Classement de « Capital » : « Le modèle néo-colonial remis en cause »

 

  Je ne peux m’empêcher de vous faire partager la tribune de Michel Branchi, économiste et membre du Parti Communiste Martiniquais.

Celui-ci revient sur le classement des régions réalisé par le magazine « Capital » dans son édition de Décembre 2011 / Janvier 2012.

 

Il faut indiquer que « Capital » a établi son classement sur les 26 régions françaises (22 en France, plus les Dom qui sont des régions).

 

Il s’est appuyé sur seize indicateurs dans quatre domaines :

dynamisme démographique (deux indicateurs),

dynamisme économique (six indicateurs),

qualité des équipements et services publics (cinq indicateurs) et

politique de protection de l’environnement (trois indicateurs).

 

Bien entendu, ces indicateurs sont éminemment discutables.

Ce qui compte c’est l’évolution en 2011 par rapport au classement avec la même méthode en 2009.

 

Le classement général a consisté à additionner les chiffres ou rangs obtenus par chaque région sur ces seize indicateurs.

 

La Martinique est classée 22ème sur 26, quand elle était 12ème en 2009.

Elle perd 10 places et constitue la région qui a le plus reculé.

 

La Corse elle perd 8 places et devient 17ème contre 9ème en 2009.

La Guyane passe de 20ème à 23ème (perte de 3 places).

 

La Guadeloupe pour sa part passe de la 24ème à la 26ème et dernière place du classement (perte de 2 places).

La Réunion reste 25ème.

 

Recul de toutes les régions Antilles – Guyane

 

Donc toutes les régions Antilles/Guyane reculent à des degrés divers.

Les régions d’outre-mer s’échelonnent de 22ème (Martinique) à 26ème (Guadeloupe).

 

Une seule région française s’intercale dans ce classement : la Picardie qui se place comme 24ème.

Pour Anne Cagnan et Patrice Piquard, auteurs du dossier du magazine « Capital », l’explication principale de cette dégradation tient au fait que dans les DOM, « le taux de chômage y atteint de nouveaux records ».

 

D’une manière globale, en France, l’Insee souligne que « la crise accroît les écarts de chômage et de richesse entre départements ».

Quels sont donc les rôles respectifs de la crise financière débutée en 2008/2009 et des facteurs structurels de mal développement propres à nos pays dépendant de la France et de l’Europe ?

 

Une pseudo-croissance sans créations d’emploi

 

Malgré une « croissance dynamique (près de 3 % par an sur longue période) », elle « ne crée pas d’emplois nouveaux en Guadeloupe et en Martinique », note le journal.

Il faudrait se poser des questions sur la nature et le contenu de cette pseudo-croissance.

 

Résultat : le taux de chômage est de plus en plus élevé et le PIB par habitant est très inférieur à la moyenne française.

Et il est relevé que « près d’un quart des Antillais ont donc préféré troquer le soleil contre la grisaille métropolitaine afin de trouver un emploi ».

 

Pendant que notre jeunesse s’en va, d’autres arrivent et occupent la place. Cela « Capital » ne le dit pas, bien sûr.

Poursuivant son analyse, ce digne représentant de la pensée néolibérale et patronale, considère que

« malgré la défiscalisation des investissements, le développement d’activités à forte valeur ajoutée comme les services aux entreprises reste très modeste, du fait du faible niveau de qualification des actifs ».

 

En ce qui concerne l’industrie, seul le site de lancement de Kourou en Guyane représente les secteurs de pointe, est-il souligné.

 

Sous perfusion

 

La France n’aurait-elle pas pu provoquer des localisations de filiales d’entreprises industrielles, notamment de ce qui reste du secteur public, dans nos pays ?

Comme cela a été décidé au temps de De Gaulle avec la création volontariste de la Sara en 1969 ?

 

Pour compléter ce sombre tableau, « Capital » relève que « la filière agro-alimentaire, principal employeur des DOM est en difficulté ».

C’est ainsi qu’il est pointé que

« la réforme des marchés de la banane et du sucre initiée par l’OMC (ndlr : l’Organisation mondiale du commerce) a en effet réduit les subventions et contraint ces productions phares à se restructurer ».

 

Jetant un coup d’œil sur le tourisme qualifié d’être « un des moteurs des économies insulaires » il serait pénalisé par « des conflits sociaux à répétition » et par « un positionnement insuffisant (vacances vertes ou sportives) ».

Conclusion de « Capital » :

« Les DOM restent sous perfusion, grâce aux transferts financiers (20% du PIB en Martinique), aux prestations sociales et à l’emploi public qui représente entre 30 et 40% des postes en raison de la double casquette des DOM, à la fois départements et régions ».

 

Des pays « sous perfusion » ou sous dépendance néo-coloniale ?

L’image de pays « sous perfusion » de l’Etat français persiste auprès de la grande presse économique française.

 

Elle est tout à fait partiale, car les transferts publics retournent, pour l’essentiel, dans le budget de l’Etat français et des multinationales de l’import -consommation.

 

Les transferts : oui mais

 

Selon une étude d’août 2004 du Pr Olivier Sudrie du cabinet DME pour la Chambre de Commerce  qui garde toute sa valeur,  sur un euro de transferts publics 80 centimes retournaient à l’Etat sous forme de prélèvements obligatoires et 46 centimes sous forme valeur ajoutée à l’économie française.

Seuls 46 centimes de valeur ajoutée étaient apportés à l’économie martiniquaise.

 

Mais que fait-on quand les transferts financiers publics ont tendance à ralentir depuis les années 1990 et 2000, voire à diminuer avec la crise financière depuis 2008/2009 ?

Que fait-on quand les prestations sociales subissent un freinage important ?

 

Que fait-on quand l’on arrête les recrutements dans la Fonction publique,

Que fait-on quand on supprime une grande partie des emplois aidés, etc ?

 

C’est l’impasse de ce modèle de développement basé sur une dépendance de type néo-colonial.

 

Perte du triple A par le système néo-colonial départemental de Martinique

 

Néanmoins, il reste au final que, suivant ce classement dont on peut contester, répétons-le, le choix des indicateurs et la méthodologie, à critères identiques le pays a reculé plus que la Guadeloupe et la Guyane entre 2009 et 2011.

Et le plan de relance régional, pour le moment, n’a pas enrayé la dégradation de la situation, particulièrement au plan de l’emploi.

 

Où sont les 2 006 emplois « générés », voire les 5 000 promis ?

Cela s’assimile à la perte du triple A pour le système lui-même et ceux qui le soutiennent.

 

Car c’est bien le système néo-colonial départemental, et le modèle de développement qu’il met en oeuvre, qui crée le chômage record et non la fatalité.

Là est la vraie question que nos 73istes honteux ne veulent point aborder.

 

La Région ne peut pas tout, même si elle a le devoir d’essayer d’amortir la crise.

Dire le contraire, c’est créer des illusions.

 

La question du changement de modèle de développement et de la conquête d’un vrai pouvoir martiniquais pour réorienter le pays reste à l’ordre du jour plus que jamais.

 

2/02/2012

L’intégralité du document à l’adresse suivante  http://www.politiques-publiques.net/Classement-de-Capital-Le-modele.html

 

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