Tourisme sexuel : Madagascar, l’île des femmes colonisées

 

   L’île rouge est un paradis pour certains hommes échoués, bienheureux de l’océan Indien.

 

Loin des velléités politiques, de la pauvreté exacerbée et des coups d’Etat imaginaires, le destin tragique de certaines femmes font le bonheur de nos hommes.

 

La prostitution y revêt plusieurs visages. Visage d’enfant, visage de femme noire aux traits asiatiques, teint mat et regard perdu, le sourire aux lèvres.

 

Les corps se donnent et les sourires se figent.

 

Les visages d’en face sont à l’inverse fripés, tendus, au regard embué d’alcool et aux gestes maladroits, le ventre bedonnant. 

 

Étrangement presque tous vieux et névrosés, ils sont des clients décomplexés.

 

Déjà dans l’avion pour Madagascar, le ton était donné : un homme se ballade avec une petite valise dont on voit dépasser des cheveux.

Il a eu la délicatesse d’apporter des poupées Barbie en échange de certaines faveurs.

 

Ma voisine, une Malgache, s’épanche sur moi et me raconte son histoire : elle retourne au pays après avoir passé plus d’un an enfermée chez un Blanc qui lui promettait une vie meilleure et qu’elle avait rejoint sans le connaître.

 

Elle n’a plus rien que le désir d’oublier.

  

______________________________________________________

Le tourisme sexuel : interdit depuis 2008

______________________________________________________

 

À l’arrivée, au niveau des douanes de l’aéroport, un panneau met en garde contre le tourisme sexuel, puni depuis janvier 2008 sur l’île.

 

Alors on souffle un peu, on sait que certains ont été arrêtés, et que le combat ne s’arrête pas à la prévention.

 

Le ministère du Tourisme et de l’Artisanat vient de s’engager aux côtés de l’ONG Acting for Life dans la lutte contre le tourisme sexuel.

 

Mais la réalité est déroutante.

 

Il y a les prostituées en discothèque qui guettent l’heure où les hommes, saouls, vont penser être les rois du monde et s’abandonner à leur désir sans culpabilité.

 

Le service n’est pas toujours payant – il vaut un peu moins de 3 euros : c’est aussi un luxe de pouvoir côtoyer un Blanc.

 

______________________________________________________

Des rabatteurs au service de prédateurs sexuels

______________________________________________________

 

Il y a les filles de Nosybe, filles des îles ravissantes au goût de vanille, habituées à vivre avec les vasahas -c’est ainsi que l’on désigne les Occidentaux à Madagascar-, égarés sur la route du rhum que leur ont offert la retraite.

 

Sur l’archipel, se trouvent de petites îles paradisiaques, parsemées de villages de pêcheurs et d’artisans.

 

On s’y extasie sur les manguiers, le sable blanc, les palmiers, un coucher de soleil à couper le souffle, et les plantations de vanille sur une nature riche et abondante.

 

Le soir, au bar, errent des vieux Blancs (1), débarqués la veille ou il y a des années, qui s’arrangent avec des rabatteurs pour leur trouver une fille du village.

 

Les insulaires sont disposés à ce sacrifice, seule alternative sur une île qui devient, au fil des années, un piège qu’on ne peut quitter par manque de moyens.

 

______________________________________________________

Parfois. elles tombent enceintes

______________________________________________________

 

Le train de vie occidental attire, il est plein de promesses et d’illusions de mener une vie meilleure.

 

Pourtant, on se questionne sur la gentillesse malgache, intacte, alors qu’elle aurait eu toutes les raisons du monde d’être entachée par le manque de respect de beaucoup de vasahas.

 

Ils viennent, choisissent des filles et les jettent.

Parfois elles tombent enceintes.

La nuit tombe tôt sur l’île de Nosykomba et l’alcool aidant, les langues de délient.

 

On entend alors les discours des Européens attablés autour d’un verre avec leurs compagnes malgaches :

« Moi, mon père était commandant dans l’armée, et mon grand-père aussi. On a jamais trop parlé, il était dur, alors avec mon fils, j’avais envie de partager un truc, de vivre quelque chose avec lui. Pour ses 15 ans, je lui ai payé une fille qui l’a dépucelé.

– Ah ben moi, mes fils de 13 et 16 ans, à Mayotte, ils n’ont jamais osé sauter le pas ! »

 

Aucune pudeur, aucun complexe, ils ne se rendent compte ni de ce qu’ils disent, ni de ce qu’ils font.

Ils évoquent les formes de leurs compagnes, à leurs amis, devant elles et s’en vantent.

 

Elles n’ont pas de statut, elles sont juste là pour les distraire, et leur faire oublier qu’ils sont seuls.

 

______________________________________________________

Loin de leur femme, de leurs enfants, et de la loi

______________________________________________________

 

Ils ont partagé le monde, le leur et celui qu’ils exploitent.

De vieux colons (2) nostalgiques venus souiller la beauté de ces femmes malgaches que plus rien n’étonne. L’illusion est parfaite.

 

Les plus jeunes sont arrogants, ils ont le pouvoir de l’argent, s’octroient tous les droits et ont laissé leurs devoirs au loin : leurs femmes et enfants, ainsi que la loi.

 

Des métisses courent sur l’île avec les autres enfants, toujours un peu à l’écart, trop différents pour être acceptés par leurs camarades mais abandonnés au même sort.

 

On ne se retourne pas en quittant Nosybe, car le regard se fixe involontairement sur l’homme assouvi qui part, lui aussi, insouciant…

 

Le voyage du retour ne m’a pas épargnée : mon compagnon de vol fut un vieil homme de 76 ans : 

« Madame ou mademoiselle ? » me lance-t-il dans un sourire édenté.

 

Il avoue tout de suite et sans raison qu’il est venu à Madagascar pour les filles : il n’a rien à cacher.

 

Deux fois par an, avant et après la saison des pluies :

 

« Enfin, ma femme elle le sait que je ne viens pas pour le quad.

Je m’amuse bien, ici.

La dernière avait 18 ans : 1, 50 m, 40 kg.

Et puis c’est quoi, 30 000 ariarys ? 12 euros ?

Elles ne demandent rien.

Elles travaillent bien.

Faut faire attention hein, au bout d’un moment l’argent les attire, elles s’accrochent.

Mais comment leur en vouloir ?

Elles ont rien ces petites !

Moi je les respecte, pas comme des salopes !

J’ai été obligé, vous savez… ma femme elle n’aime pas faire l’amour. Elle m’a refusé.

Si vous avez un chéri, prenez soin de lui hein… faut pas lui refuser… »

 

Par nina.fasciaux | rédactrice-écrivain, sur Rue89

 

(1) Il existe aussi des non-blancs, mais le problème est qu’ils sont occidentaux « friqués » plein d’arrogance

(2) Ne devrait-on pas enlever 2 lettres à ce mot ?

 

Mon commentaire : Terrifiant de bêtise et d’inhumanité !

Article vu 9 599 fois
1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (Pas encore de votes)
Loading...

4 Commentaires sur

Tourisme sexuel : Madagascar, l’île des femmes colonisées

  • une reunionnaise en metropoleNo Gravatar |

    « Si vous avez un chéri, prenez soin de lui hein… faut pas lui refuser… ».
    Ainsi se termine l’article de Nina Fasciaux qui reproduit les paroles d’un »touriste sexuel », article repris par Pierre Vergès sur son blog.
    Je ne suis pas d’accord du tout.On ne va pas faire cela nous les femmes reunionnaises, ou zoreils, seulement par obligation et pour ne pas le perdre. »ah j’ai peur de le perdre, je fais tout, la totale avec panoplie et tout » » compte la dessus et boit de l’eau.On ne peut pas adopter cet etat d’esprit si on n’est une femme posée, et bien sous tout rapport, on doit rester droit dans ses bottes.Avec l’etat d’esprit que je l’ai inculqué,ma fille vient de se faire jeter avec pertes et fracas par son compagnon.On s’enfout, l’essentiel, c’est etre independante.Surtout vous dites ce sont des vieux bedonnant, et beaucoup de « ponions » pour là bas, pays pauvres, mais pas pour nous qui peuvent gagner un salaire de 2000/3000euros, en travaillant et en ayant un bon poste dans un organisme quelconque..
    Prions Dieu surtout que notre ile chérie, la Reunion soit epargnée par ce genre de tourisme, qu’on nomme tourisme sexuel. Et que notre ile ne devienne jamais trop pauvre comme certains pays.
    Maintenant, il y a meme des femmes agées, qui se font leur 4h avec des jeunes de ces endroits.C’est un monde qui tourne et qui fait peur.Que la Reunion soit epargnée.âr ce genre de choses.
    Il y a quelqu’un de notre environnement qui est parti à Madagascar et qui est revenu.Description comme vous faites « gros, les pieds remplis de goutte, bedonnant, avec des bajoues au menton, et vieux bien sur agé quoi »
    On ne fait pas cà parce qu’on a peur de perdre l’autre, on le fait par desir et envie.

  • julot59No Gravatar |

    Il faut être extrèmement mauvais pour faire des choses avec des enfants !
    La répression doit être plus sévère

  • Pierre VERGESNo Gravatar |

    Entièrement d’accord avec vous. Et comme pour les violences conjugales, il faut que l’éducation, dans un but de prévention, fasse de la condamnation de la maltraitance, notamment sexuelle, sur enfants ou personne socialement vulnérable, une priorité nationale.

  • julot59No Gravatar |

    Vous avez raison , mon Cher .
    L’école doit apprendre à nos enfants , le respect de l’autre ; c’est difficile , mais il faut tous les jours faire de la morale en ce sens .
    Des adultes (surtout masculins) profitent de la faiblesse des gens dans certains pays limitrophes pour assouvir leur pulsion malsaine : cela doit être sévèrement puni (malheureusement on trouvera tj des personnes pour excuser leur pulsion …)

Vous avez une opinion ? Laissez un commentaire :

Nom *
E-Mail *
Site Web