son adminstration déficiente. Des études « montrent que 70% du budget de 12 milliards de dollars alloué à la lutte contre la pauvreté part, volé ou absorbé par les coûts de fonctionnement bureaucratiques ou de transport.
Mais, les autres plaies sont l’arnaque et la corruption.
« Les créanciers savent toujours tirer profit de la situation et font crédit à des taux exorbitants aux plus nécessiteux ».
Les mêmes utilisent les cartes de rationnement pour se procurer à bas prix de la nourriture dans les Fair Price Shops, les entrepôts gouvernementaux et ls revendre ensuite six fois plus cher sur le marché.
Même « les inspecteurs du gouvernement sont connus pour racketter les employés des Fair Price Shops.
Les employés reçoivent également de l’argent des prêteurs pour que ceux-ci puissent faire leur marché en toute tranquillité. Toute une organisation ».
Le journal « Les Echos » publiait le 29 juillet dernier cet article :
«Si l’on alignait les grains de blé et de riz stockés par la Corporation alimentaire de l’Inde (FCI),
on obtiendrait deux fois la distance qui sépare la Terre de la Lune », affirme l’économiste
Jean Drèze, cité dans l’« Hindustan Times ». Des quantités de nourriture phénoménales qui
étonnent dans un pays classé à la 66 e place sur 88, derrière le Soudan, selon l’indice global de la faim.
La FCI a pour missions de distribuer les céréales à la population et d’assurer des stocks suffisants en cas de pénurie selon les normes de la Sécurité alimentaire nationale. Mais, avec 60 millions de tonnes de céréales stockées, le FCI dépasse largement la norme fixée à 21 millions !
De plus, près de 30 % des stocks (deux fois plus qu’en 2008) sont piètrement protégés par des bâches et 10 millions de tonnes menacent ainsi de pourrir. Le plus alarmant, selon le quotidien indien, est qu’avec une telle quantité, 140 millions de personnes auraient pu se nourrir pendant un mois !
Le gouvernement préférerait stocker ses céréales plutôt que de procéder à une distribution coûteuse. Cette justification est jugée hypocrite par le journal, car les pertes de céréales mal stockées coûteraient deux à trois fois plus au pays. En mars dernier, la FCI et le ministre de l’Alimentation avaient proposé de distribuer 5 millions de tonnes de céréales à un prix subventionné aux régions se trouvant sous le seuil de pauvreté.
Proposition rejetée par un groupe habilité de ministres (EGoM), ne la jugeant pas rentable.
Baraj Patnaik, principal conseiller auprès de la commission sur le droit à l’alimentation au sein
de la Cour suprême, a ironiquement renommé la FCI « Corruption alimentaire de l’Inde » et n’hésite pas à qualifier ces dérives de « génocide par négligence ».